Femmes dans la Résistance intérieure française
Les femmes dans la Résistance intérieure française ont joué un rôle important mais longtemps sous-estimé dans le contexte de l’occupation du pays pendant la Seconde Guerre mondiale.
Histoire
Effectifs et positions hiérarchiques
Berty Albrecht.Marie-Madeleine Fourcade.
Moins nombreuses que les hommes, les femmes représentent 10 à 16 % des résistants1 et environ 15 % des déportés politiques (Danielle Casanova, Mireille Lauze, Lise London, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Charlotte Delbo, Germaine Tillion, Touty Hiltermann, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Yvonne Pagniez, Denise Vernay, Anise Postel-Vinay, Noëlla Rouget, Jacqueline Pery d’Alincourt, Gilberte Brossolette, Élisabeth et Jeanne Goupille et Marie-Thérèse de Poix (Indre-et-Loire), Ginette Lion-Clément, Yvette Lundy, Fernande Servagnat (Marne), Nicole Clarence, etc.). Selon l’historienne Rolande Trempé, leur rôle a toutefois été systématiquement sous-estimé2. Ce faible nombre s’explique d’une part par la condition féminine avant la Seconde Guerre mondiale (les femmes sont traitées en mineures, n’ont pas le droit de vote et ne peuvent, de jure pas travailler sans l’autorisation de leur mari) et d’autre part par le mode de formation des résistants (le repli dans des maquis, où l’organisation de la Résistance peut prendre une forme militaire, exclut souvent les femmes). L’historien Olivier Wieviorka note ainsi : « Bref, bien des obstacles se dressaient à l’entrée des femmes en Résistance, ce qui incite à considérer les pourcentages présentés comme relativement élevés, au regard du contexte qui prévalait alors »1.
Elles sont le plus souvent cantonnées à des rôles subalternes. Lucie Aubrac, résistante emblématique, cofondatrice de Libération-Sud, n’a en fait jamais eu de rôle défini dans la hiérarchie du mouvement. Hélène Viannay, davantage diplômée que son mari Philippe Viannay, le fondateur de Défense de la France, n’écrit jamais un seul article pour le journal clandestin du même nom, pas plus que les autres compagnes des chefs de DF, alors qu’elles assistent à toutes les réunions de rédaction. Quoique officiers, les agentes du Special Operations Executive sont formées et employées comme sans-filistes et secrétaires de circuits dirigés par des hommes.Sœur Hélène Studler en 1944.
- Les femmes sont bien représentées à Combat zone Nord dont l’un des piliers est l’école des surintendantes d’usine. Lors de la réorganisation de ce mouvement, plusieurs d’entre elles sont au comité directeur: Jane Sivadon, Elisabeth Dussauze et Odile Kienlen.
- Le Mouvement de Libération Nationale est cofondé par Berty Albrecht ancienne de l’école des surintendantes. Les employées du commissariat au chômage de Lyon dont Berty est directrice jouent un rôle-clef dans le développement de Combat en zone libre.
- Denise Cerneau joue un rôle primordial dans l’animation de réseaux de zone nord et de zone interdit.
- Hélène Studler, Fille de la Charité de Metz, ville annexée au Troisième Reich, monte son « réseau d’évasions ». Des milliers de prisonniers, de réfractaires lui doivent leur « liberté ». Elle organise l’évasion de François Mitterand, de Boris Holban fondateur du réseau des FTP-MOI en mars 1942 et aide à celle du général Giraud, le 17 avril 1942.
- Marie-Hélène Fourcade, à la tête du réseau Alliance encadre les trois mille agents du réseau. Après la guerre, elle préside l’association des anciens. Elle est la seule femme à avoir été chef d’un grand réseau de la Résistance.
- L’Organisation civile et militaire (OCM) a une section féminine, présidée par Marie-Hélène Lefaucheux, qui est également membre du comité parisien de Libération. Elle deviendra députée puis sénatrice.
- Suzanne Hiltermann-Soulouniac joue un rôle décisif dans la fondation et le fonctionnement du mouvement Dutch-Paris
- Germaine Tillion devient l’un des chefs de la filière d’évasion de Paul Hauet, dont elle prendra la suite. Après la guerre, elle est chargée de la liquidation administrative de la nébuleuse Hauet-Vildé, qu’elle baptise alors Groupe du musée de l’Homme.
- Marie-Odile Laroche, (nom de guerre de Pauline Gaillard, épouse Henri Barré de Saint-Venant), chef du réseau « Marie-Odile »
Certificat d’appartenance de Claude Rodier, mentionnant son grade de sergent.
- Claude Rodier, sergent des Mouvements Unis de Résistance (MUR) d’Auvergne.
Rôle
Seule une minorité très restreinte prend part à la lutte armée. Alors que les résistantes sont des figures emblématiques et nombreuses dans les mouvements de partisans en Italie, en Grèce, en Yougoslavie et en URSS occupées, elles sont peu nombreuses dans les maquis de France – peut-être parce qu’elles ne sont pas soumises au STO et n’ont pas besoin de le fuir (elles n’ont pas non plus de formation ni de vocation militaire). Elles ne sont pas désignées comme otages par les occupants. Des femmes organisent des manifestations de ménagères dès 1940, sont actives dans les comités populaires du PCF clandestin, omniprésentes dans les encouragements et l’aide matérielle aux grévistes (ainsi dans le Nord-Pas-de-Calais en mai 1941) ainsi qu’aux réfractaires des maquis (H.R. Kedward, A la recherche du maquis, 1999). Elles sont indispensables comme dactylos, comme « boites aux lettres », comme hébergeuses, et surtout comme agents de liaison – en partie parce que les Allemands se méfiaient moins des femmes, et que les innombrables contrôles d’identité dirigés contre les réfractaires au STO ne les concernent pas. Olivier Wieviorka souligne que la stratégie des mouvements était souvent, en fait, de mettre en avant les femmes parce qu’elles sont moins exposées à la répression : Vichy et les Allemands ne peuvent quand même pas tirer sur des ménagères réclamant à manger pour leurs enfants. Certaines prennent les armes, telle Germaine Lemaire qui abat un sous-officier allemand le 17 juin 1940, jour où Philippe Pétain appelle à cesser le combat et annonce son intention de demander l’armistice.
Certaines réussissent ainsi à échapper à la vigilance des Allemands comme sœur Jeanne Cherer, à Lusignan. Cependant, lorsqu’elles sont prises, les femmes sont interrogées avec la même brutalité par la Gestapo et expédiées de la même façon en camps de concentration.
On peut aussi souligner le rôle singulier d’Anna Marly, bien qu’elle ne soit pas à proprement parler une résistante de l’intérieur. Elle composa, alors engagée comme cantinière au Quartier général des Forces françaises libres à Londres, la musique et le texte en russe du Chant des partisans en 1941 et la musique de la Complainte du partisan en 1943. Largement diffusé par la BBC à partir du 30 mai 1943, le Chant des partisans et surtout sa version sifflée devinrent l’hymne de la Résistance et son signe de ralliement.
Résistance et vie privée
D’innombrables combattants de l’ombre vivent toute la guerre en couple, et leur résistance serait impossible et invivable sans la présence de leur compagne à leur côté : Cécile et Henri Rol-Tanguy, Raymond et Lucie Aubrac, Gilberte et Pierre Brossolette, Paulette et Maurice Kriegel-Valrimont, Henri Frenay et Berty Albrecht, Reine Joly et Robert Guédon, Hélène et Philippe Viannay, Marie-Hélène Lefaucheux et Pierre Lefaucheux, Cletta et Daniel Mayer, Antoinette Feuerwerker et David Feuerwerker, Pierre et Annie Hervé, etc. forment des couples indissociables. D’autres idylles sont brisées par la guerre : Pierre Le Rolland et Georgette Drion[réf. nécessaire]. D’autres couples sont formés après la Libération : Henri Frenay et Chilina Ciosi, Henri Ingrand et Elizabeth Dussauze, etc.Hélène Solomon-Langevin en 1945. Gravement handicapée à sa sortie de camp, elle ne put que très difficilement reprendre une vie normale.
Nombreuses sont les résistantes qui se marient et qui ont des enfants en pleine clandestinité, sans interrompre pour autant leur combat. Certaines sauvent la vie de leur mari (Lucie Aubrac, Marie-Hélène Lefaucheux, Annie Hervé). D’autres feront de la politique après la guerre, comme Gilberte Brossolette qui sera élue sénatrice socialiste et deviendra la première femme vice-présidente du Sénat. D’autres partagent leur sort jusqu’à la torture, à la déportation et à la mort. Le convoi du 24 janvier 1943 emporte à Auschwitz des prisonnières politiques et des otages (non-juives et en majorité communistes fichées avant-guerre), parmi lesquelles de nombreuses veuves de fusillés, ainsi Maï Politzer, épouse de Georges Politzer7, ou encore Hélène Solomon-Langevin, fille de Paul Langevin et femme du physicien Jacques Solomon8.
Répression
En effet, les résistantes et les femmes politiques font l’objet de mesures d’internement (en France) et de déportation (vers l’Allemagne ou la Pologne), dans des prisons, des bagnes ou des camps de concentration. Les prisons françaises et allemandes (Cologne, Sarrebruck, Deux-Ponts, Neuenkirchen, Saint-Wendel, etc.) reçoivent nombre de résistantes et de femmes politiques en détention préventive (Schutzhaft). En Allemagne, les déportées sous statut Nacht und Nebel (NN) sont gardées au secret, sans courrier ni colis, les demandes des familles et les investigations de la Croix-Rouge sont vaines. Les prévenues contre qui ont été réunies des preuves suffisantes sont jugées par des tribunaux d’exception, Sondergerichte ou Volksgerichtshof. Les condamnées à mort sont guillotinées. Les condamnées à mort dont l’exécution a été suspendue et les condamnées aux travaux forcés sont détenues dans des bagnes pour femmes (Frauenzuchthaus), tels Lubeck, Jauer, Anrath, Aichach ou Cottbus, en compagnie de prisonnières allemandes de droit commun. Quand le régime NN tombe en désuétude, les condamnées et les prévenues sont mises au camp où elles rejoignent les camarades qui avaient purgé leur peine de prison. En particulier, Ravensbrück compte un effectif entretenu d’environ 5 000 Françaises, dont, d’après Germaine Tillion, un tiers de résistantes. D’autres sont transférées dans des camps annexes, des kommandos d’usines, des camps de travail où les conditions sont les mêmes. Trois trains de déportées ont été envoyés directement de Compiègne à Ravensbrück. De plus, quand le Sipo-SD vide les prisons françaises, à la mi-1944, les internées (politiques, résistantes, otages, droit-commun) sont déportées vers les camps de concentration.
Mémoire
Dès la libération de Ravensbrück, Germaine Tillion entreprend, « à chaud », un travail d’historienne méthodiquement poursuivi pendant plusieurs années, avec l’aide de plusieurs compagnes de résistance et de déportation.
Les survivantes des camps témoignent aux procès de criminels de guerre, comme Marie-Claude Vaillant-Couturier aux procès de Nuremberg.Monument Zwei Stehende (Deux mères debout) à Ravensbrück.
Les combats, la répression et la vie quotidienne de la Résistance sont illustrés par les récits épiques de Lucie Aubrac et de Marie-Madeleine Fourcade qui sont de grands succès de librairie, comme les mémoires de Brigitte Friang. Lucie Aubrac, Élisabeth Goupille, Marie-José Chombart de Lauwe, parmi d’autres font la tournée des écoles afin d’expliquer l’Occupation aux jeunes.
Danielle Darrieux et Nathalie Baye ont prêté leur talent à Marie-Octobre. Carole Bouquet interprète le rôle de Lucie dans le film de Claude Berri. Simone Signoret tient le rôle d’une résistante dans L’Armée des ombres, que Melville tire du roman de Kessel. Sophie Marceau, Julie Depardieu, Marie Gillain ont illustré Les femmes de l’ombre. Miou-Miou a interprété le personnage d’une militante communiste dans Blanche et Marie, Irina Demick joue de la Sten dans Le jour le plus long, etc.
Hommages
Le CNR néglige de mentionner le vote des femmes dans son programme de renouveau en mars 1944. Néanmoins, par le choix du général de Gaulle ainsi que leur implication dans la Résistance, elles ouvrent la voix au droit de vote et à l’éligibilité des femmes en France, dès 1944 (par l’ordonnance du 21 avril 1944).
Des timbres poste ont été créés à l’effigie de Mère Marie Élisabeth de l’Eucharistie, Simone Michel-Levy, Yvonne Le Roux, Danielle Casanova, Renée Lévy, Berty Albrecht, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Rose Valland et Lucie Aubrac.
Lucienne Guézennec (Marie-Antoinette Morat) est l’un des six personnages des Volontaires de la Nuit d’Henri Frenay.
Après la guerre, de nombreuses militantes ont reçu la croix du combattant volontaire de la Résistance ou la médaille de la résistance, mais aussi des distinctions (médaille militaire, croix de guerre, légion d’honneur) en général attribuées à des hommes. Cependant, six femmes seulement (sur 1038 titulaires) ont été faites Compagnons de la Libération : Berty Albrecht, Laure Diebold, Marie Hackin, Simone Michel-Levy, Émilienne Moreau-Évrard et Marcelle Henry.
Des personnalités comme Marie-Madeleine Fourcade, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Lucie Aubrac et quelques autres ont été célébrées de leur vivant.
En 2015, le président François Hollande décide de la panthéonisation de Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
À Paris, trois voies ont été baptisées en mémoire de femmes résistantes compagnon de la Libération : la place Simone-Michel-Lévy (7e arrondissement) en 2006, la rue Laure-Diebold (8e arrondissement) en 2013 et la passerelle Marcelle-Henry (17e arrondissement) en 2017.
Monuments
Noor Inayat Khan, agent britannique « Madeleine », sauvagement exécutée à Dachau en 1944.
À l’occasion d’une émission de France Culture consacrée aux femmes dans la résistance, l’historienne Annette Wieviorka remarque que peu de monuments honorent l’action de ces femmes.
La ville de Riom (63) honore deux de ses citoyennes, Marinette Menut, lieutenant-pharmacien des MURs d’Auvergne et Claude Rodier–Pierre Virlogeux, sergent-chef des MURs d’Auvergne, d’une stèle spécifique.
Le Mémorial de Valençay (Indre) porte le nom de 13 agentes du SOE (Section F) mortes au pouvoir de l’ennemi.
Le Mémorial de Ramatuelle (Var) porte le nom de 26 agentes des services spéciaux français mortes aux mains de l’ennemi.
De nombreuses plaques commémoratives ont été posées. De nombreuses rues, places, écoles, dispensaires portent le nom de résistantes, telle Anne Noury. Les pierres tombales de résistantes mentionnent souvent la qualité ou les états de service, les distinctions.
Tirées au sort, Renée Lévy (réseau Hector) et Berty Albrecht (Combat) sont enterrées au Mémorial de la France combattante du Mont-Valérien (Suresnes).
Le 3 décembre 2013, le prince Charles de Galles inaugure à Tempsford, près de Cambridge, sur le lieu du terrain d’aviation d’où elles décollaient pour la France ou l’Afrique du Nord, un monument aux espionnes envoyées d’Angleterre (travaillant alors pour le SOE). Au total, 75 femmes en sont parties (notamment Violette Szabo, Noor Inayat Khan et Eileen Nearne), dont 22 sont mortes en mission. Si la convention de Genève interdisait à l’époque aux femmes de combattre, celles-ci ont souvent joué un rôle décisif dans la Résistance, notamment comme courriers ou opératrices radio. Charles de Gaulle, qui pour sa part voulait montrer que la Résistance n’était pas organisée de l’étranger, désapprouvait le SOE, ce qui explique encore sa faible notoriété en France. Lors de l’inauguration du monument, la France n’était représentée que par un employé de l’ambassade de France au Royaume-Uni.
LUCIE AUBRAC
Lucie Bernard est née en 1912 dans une famille de vignerons bourguignons. Etudiante à la Sorbonne, cette belle et grande fille brune s’engage dans le Groupe des étudiants pauvres puis dans la Jeunesse communiste.
Agrégée d’histoire, Lucie est nommée à Strasbourg. Elle y rencontre un jeune ingénieur, Raymond Samuel. Une date scelle leur destin : le 14 mai 1939. « A Strasbourg, nous avons ressenti l’un pour l’autre un amour total. Pas seulement un coup de foudre, mais un accord si définitif que nous nous sommes juré, tant que nous vivrons, d’être toujours ensemble les 14 mai ». Lucie et Raymond se marient trois mois après la déclaration de la guerre.
En août 1940, Raymond est fait prisonnier. Comme elle le fera à trois reprises, Lucie le fait libérer, s’arrangeant pour qu’il se retrouve à l’hôpital. « Un mur à sauter le soir et ce fut la liberté ».
La zone nord devient trop dangereuse. Lyon est leur prochaine destination. A Clermont-Ferrand , Lucie prend contact avec le petit groupe « La dernière colonne », autour du journaliste Emmanuel d’Astier de la Vigerie, qui fait paraître un « tract » clandestin qui deviendra après-guerre le journal « Liberation ».
Lucie, Raymond et leur fils Jean-Pierre s’installent dans une villa tranquille de l’avenue Esquirol. Raymond s’implique peu à peu dans les mouvements de résistance sous le nom d’Aubrac, le nom de ces volcans du Massif central qui veillent dans l’ombre… Arrêté par les Allemands, Raymond parvient à les convaincre qu’il n’est qu’un petit trafiquant. Ce qui est peu important pour l’occupant est en revanche un délit grave pour la police française. Lucie dédide d’intervenir en se rendant chez le procureur, « un trouillard ». Se faisant passer pour la représentante de De Gaulle, elle brandit des menaces de mort et obtient ainsi la libération de son mari. Un coup de bluff qui aurait pu mal tourner ? Qu’importe : Raymond est là pour le 14 mai.
Enseignante au lycée de jeunes filles Edgar Quinet de Lyon, elle est révoquée en novembre 1943 pour ses convictions gaullistes.
Le 20 juin 1943 est « une splendide journée d’été ». Les Aubrac doivent rencontrer au parc de la Tête d’Or l’envoyé de De Gaulle, Max. Lucie voit s’avancer « un homme de taille moyenne, brun, avec de très beaux yeux noirs ». C’est l’unique et dernière fois qu’elle voit Jean Moulin. Il demande à Raymond de consentir à organiser l’armée secrète dans la zone nord. Lucie n’hésite pas : « Tu acceptes, mais il n’est pas question que nous nous séparions. Nous sommes trois, nous serons peut-être quatre l’an prochain ; allons-y ». Raymond apprend ainsi qu’il va être papa à nouveau.
Le lendemain, une réunion secrète entre Raymond Aubrac, Jean Moulin et six autres résistants a lieu dans le cabinet du docteur Dugoujon à Caluire afin de désigner définitivement le futur chef de la zone nord. Le « rendez-vous de Caluire » tourne au tragique.
Quand elle apprend l’arrestation de son mari et de ses compagnons par la Gestapo, Lucie Aubrac décide encore une fois d’agir. Pour savoir si Raymond est toujours vivant, elle se rend au siège de la Gestapo. Elle se présente comme une jeune fille de bonne famille, enceinte de Claude Ermelin (c’est sous ce nom qu’a été incarcéré son mari) et demande à parler au chef des services de la police allemande, un certain Klaus Barbie. « Est-il possible que ce petit bonhomme fasse peur à tout le monde ? » s’étonne-telle en le voyant. Une rencontre terrifiante mais qui lui apprend que Raymond est vivant et… condamné à mort.
Il faut agir vite. En soudoyant un officier allemand à qui elle raconte qu’elle a honte de donner naissance à un enfant « naturel », elle obtient finalement un mariage in extremis. Une opportunité pour transmettre à son mari les plans de son évasion.
Le 21 octobre, le camion transportant Raymond est attaqué par les membres du groupe-franc que Lucie dirige. Raymond est blessé mais libre. Quatre mois plus tard, un message de la BBC leur annonce leur départ pour Londres où Lucie Aubrac représente le Mouvement de libération nationale à l’Assemblée consultative. Ce message est : « Ils partiront dans l’ivresse ».
Après la guerre, Lucie, qu’Emmanuel d’Astier de la Vigerie avait surnommé « Madame conscience » retourne à son métier d’enseignante. Elle a continué à transmettre, inlassablement, d’écoles primaires en universités, le flambeau de l’Histoire. L’Histoire qu’elle avait elle-même vécue, et sur le cours de laquelle elle a courageusement influé.
Femmes de l’Ombre et Compagnons de la Libération
« Soldats tombés dans les déserts, les montagnes ou les plaines, marins noyés que bercent toujours les vagues de l’océan, aviateurs précipités du ciel pour être brisés sur la terre ; combattants de la Résistance tués aux maquis et aux poteaux d’exécution ; vous tous qui à votre dernier souffle, avez mêlé le nom de la France, c’est vous qui avez exalté les courages, sanctifié l’effort, cimenté les résolutions… »
Charles de GAULLE (Préface du Mémorial des Compagnons).
Je tenais absolument, à évoquer ces héroïques Résistants Femmes, Enfants et Hommes, civils ou militaires… qui fidèles au devoir qu’ils s’étaient tracés ; luttèrent, au mépris de tous les dangers, sans trêve, de toutes leurs énergies et parfois même jusqu’à la mort… pour la Liberté.
En novembre 1940, par l’Ordonnance N° 7, Charles de Gaulle décide de créer une récompense spéciale destinée à ceux qui en dehors des actes quotidien du champ de bataille, auraient, par des voies du combat à front découvert ou de l’action clandestine, travaillé d’une façon particulièrement remarquable à la Libération de l’Empire Français.
Les membres prirent tout d’abord le titre de « Croisés de la Libération » puis celui de « Compagnons de la Libération ».
Parmi eux 6 femmes :
Berty ALBRECH (15/02/1893 ~ 31/05/1943) Alias : « Victoria »
Née à Marseille, Berty Wild après des études classiques passe un diplôme d’infirmière… Elle part alors pour Londres, où elle occupe la fonction de surveillante dans une pension de jeunes filles…
De retour à Marseille, au début de la Première Guerre mondiale, elle travaille pour la Croix-Rouge dans plusieurs hôpitaux militaires.
Elle épouse ensuite un banquier hollandais Frédéric Albrecht …dont elle aura deux enfants, Frédéric et Mireille.
Rentrée en France en 1931, elle devient membre de la ligue des droits de l’homme puis crée en 1933 une revue féministe, « Le Problème sexuel » .
elle s’occupe également des réfugiés allemands fuyant le nazisme… En juin 1940 après l’armistice elle fait passer la ligne de démarcation à des prisonniers évadés.
Puis s’installe l’année suivante à Lyon. Commissaire au chômage, elle ouvre des ateliers de couture pour les chômeuses.
Militante connue d’avant-guerre, et fonctionnaire de l’Etat français elle toutefois est surveillée de près par la police française et, par les services allemands…
Fin 1941, Berty et le capitaine Henri Frenay reconnaissent le général de Gaulle en tant que symbole de la Résistance. Ils lancent successivement trois journaux : « le Bulletin », « Les Petites Ailes de France », puis « Vérités » et enfin « Combat ». Leur mouvement prend alors le nom de « Combat ».
Berty Albrecht est arrêtée une première fois en janvier 1942 puis, relachée, elle est contrainte de démissionner. Une nouvelle fois arrêtée fin avril 1943 elle est condamnée à six mois fermes de prison… Libérée par un commando « Victoria » reprend immédiatement ses activité dans la Résistance. Arrêtée le 28 mai suivant, elle s’évade de la Prison de Fresnes en 1943 après avoir été torturée et met fin à ses jours.
– Son corps repose dans le caveau n° 5 du Mémorial de la France combattante au Mont Valérien.
. Compagnon de la Libération (août 1943),
. Médaille Militaire,
. Croix de Guerre avec palme,
. Médaille de la Résistance avec Rosette.
Laure DIEBOLD, (10/01/1915 ~ 17/10/1965), Alias : « Mona – Mado. »
Née à Erstein – Bas-Rhin, Laure Mutschler a passé une grande partie de sa jeunesse à Sainte-Marie-aux-Mines où ses parents s’y étaient établis dès 1922. A la fin de ses études de secrétaire dactylo bilingue (Français-Allemand), Laure travaille aux usines Elastic à Saint-Louis (1935-1939).
… Après l’Armistice elle rejoint une organisation de passeurs de prisonniers évadés. Contrainte de quitter l’Alsace, c’est à Lyon qu’elle retrouve son fiancé Eugène Diebold fin 1941. Jeune mariée, elle travaille comme secrétaire pour le service des réfugiés d’Alsace-Lorraine puis elle entre en 1942 comme agent du réseau « Mithridate » avec le pseudonyme de « Mado » (catégorie P.1); arrêtée le 18 juillet avec son époux elle est relâchée quelques jours plus tard…Réfugiée à Aix-les-Bains, Laure Diebold passe dans la clandestinité et devient « Mona ».
Dès le mois d’août 1942, elle est affectée au service de Jean Moulin en qualité d’agent P.2 avec le grade de lieutenant… En mars 1943 « Mona » s’installe à Paris où elle travaille jours et nuits… Après l’arrestation de Jean Moulin en juin 1943 elle demeure à Paris. Arrêtée une nouvelle fois le 24 septembre elle échappe à la torture et est conduite à Fresnes. Internée à Strasbourg elle est envoyée au camp de Schirmeck en janvier 1944, puis déportée à Auschwitz…
Laure Diebold est ensuite internée au camp de Ravensbrück, puis transférée le 6 octobre 1944 au kommando de Taucha (dépendant de Buchenwald). Libérée en avril 1945 par les Américains.
Elle retrouve à Paris son mari, lui aussi de retour de déportation. Très affaiblie Laure Diebold reprends le travail à la DGER, elle assure ensuite les fonctions de bibliothécaire (1957) et meurt subitement le 17 octobre 1965…
. Chevalier de La Légion d’Honneur,
. Compagnon de la Libération (novembre 1944),
. Croix de Guerre 39 – 45,
. Médaille des Services Volontaires dans la France Libre.
Marie HACKIN, (07/08/1905 ~ 24/02/1941),
Née à Rombas en Moselle, Marie Parmentier, fille d’un Luxembourgeois, suit des études d’archéologie à l’Ecole du Louvre. Elle épouse, en 1928, Joseph Hackin archéologue directeur du musée Guimet, puis effectue ensuite avec son mari différentes campagnes de fouilles en Afghanistan…où elle dirige entre-autre deux chantiers de fouilles sur le site de Begram à environ 60 km de Kaboul (1937).
Refusant l’Armistice et soutenant le Général de Gaulle les époux Hackin, quittent d’Inde, à destination de Londres.
Engagée en décembre 1940 comme sous- lieutenant dans les Forces Française Libres, Marie Hackin participe activement à la formation du corps féminin de la France Libre.
Elle disparait en mission le 24 février 1941 avec son mari le commandant Joseph Hackin lui aussi Compagnon de la Libération… Le bateau les transportant le « Jonathan Holt » ayant été torpillé dans le secteur du Cap Finistère…
. Compagnon de la Libération (mai 1941),
. Croix de Guerre 39 – 45 avec palme,
. Médaille Commémorative 39 – 45.
Marcelle HENRY, (07/09/1895 ~ 24/04/1945)
Née à Angers, Marcelle Henry, fille d’un inspecteur départemental du travail effectue ses études secondaires à Limoges puis à Paris.
Bachelière licenciée en histoire-géographie, elle est d’abord enseignante puis, en septembre 1919, elle entre au ministère du travail comme auxiliaire temporaire, titularisée en 1922 elle est promue sous-chef de bureau en 1931… Fervente catholique, opposée à la collaboration elle prends contact avec la Résistance au lendemain de l’armistice…entreposant chez elle des tracts qu’elle distribue ensuite dans les usines…
Très appréciée de sa hiérarchie, Marcelle Henry est placée, outre ses fonctions professionnelles, à la tête du Service central et du Secrétariat de la Direction du Travail partir de 1942.
Dès septembre 1943, elle est incorporée dans les Forces Françaises Combattantes – BCRA ~ Bureau Central de Renseignement et d’Action – en tant qu’agent de liaison dans un réseau prenant en charge les officiers français et alliés évadés, tout en assurant leur hébergement. Elle y travaille sous les ordres du commandant Jacques Mitterrand alias « Julien »
La gestapo l’arrête le 4 juillet 1944, torturée puis condamnée à mort, le jour même où elle est promue sous-lieutenant (agent P.2) ; elle est finalement déportée au camp de concentration de Ravensbrück puis transférée à Torgau, Kommando de Buchenwald, où elle refuse catégoriquement de travailler à la fabrication de munitions et d’explosifs… ce qui lui vaut de nouvelles maltraitances et privations… Libérée par la Croix Rouge en janvier 1945 et rapatriée en France le 14 avril elle décède des suites des privations et des mauvais traitements à Paris le 24 avril suivant.
. Chevalier de la Légion d’Honneur,
. Compagnon de la Libération (27 avril 1945),
. Croix de Guerre 39 – 45 avec palme,
. Officier du Mérite Social à titre posthume.
Simone MICHEL – LEVY, (19/01/1906 ~ 10/04/1945)
– Alias :« Emma, Françoise, Madame Royale, Mademoiselle Flaubert, Madame Bertrand. »
Née à Chaussin dans le Jura, titulaire du brevet élémentaire, elle entre aux PTT à l’âge 16 ans et demi… En 1939 elle est contrôleur-rédacteur au département de la Direction et du Contrôle technique à Paris.. Après la capitulation, Simone Michel-Levy entre dans la Résistance, elle s’occupe notamment de la commutation des communications téléphoniques lieu stratégique, dont elle fait une agence clandestine d’information, en particulier vers la Normandie. « Françoise » participe activement dès 1941 à la formation du réseau « action PTT » qui devient en 1943 « Etat-major PTT » assurant le transport du courrier clandestin sur toute la France… réalisant ainsi sous ce pseudonyme et celui de « Madame Royale » un excellent réseau d’acheminement du courrier par voie maritime ou par voie aérienne dans les deux sens… En 1943 elle sabote des départs pour le STO en établissant plus d’une centaine de cartes professionnelles à des jeunes pour leur éviter le Service du Travail Obligatoire, Agent P.1 puis P.2 (permanent) elle mène alors une véritable double vie… Le 5 novembre suivant, suite à la trahison de « Tilden » , chef opérateur radio à la CND, « Emma » est attirée par ce dernier dans un piège…Arrêtée, elle est aussitôt conduite dans les locaux de Georges Delfanne, au 101 avenue Henri Martin ; horriblement torturée, Simone Michel-Levy ne lâche rien… Elle est ensuite livrée à la Gestapo (rue des rue des Saussaies).
Déportée au camp de Ravensbrück en février 1944, « Emma » est envoyée dès le mois d’avril suivant au Kommando de Holleischen (Tchécoslovaquie) où elle continue de résister en procédant à divers sabotages…
Transférée au camp de Flossenbürg en Bavière; Simone Michel-Levy sera pendue par les Allemands le 10 avril 1945, une dizaine de jours avant la libération du camp…
. Chevalier de la Légion d’Honneur,
. Compagnon de la Libération ( 26 septembre 1945),
. Croix de Guerre 39 -45 avec palme,
. Médaille de la Résistance.
Emilienne MOREAU – EVRARD, (04/06/1898 ~ 05/01/1971)
– Alias : «Jeanne Poirier, Emilienne la Blonde . »
Née à Wingles (Pas-de-Calais), future institutrice, héroïne de Loos à 17 ans (Guerre 1914/1918) , pour avoir aidé et sauvé des soldats Britanniques : Croix de Guerre avec palme, Royal red Cross (first class) et titulaire de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem, Emilienne Moreau, issue d’une famille de mineurs, est citée à l’ordre de l’armée par le général Foch, reçue par le Président de la République, Raymond Poincaré, puis à Londres par le roi George V.
Ayant passé avec succès ses diplômes d’enseignement elle termine la guerre en tant qu’institutrice à Paris. Après l’armistice (11 novembre 1918) elle retourne à Calais où elle épouse, en 1932, Just Evrard et devient Secrétaire générale des Femmes Socialistes du Pas-de-Calais en 1934…
Connue pour ses actions durant la Première Guerre Mondiale elle est arrêtée au lendemain de la capitulation. Cela ne l’empêche pas de constituer « la Section Socialiste » de Lens. Une nouvelle fois arrêtée en 1941, elle devient agent de liaison du réseau « Brutus » en 1942, puis rentre au mouvement « la France au Combat » en avril 1943. L’année suivante Emilienne Moreau-Evrard part pour Londres.
De retour en France en septembre 1944, elle remet sur pied avec son mari les sections socialistes du Pas-de-Calais…Elle est l’une des six femmes à être faites « Compagnon de la Libération » le général de Gaulle la décore en août 1945 à Béthune.
Membre du comité directeur du parti socialiste de 1945 à 1963, elle occupe également les fonctions de conseillère honoraire de l’Assemblée de l’Union française de 1947 à 1958. À l’aube de la Cinquième République, elle abandonne ses activités publiques et publie ses mémoires… Emilienne Moreau-Evrard décède le 5 janvier 1971 à Lens.
. Officier de la Légion d’Honneur,
. Compagnon de la Libération (11 août 1945),
. Croix de Guerre 14 – 18 avec palme,
. Croix de Guerre 39 – 45,
. Croix du Combattant 14 – 18,
. Croix du Combattant Volontaire de la Résistance,
. Military Medal (GB),
. Royal Red Cross – first class (GB),
. Ordre de Saint-Jean de Jérusalem (GB).
– Au travers de ces 6 Compagnons de la Libération, rendons également hommage à toutes les autres Femmes qui, engagées dans un combat sans trêve, « à front découvert ou dans la lutte clandestine », ont fait preuve, au mépris de tous les dangers, de dévouement et de sacrifice… n’hésitant pas un seul instant à donner leurs vies pour servir un Idéal et leur Patrie.
…Mais aussi un enfant âgé de 14 ans lorsqu’il fut abattu par les Allemands le 4 Juillet 1944 en Bretagne (Morbihan) ; il s’appelait Mathurin HENRIO dit « Barrioz »
Citons également parmi ces héroïques résistants et combattants à avoir été admis au sein de l’Ordre pour leurs actions dans la lutte clandestine ou sur les champs de bataille :
– L’un des premiers Français le Père Thierry d’ANGELIEU de l’Ordre des Carmes, le lieutenant-colonel Félix BROCHE, le capitaine Gaston Duché de BRICOURT, le commandant Emile FAYOLLE, Fred SCARAMONI, Jean MOULIN, Pierre BROSSOLETTE, Camille CHEVALIER, Romain GARY ;
… Pierre CLOSTERMANN, Philippe LECLERC de HAUTECLOQUE, Jean DELATTRE de TASSIGNY, Pierre-Marie KOENING, René CASSIN (Prix Nobel de la Paix 1968), André MALRAUX, Charles DELESTRAINT ….
… André AALBERG, Gabriel BABLON, Georges CABANIER, André DAMMANN, Félix EBOUE, Yves FARGE, Pierre GABARD, Joseph HACKIN, Paul IBOS, Henri JABOULET,
André KAILAO, Henri LABIT, Felipe MAEZTU, Jean NANTERRE, Paul ODDO, René PAILLERET, René QUAINTIN, Philippe RAGUENEAU, Raymond SABOT, Benjamin TAGGER, Pierre-Paul ULMER, Martial VALIN, Agoussi WABI, André ZIRNHELD…
Des personnalités étrangères :
Le roi GEORGES V(nommé à titre posthume), Sir Winston CHURCHILL, le roi Mohamed V du Maroc, le Maréchal MONTGOMERY, le Général Dwight EISENHOWER furent faits Compagnons de la Libération.
Ainsi que Les villes suivantes :
– Nantes, le 11 novembre 1941,
« Ville héroïque qui depuis le crime de la capitulation, a opposé une résistance acharnée à toute forme de collaboration avec l’ennemi… Un magnifique exemple de courage et de fidélité. Par le sang de ses enfants martyrs, vient d’attester devant le monde entier la volonté française de libération nationale… » (extrait)
– Grenoble, le 4 mai 1944.
« Ville héroïque à la pointe de la résistance française et du combat pour la libération. Dressée dans sa fierté, livre à l’Allemand, malgré ses deuils et ses souffrances, malgré l’arrestation et la massacre des meilleurs de ses fils, une lutte acharnée de tous les instants bravant les interdictions… a manifesté le 11 novembre 1943 sa certitude de la victoire et sa volonté d’y prendre part… A bien mérité de la Patrie » (extrait)
– Paris, le 24 mars 1945,
« Capitale fidèle à elle-même et à la France, a manifesté, sous l’occupation et l’oppression ennemies, sa conviction inébranlable de combattre et de vaincre. Le 19 août, conjuguant ses efforts avec ceux des armées alliés et Française, s’est dressée pour chasser l’ennemie par une série de glorieux combats… Malgré les lourdes pertes subies par les Forces Française de l’intérieur levées en son sein, s’est libérée par son propre effort, puis unie à l’avant-garde de l’Armée française venue à son secours, à, le 25 août, réduit l’Allemand dans ses derniers retranchement et l’as fait capituler… » (extrait)
– Vassieux-en-Vercors, le 4 août 1945.
« Village du Vercors qui, grâce au patriotisme de ses habitants, s’est totalement sacrifié pour la cause de la résistance française en 1944. Principal centre de parachutage pour l’aviation alliée sur le plateau, a toujours aidé de tous ses moyens les militaires du Maquis dans les opérations de ramassage d’armes… Charnière de la Résistance, grâce à la coopération de tous ses habitants et du Maquis… eu en 1944, 72 habitants massacrés et la totalité de ses maisons brulées… Martyr de sa foie en la résurrection de la Patrie… » (extrait)
LES INFIRMIERES DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE
INFIRMIERES en 1944 (36th infantry division, 143rd infantry regment G. co Troop et 117th Cavalry.
36th Infantry Division, 143rd Infantry Regment G Co.,
Troop A and E 117th Cavalry, Gap/August 19, 1944
L’HISTOIRE DES ROCHAMBELLES
En 1943, à New York, une riche américaine, Florence Conrad, soutenue par de puissantes ligues féminines .Florence Conrad est dotée d’une grande fortune personnelle et…, crée le « groupe Rochambeau Du nom du Maréchal de France qui commandait l’armée de Louis… », plus tard surnommé « les Rochambelles » par les hommes de la 2e Division Blindée (2e db). Il s’agit alors d’engager des volontaires féminines pour rallier l’Armée de la France Libre outre Atlantique. D’abord recrutées à New York, les quatorze premières Rochambelles débarquent à Casablanca la même année pour rallier la 2e db du général Leclerc.
Si, dans l’Histoire, les Rochambelles sont traditionnellement associées à la Deuxième Guerre mondiale, elles ont également joué un rôle non négligeable en « rempilant » pour l’Indochine. Sitôt la France libérée, certaines débarquent à Saïgon dès le 15 octobre 1945. On parle alors volontiers de « l’aventure » ou de « l’épopée » des Rochambelles. Mais les rangs des « filles de la 2e db » grossissent encore avec l’arrivée de nouvelles recrues en Extrême-Orient. Le parcours de ces femmes qui quittent leur rôle « naturel » pour embrasser la carrière militaire, ambition masculine par excellence, sera mis en lumière ici.
3Les femmes qui ont toujours été confinées dans la sphère privée, étaient jusqu’alors figées sous l’autorité de leurs pères ou de leurs époux et voyageaient rarement seules sans autorisation masculine. La Deuxième Guerre mondiale vient bouleverser ces valeurs traditionnelles. De New York à l’Afrique du Nord, puis en Angleterre, débarquant ensuite en Normandie, avançant avec les armées de Libération jusqu’en Allemagne, puis vers l’Extrême-Orient, les Rochambelles, célibataires et patriotes, brisent les carcans de la loi du genre. Ce parcours, au sens premier du terme, traverse donc les continents et dépasse de loin les limites « convenues » et convenables pour des femmes.
Quant au parcours « professionnel », à savoir la carrière militaire, lui aussi franchit les frontières du genre. Bien qu’exerçant un métier traditionnellement féminin qui a sans doute facilité leur acceptation au sein des hommes, elles n’en sont pas moins indispensables et contribuent à la féminisation de l’Armée française. Infirmières et/ou ambulancières, obéissant à une hiérarchie militaire stricte, aucune n’avoue aujourd’hui avoir pensé un seul instant à ce métier si particulier lorsqu’elles étaient scolarisées. Et cela va de soi puisque l’organisation genrée de la plupart des sociétés assigne la guerre aux hommes et la sauvegarde du foyer et des valeurs familiales aux femmes.
Le xx e siècle s’ouvre sur une guerre d’un genre nouveau, une guerre totale, au cours de laquelle toutes les forces vives des pays belligérants sont mobilisées, où toutes les économies sont tournées vers la guerre et où les dégâts matériels et humains sont sans précédents. Si la norme est toujours de maintenir à l’écart des combats les femmes et de les en protéger, la Deuxième Guerre mondiale ne constitue donc pas en soi une rupture. Pourtant, malgré de nombreuses clauses contractuelles, certaines d’entre elles, dont les Rochambelles, se trouvent en première ligne par les fonctions mêmes qu’elles exercent.
Afin de comprendre quel fut le parcours de ces femmes – que rien ni personne ne destinait à une carrière militaire dans l’Armée du général Leclerc et en quoi elles contribuèrent à féminiser ce bastion masculin – ouvrant ainsi la voie aux générations féminines futures –, plusieurs points seront abordés ici. Tout d’abord, la création et l’organisation du Groupe Rochambeau à New York seront évoquées. À peine recrutées et formées au métier d’ambulancières, les premières recrues quittent les États-Unis pour le Maroc, dans le seul et unique but de rallier la 2e db du général Leclerc. C’est cette deuxième étape qui constitue le tournant majeur de la carrière des Rochambelles, avant qu’elles ne foulent le terrain de la guerre en Normandie. Puis, une fois la Deuxième Guerre mondiale achevée, la question de l’avenir se pose et plusieurs d’entre elles décident de suivre à nouveau Leclerc mais cette fois-ci en Indochine.
Création et organisation du Groupe Rochambeau
Sources à disposition et historiographie
L’historiographie des femmes dans la guerre est en constante augmentation depuis vingt ans. En ce qui concerne les unités féminines et les différents types d’engagement féminin en temps de guerre, les travaux se multiplient depuis une dizaine d’années. En 2006, Ellen Hampton publie Women of Valor. The Rochambelles on the ww ii Front. Il s’agit du premier ouvrage entièrement consacré aux Rochambelles. L’auteure rend hommage à leur épopée pendant la Deuxième Guerre mondiale, de la naissance du projet à la Libération de la France. Le récit est tout à fait fidèle à la réalité de l’expérience des Rochambelles – qu’elle a longuement interrogées. Mais il n’aborde pas leur engagement en Indochine.
Les archives concernant les femmes de la 2e db sont éparses et lacunaires. Si le Service Historique de l’Armée de Terre (shat) conserve traditionnellement toutes les archives de la Défense, aucun fonds n’est consacré aux Rochambelles ou à la 2e Division Blindée. En revanche, les Auxiliaires Féminines et les Personnels Féminins de l’Armée de Terre (respectivement afat et pfat), engagés en Angleterre dans les rangs des ffl ou en Indochine, possèdent des fonds qui leur sont propres.
Seules deux structures permettent d’en apprendre davantage sur les membres de la 2e db. Tout d’abord, le « Bureau Résistance » au Service Historique de la Défense, qui conserve tous les dossiers personnels des membres des réseaux, des Forces Françaises Libres, Combattantes et de l’Intérieur (respectivement ffl, ffc et ffi). Puis, le Mémorial du Maréchal Leclerc, dépendant de la Mairie de Paris. C’est au sein de la Maison des Anciens de la 2e db, tenue par des bénévoles, que sont conservées de nombreuses archives exclusivement consacrées au général Leclerc et à la 2e db. Cette institution possède également tous les témoignages et autobiographies – publiés ou non – d’anciens de la 2e db, y compris des Rochambelles ainsi qu’un fonds qui leur est spécifique
Les écrits à caractère autobiographique constituent également des sources essentielles. Ellen Hampton ne relève que trois Rochambelles engagées en Europe ayant laissé une trace écrite de leur expérience, mais elle n’en précise pas les auteures. Sans doute fait-elle référence à Edith Vézy, Suzanne Torrès (future épouse Massu) et Zizon Bervialle. S’ajoutent à ces écrits d’autres témoignages, tels ceux de Jacqueline Fournier ou Rosette Peschaud qui ont déposé leurs souvenirs à la Maison des Anciens de la 2e db ou qui ont choisi de participer à des colloques ou des ouvrages collectifs. Si c’est la Deuxième Guerre mondiale qui occupe la majeure partie de leurs écrits, Edith Vézy et Suzanne Torrès ont aussi choisi de consacrer quelques chapitres à leur expérience en Indochine. Enfin, la revue Caravane, éditée par l’association des Anciens de la 2e db depuis quarante ans, a fréquemment rendu hommage aux Rochambelles dans ses colonnes.
Ellen Hampton souligne que ce manque de traces écrites est révélateur de modestie et de discrétion sur l’engagement féminin. Souvent, en effet, les femmes ne « voient pas trop l’intérêt » de raconter ce qu’elles ont vécu [Peschaud et Vézy, entretiens]. Mais surtout, d’un point de vue historiographique, l’écriture des femmes et les témoignages féminins ne sont pas chose commune, même si, concernant la Deuxième Guerre mondiale, la tendance va plutôt à la déconstruction de l’éternel masculin. Ce manque de sources s’inscrit donc dans une logique historique du silence des femmes et leurs souvenirs se retrouvent occultés par les milliers de mémoires publiés par les militaires engagés pendant ce deuxième conflit mondial.
Toutefois, les souvenirs des soldats engagés dans la 2e db évoquent, souvent avec nostalgie, les femmes de l’Armée Française et, malheureusement, les Rochambelles sont souvent confondues avec l’ensemble des afat et pfat sur place. On peut citer entre autres Jacques Massu, futur époux de Suzanne Torrès, qui ne manque jamais de rendre hommage à sa femme, Roger Delpey, ou encore Bernard Fall, dont l’évocation de celles-ci est souvent très critique.
Quoi qu’il en soit, tous les ouvrages et toutes les sources relatives aux Rochambelles relatent de façon plus ou moins identique l’histoire de la fondation du Groupe Rochambeau qui ne doit son existence qu’à une seule femme, Florence Conrad.
Naissance d’un projet et première vague de recrutement
Florence Conrad est née en 1886 et décédée en 1966. En 1914, elle est une jeune veuve américaine, âgée de 28 ans, vivant à Paris. Dès le début de la Première Guerre mondiale, elle s’investit en tant qu’infirmière. Lorsqu’éclate la Deuxième Guerre mondiale, son rengagement est immédiat et elle parvient à convaincre l’État-major français de créer des foyers de soldats sur la ligne Maginot. Elle est nommée « caporal de son régiment et, désormais, tous les hommes l’appellent Marraine ». Cependant, ce « grade » est avant tout honorifique et symbolique. Aucune source ou archive ne mentionne un tel grade militaire pour Florence Conrad. En 1940, craignant pour sa sécurité en tant que femme d’origine américaine, Florence Conrad repart pour les États-Unis.
Avec le soutien de proches et puissantes ligues féministes, elle acquiert dix-neuf ambulances Dodge qui seront baptisées plus tard « Groupe Rochambeau » en hommage au compagnon de La Fayette qui commandait l’Armée française lors de la guerre d’indépendance américaine. Elle ambitionne de recruter des femmes sur place à New York afin de constituer une unité de conductrices ambulancières, dans le but de participer coûte que coûte à la Libération de la France au sein de l’Armée française. Elle s’attribue alors quatre galons de commandant et parvient à engager quatorze femmes : des Françaises pour la plupart, installées aux USA depuis peu (soit pour leurs études, soit parce que la guerre en Europe les a empêchées de rentrer en France) mais aussi quelques Américaines . À l’été 1943, toujours à New York, elle recrute Suzanne Torrès, qui doit la seconder. Face au scepticisme de cette dernière, Florence Conrad doit faire preuve de persuasion afin de lui prouver que son projet est viable. Elle lui affirme que les dix-neuf modèles récents de Dodge ainsi que tout l’équipement des femmes sont déjà financés et qu’elle est fortement soutenue, sur le plan financier, notamment par Minou de Montgomery, future générale Béthouard .
Si Suzanne Torrès est réticente au projet de Florence Conrad, c’est sans doute parce qu’elle a déjà tenté de rejoindre la délégation de la France Libre stationnée au Levant sur les conseils d’un proche qui l’avait recommandée auprès du général Catroux Alors délégué de la France Libre au Levant.. Mais, alors que ce projet allait aboutir, les autorités américaines avaient refusé de laisser partir une femme, « seule de son sexe », sur un transport de troupes : « Il aurait fallu mettre à ma disposition un wc particulier et ce n’était pas possible » ! [Massu, 1969, p. 17]. En outre, il semble plus probable que ces mêmes autorités permettront à une quinzaine de femmes, équipées, prêtes à servir leur pays et transportant avec elles des ambulances, de rejoindre la France Libre.
De plus, de fortes divisions politiques et idéologiques affectent la France Libre entre les partisan-e-s du général de Gaulle et celles et ceux de Giraud. Celles-ci reposent essentiellement sur la figure de l’ennemi à abattre : Vichy, l’Allemagne et/ou la collaboration. Ce n’est qu’à la fin de 1941 que la résistance s’unit autour d’une hostilité commune à Vichy et aux Allemands. Pourtant, plusieurs courants résistants entretiennent une certaine bienveillance à l’égard du maréchal Pétain. Giraud tarde à reconnaître la légitimité du combat clandestin en France, contrairement à de Gaulle. Mais en consolidant rapidement sa position de chef de la France Combattante, de Gaulle met peu à peu Giraud à l’écart. Celui-ci quitte alors le cfln (Comité français de libération nationale) en novembre 1943.
Florence Conrad étant ouvertement giraudiste, Suzanne Torrès envisage mal de « débarquer, seule gaulliste, en pareille compagnie sur la terre d’Afrique où la cassure, les dissentiments des deux clans sont portés à leur degré maximum… Elle se hérisse à la seule idée d’apposer sa signature sur un contrat dont le cachet ne comporte pas une croix de Lorraine.
Mais, finalement, le besoin viscéral de servir sa patrie est plus fort et elle accepte d’adhérer au projet de Florence Conrad qui voit en elle l’adjointe idéale. L’équipe, qui n’est alors pas encore une unité, s’organise et Suzanne Torrès, acceptant les fonctions qui lui ont été attribuées par Florence Conrad, s’octroie deux galons de lieutenant, « grade » qu’elle gardera pendant toute la guerre.
Formation
La formation du Groupe Rochambeau débute aux États-Unis en 1942. Elle repose essentiellement sur de la mécanique et de l’initiation aux premiers secours. L’apprentissage de la mécanique (réparation des gicleurs, changement de roue, entretien quotidien des ambulances), discipline jusqu’alors et encore aujourd’hui traditionnellement masculine, constitue d’une certaine manière la première transgression du genre dans la carrière de ces apprenties futures soldates. Afin de convaincre l’armée de les enrôler, ces femmes se doivent d’être irréprochables, autonomes et garantes du bon fonctionnement de leur outil de travail que sont les ambulances. L’enseignement des premiers secours (bandages, garrots, injections, prise de température) est dispensé par des professionnels de santé d’un hôpital de New York. Florence Conrad a parfaitement conscience que faire admettre les ambulances et les femmes dans une unité de combat de l’Armée Française s’annonce très difficile. L’objectif est donc que son groupe de femmes, dont la plupart n’ont aucune expérience de la guerre, soit parfaitement formé pour accroître sa crédibilité. Pour ce faire, Florence Conrad, secondée par Suzanne Torrès, redouble de sévérité et de rigueur.
Avant de quitter les États-Unis, toutes reçoivent leur paquetage : une salopette bleue pour la mécanique, un treillis, des préservatifs mais aussi des sous-vêtements longs. Ce paquetage est le même que celui des hommes et révèle donc clairement l’absence d’anticipation face à un éventuel engagement féminin qui aurait dû nécessiter un équipement féminin. Si les autorités américaines s’inquiétaient du manque d’équipements nécessaires aux femmes à bord des transports de troupes, ce trousseau militaire masculin ne soulève en revanche aucun problème majeur. Et si ces femmes veulent servir comme des hommes, elles devront donc se comporter comme tels et s’équiper comme eux.
L’entraînement, l’apprentissage de la discipline et la formation se poursuivent jusqu’au départ pour l’Afrique du Nord, à la mi-septembre 1943. Quelques jours plus tard, le Groupe Rochambeau débarque à Casablanca.
L’enrôlement dans la 2e db
Convaincre la 2e db : Koenig et Leclerc
À la fin de l’année 1943, la 2e db est en formation à Rabat, au Maroc. L’objectif de Florence Conrad est clair mais s’annonce ardu : convaincre les généraux Koenig et Leclerc d’enrôler le Groupe Rochambeau dans la 2e db. En effet, la particularité de ce groupe de femmes patriotes est de s’être imposé aux autorités militaires. Car, au moment où elles arrivent à Casablanca elles n’ont aucune certitude d’être enrôlées et ne savent pas si leur projet va aboutir. C’est là toute l’originalité du projet. Rapidement, Florence Conrad contacte le général Koenig à Alger pour lui faire part de ses ambitions. Celui-ci lui propose alors de parler de son projet à la 5e Division de la 1re Armée dirigée par le général de Lattre de Tassigny et à la 2e db du général Leclerc. Mais Florence Conrad insiste pour que ce soit celle de Leclerc.
Effectivement, tous les témoignages écrits ou oraux des Rochambelles révèlent une admiration sans borne pour Leclerc, lequel dégage une espèce d’aura mystique et semble exercer sur elles mais aussi sur l’ensemble de ses hommes une réelle fascination. Pourtant, si la 5e Division de de Lattre est assurée d’envahir l’Europe par l’Italie, les plans pour la 2e db sont loin d’être clairement définis. Les Rochambelles, à l’automne 1943, ne sont donc toujours pas sûres de partir. Dans ces conditions, plusieurs d’entre elles doutent et quittent le groupe. Certaines révèlent que leur engagement dans le groupe n’avait d’autre but que celui de rejoindre un proche en Afrique du Nord. C’est ainsi que quelques-unes évoquent encore aujourd’hui, non sans une certaine amertume, l’opportunisme peu glorieux dont elles ont fait preuve en prétextant le patriotisme uniquement dans le but de servir des intérêts personnels. D’autres encore sont affectées comme infirmières à l’hôpital de la 2e db.
La réaction de Leclerc à l’appel de Koenig est sans équivoque. Il pense d’abord à une blague de Koenig ! Il n’est pas question d’enrôler des femmes dans une division blindée. L’engagement des femmes dans l’Armée et les différents appels que la France Libre a lancés à ce sujet sont clairs : les femmes qui s’engagent le font pour libérer un combattant, non pour combattre elles-mêmes. En effet, la France Libre a accéléré en 1943 sa campagne en faveur du recrutement féminin appelant les femmes françaises à s’engager afin de permettre à tout homme capable de combattre d’être libéré des tâches qu’une femme peut accomplir, ce qui n’inclut évidemment pas la sphère du combat, du feu et de la violence. Il apparaît donc clairement que l’Armée accepte, en théorie, les femmes dans ses rangs, mais en pratique, les seuls postes auxquels elles peuvent prétendre sont ceux qui ne dénaturent pas leur sexe.
Finalement, Leclerc accepte les ambulances mais refuse l’enrôlement des femmes. Et, face à la persévérance de Florence Conrad, il exige de les voir à l’exercice afin, pense-t-il, de confirmer sa position. Florence Conrad doit donc plus que jamais prouver la crédibilité du groupe et surtout sa raison d’être intégré au sein d’une division blindée. Dans la Division Leclerc, d’autres soldats émettent des réserves quant à cet enrôlement qu’ils vivent comme une invasion du féminin. Le lieutenant Chaulliac Lieutenant adjoint du commandant du 13e Bataillon Médical de la 2 émè DB tout d’abord, affirme que les femmes sont cause de problèmes et de discordes au sein des troupes masculines. Il s’inscrit en cela dans la tradition des préjugés concernant toutes les femmes qui signent un engagement dans l’Armée pendant la Deuxième Guerre mondiale. Toutes souffrent d’une réputation de femmes de petite vertu, assoiffées de sang ou encore en conflit avec leur nature féminine profonde.
Après avoir fait leurs preuves face à Leclerc, elles sont enfin acceptées au sein de la 2e db. Néanmoins, Leclerc émet des réserves : il accepte de les engager mais décide qu’elles n’iront pas au-delà de Paris. À côté de Leclerc et Chaulliac, le capitaine Ceccaldi est catégoriquement opposé à cet engagement féminin et c’est sous la contrainte qu’il le subit. Il sera d’ailleurs toujours plus sévère avec elles qu’avec ses hommes, « par principe ». Toujours épiées, surveillées et jugées, elles ne sont pas épargnées par les rites militaires et doivent sans cesse se surpasser pour prouver leur aptitude à la fonction qu’elles entendent occuper. Tous les jours, elles marchent au pas, défilent et s’adonnent à la gymnastique « devant des hommes hilares » [Peschaud, entretien]. Ce bizutage est, selon Florence Conrad et Suzanne Torrès, nécessaire pour justifier leur légitimité dans un combat qui n’est pas le leur. Elles redoublent donc de sévérité et de rigueur tandis que leurs supérieurs masculins guettent le moindre faux pas. Les Rochambelles découvrent l’obéissance « sans poser de questions » [Peschaud, entretien].
Néanmoins, le Maroc symbolise aussi pour elles la naissance d’une franche camaraderie avec les hommes de la Division qui les surnomment rapidement « Rochambelles ». À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les afat se comptent par milliers mais les Rochambelles sont les seules femmes à s’être constituées comme un groupe à part entière et assignées à une unité de combat sur le front européen.
Affectations avant le départ pour la France
Le recrutement se poursuit au Maroc Entre autres : Rosette Peschaud, Paule Debelle, Raymonde… (notamment pour remplacer celles qui viennent de quitter le groupe) et c’est Suzanne Torrès qui dirige le recrutement. La grande majorité des Rochambelles est affectée à la 1re Compagnie du 13e Bataillon Médical dirigée par le médecin-capitaine Ceccaldi, dépendant directement du Service de Santé de la 2e db. Elles vont donc devoir apprendre à travailler avec les éléments les plus réticents à leur présence. Quelques-unes sont affectées ailleurs, comme Rosette Peschaud et Edith Vézy qui rejoignent le 501e Régiment de Chars de Combat .. L’unité du Groupe est ainsi rapidement mise à rude épreuve puisqu’elles sont séparées dès leurs premières affectations.
Le départ pour la France s’effectue par Mers el-Kébir en direction de l’Angleterre, étape nécessaire pour que la 2e db rejoigne les Forces Alliées qui préparent le débarquement en Normandie. Le séjour en Angleterre dure quatre mois, dans l’attente quotidienne de l’annonce du départ pour la France. Là, elles mènent une vie de manœuvre jalonnée d’entraînement, de mécanique et elles défilent régulièrement devant les populations anglaises. En Angleterre, les femmes sous l’uniforme sont communément admises. En effet, depuis 1917, existe le Women’s Auxiliary Army Corps ( waac), créé dans le contexte de la Première Guerre mondiale afin de permettre aux femmes de servir l’armée de leur pays en guerre. En 1938, est fondé l’Auxiliary Territorial Service, qui fait de ces femmes des militaires à part entière. En 1941, en Angleterre, elles sont plus de soixante mille sous l’uniforme militaire anglais.
La question des grades mérite quelques éclaircissements car, contrairement à l’Angleterre, la France non seulement tarde à incorporer des éléments féminins dans son armée, mais établit également une hiérarchie militaire spécifique aux femmes. En effet, dans aucune des trois armes (Terre, Air, Mer) les femmes ne sont officiellement gradées. On parle alors de classes pour les officiers et de catégories pour les sous-officiers. Ainsi, Florence Conrad n’est donc pas commandant mais « officier hors classe » tandis que Suzanne Torrès n’est pas capitaine mais « officier 1er classe ». Sans grade, elles se font alors appeler « madame » ou « mademoiselle ». Il est indispensable de ne pas dissocier les termes « officier » et « 1er classe » puisque chez les hommes, un militaire « 1er classe » est en fait un militaire du rang en passe de devenir caporal. Si, pour les militaires de carrière, le vocabulaire est totalement acquis, bien des sources laissent entendre que les femmes eurent du mal à se familiariser avec ces titres et la hiérarchie qui en découle. Dans le langage militaire, ces « grades » féminins différents de ceux des hommes, accentuent encore davantage la distinction très nette entre hommes et femmes. Les fonctions les plus élevées ne peuvent s’accorder au féminin et une « commandante » comme Florence Conrad ne sera donc jamais l’homologue féminine d’un commandant masculin. Par conséquent, elle ne sera jamais considérée comme telle aux yeux de l’administration militaire. Finalement, on parle alors de « grade d’assimilation » [Boue Lahorgue, entretien]. Néanmoins, les femmes entre elles s’appellent volontiers par leur grade et ont pleinement conscience de ce qu’il représente sans pour autant avoir eu connaissance des textes officiels établissant cette distinction très nette entre hommes et femmes [Michaut, entretien].
Cette distinction va bien au-delà d’un simple problème de langage ou d’appellation puisqu’elle se répercutera directement sur les soldes et les retraites de ces femmes.
Le tableau ci-dessous – reproduit à partir du décret n° 51-1197 du 15 octobre 1951, portant statut du personnel des cadres militaires féminins – fait apparaître les correspondances des hiérarchies féminine et masculine.
Enfin, les grades des femmes évoquées dans les écrits masculins avant les années 1970 ne sont jamais mentionnés, sauf s’il s’agit d’une femme générale . En revanche, quel que soit le grade des hommes, celui-ci est toujours précisé. Cette non-évocation est donc révélatrice du peu de cas que font les militaires masculins de leurs homologues féminines… Qui sont d’ailleurs rarement considérées comme telles ou comme leurs « sœurs d’armes ».
Le 1er août 1944, la 2e db, incorporée à la 3e Armée du général Patton débarque en Normandie. Mais la division ne débarque pas en entier le même jour et les Rochambelles débarquent à leur tour quelques jours plus tard.
La Normandie ou l’épreuve du feu
Le 4 août 1944, les Rochambelles embarquent à bord d’un liberty ship. Cette célèbre photographie des Rochambelles en file indienne dans l’attente a été exploitée dans tous les travaux consacrés aux femmes dans la guerre. Elles débarquent à Utah Beach et découvrent très rapidement la guerre et l’épreuve du feu. Elles essuient leurs premières explosions en pleine nuit et leurs premières évacuations :
« c’était la première fois que nous voyions le feu et que nous entendions le feu, comment allons-nous réagir face au danger ? Pour Rosette Peschaud, se poser une telle question est une preuve de sang-froid mais quelques Rochambelles terrorisées quittent la Division – sous différents prétextes. Même Florence Conrad ne se sent plus capable d’assumer son rôle de chef et elle délègue de plus en plus à Suzanne Torrès. Cette première épreuve est donc une victoire en demi-teinte pour les Rochambelles mais, dès lors, celles qui décident de rester ne quitteront plus la Division et ne décevront jamais, malgré le scepticisme masculin des premiers jours sur le sol normand : « Elles sont là avec leurs salopettes élégantes mais quand il s’agira de nous sauver, qui ? Qui va nous ramasser ?
Les Rochambelles suivent donc la 2e db sans aucune information précise. Comme le gros des troupes, moins elles en savent, mieux c’est. Dès les premiers jours en Normandie, elles passent, comme des bleues, leur baptême du feu sous les bombardements allemands. La première d’entre elles est blessée, Polly Wordsmith, une Américaine engagée en Angleterre. Afin d’éviter que toutes les Rochambelles ne soient exposées aux mêmes dangers au même moment, elles sont de plus en plus dispersées au sein de la Division. C’est ainsi qu’Edith Vézy et Micheline Grimprel sont désormais avec les Spahis Marocains . Les Rochambelles sont jugées de plus en plus indispensables et ne peuvent donc plus être exclusives au bm 13.
Elles poursuivent leur avancée jusqu’à Paris entre les chars, ramassant les blessés, leur apportant les premiers soins et les évacuant toujours rapidement vers les hôpitaux. L’arrivée à Paris est triomphale. Mais ces Françaises en uniforme sont systématiquement confondues, par les Parisiens et les Parisiennes, avec des Américaines ou des Anglaises, tant la présence féminine dans l’Armée Française est loin d’être acquise. Elles sont quelques-unes à quitter la Division à Paris pour de « beaux lieutenants » [Peschaud, entretien] mais dans l’ensemble, leur fidélité à la 2e db reste sans faille. D’autres se voient attribuer de nouvelles missions. C’est le cas par exemple de Florence Conrad à qui le général Leclerc demande de prendre en charge les blessés au Val-de-Grâce, après lui avoir attribué la Légion d’Honneur. Quoi qu’il en soit, l’heure du renvoi a sonné car Leclerc, s’il respecte sa décision initiale, doit maintenant se séparer des Rochambelles. C’est sans compter sur le courage et la vaillance dont elles ont fait preuve et qui ont contraint Leclerc à se rendre à l’évidence. Convaincu qu’elles sont indispensables, il entreprend donc de les « garder » jusqu’en Allemagne. Suzanne Torrès doit néanmoins combler le vide laissé par celles qui ont quitté l’aventure à Paris. Débute alors la deuxième vague de recrutement des Rochambelles : Berthe Brunet, Jeanne Challier, Marianne Duvernet, etc. De nouveau, les affectations changent et c’est ainsi que Crapette Demay et Jacqueline Fournier rejoignent Rosette Peschaud et Edith Vézy au 501e rcc.
Le 7 janvier 1945, pendant l’avancée vers l’Allemagne, Suzanne Torrès reçoit les vœux de Leclerc : « Mon lieutenant ou chère Madame, je profite de votre lettre pour vous exprimer ce que le Groupe Rochambeau représente dans la Division. Je passe sur toutes les qualités de dévouement que nous connaissons avant le premier coup de fusil, pour insister sur l’attitude au feu. Nombreux sont les combattants qui m’ont déclaré tirer leur chapeau devant l’attitude de vos ambulancières. Veuillez leur dire de ma part, et n’hésitez pas à proposer, pour citations, toutes celles qui le méritent. Votre général ne regrette pas son affaire de la Péniche , ce fut une bonne affaire !. Cette lettre met en évidence les liens, presque sacrés, qui unissent les soldats de la 2e db, tous sexes confondus. Elle fait aussi tomber les préjugés dont les Rochambelles avaient été victimes dès le Maroc et le scepticisme des hommes lors de leur baptême du feu.
Dès l’arrivée des troupes françaises en Allemagne, la rumeur selon laquelle Leclerc va lever des volontaires pour un corps expéditionnaire en Indochine se diffuse dans les rangs de la 2e db et la question de l’avenir se pose.
L’après Deuxième Guerre mondiale
Les Rochambelles aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale
La fin de la Deuxième Guerre mondiale est une nouvelle étape, celle du retour à la vie civile. Celle-ci suscite bien évidemment l’enthousiasme mais aussi la crainte. Certaines ont pris goût à la « chose » militaire qui n’est alors pas envisageable comme une carrière au sens propre. De plus, une profonde amitié unit désormais les Rochambelles entre elles mais aussi aux soldats et l’éventualité d’une séparation s’annonce difficile.
La rumeur d’un départ de la 2e db pour l’Indochine suscite d’abord l’adhésion totale de Suzanne Torrès et quasi unanime de l’ensemble des Rochambelles. L’attachement à Leclerc et à sa 2e db constitue l’argument majeur invoqué par les Rochambelles pour partir en Indochine. Néanmoins, elles essuient de nombreuses critiques d’une partie de l’opinion et de la presse qui ne comprennent pas ces femmes assoiffées de sang, telles des amazones sans cœur. Une certaine stupeur monte face à ces femmes qui en « redemandent » après les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale.
Déjà avant la fin de la guerre, Charles de Gaulle envisageait l’envoi de troupes en Extrême-Orient pour assurer la protection de l’Indochine face aux avancées japonaises. Immédiatement après l’armistice, Leclerc reçoit le commandement des Forces Françaises en Extrême-Orient (ffeo). Une grande partie des Rochambelles se porte alors volontaire. Le colonel Massu reçoit le commandement du groupement de marche de la 2e db, qui devient très vite le Groupement Massu au sein duquel sont incorporées les Rochambelles qui choisissent de rempiler. Néanmoins, l’euphorie d’après-guerre et le retour à la réalité contraignent certaines d’entre elles à renoncer à ce projet et le Groupe se divise. Sur cinquante et une Rochambelles à la fin de la guerre, trente-six quittent le Groupe en 1945 et seulement quinze décident de repartir. Suzanne Torrès, aidée par des « anciennes » de la première heure, entame alors une troisième vague de recrutement – non sans mal.
L’après Deuxième Guerre mondiale sonne aussi l’heure du bilan. Si, dans l’ensemble, État-major et militaires du rang s’accordent pour rendre hommage aux Rochambelles, certaines d’entre elles ont payé cher leur patriotisme. Ces femmes, bien que toujours en première ligne, n’étaient jamais armées. Et nombreuses sont celles qui ont dû improviser quand elles étaient isolées ou face à face avec l’ennemi. Elles étaient exposées aux mêmes risques que les hommes. C’est ainsi qu’à Saint-James en Normandie, Polly Wordsmith a eu les deux jambes brisées sous les bombardements allemands. C’est aussi l’histoire d’Edith Vézy et Crapette Demay, toutes deux blessées en Normandie. Toujours en Normandie, Marie-Louise Charbonnel, engagée dans le Groupe Rochambeau sous le nom de Micheline Garnier disparaissait sans laisser de trace, sinon celle d’un blouson ensanglanté. Depuis plus de cinquante ans, les recherches menées pour savoir et comprendre ce qu’elle est devenue n’ont rien donné. Restée seule au volant de son ambulance aux abords d’Argentan, les enquêtes ont conclu à une arrestation. Identifiée comme « Scarabée » (pseudonyme qu’elle portait lorsqu’elle servait au sein du réseau Alliance), elle aurait été déportée à Ravensbrück [Parthenay-Charbonnel, 1989]. L’avancée vers l’Est apporte aussi son lot de cicatrices : Marie-Anne Glaser à Paris, Lucie Deplancke, blessée deux fois en Alsace-Lorraine, ou encore Antoinette Binoche en Alsace. Et, à Berchtesgaden, Leonora Lindsley, trouve la mort le 6 mai 1945. Elle est la première Rochambelle « morte pour la France.
Il n’existe aucune loi ni prédisposition pour protéger davantage les femmes que les hommes dans l’armée. L’urgence de la situation et la violence des combats auraient pu pousser Leclerc à les renvoyer au nom de leur sexe et de leur rôle dénaturé par les affres de la guerre. La surexposition des femmes – au même titre que les hommes – à ses dangers, qu’il s’agisse des bombardements, de la résistance intérieure, des déportations ou des engagements militaires, aurait pu contribuer à une nouvelle législation guerrière visant à les protéger en tant que mères ou épouses, futures ou actuelles. Au contraire, c’est parce que les rapports sociaux de sexe « traditionnels » sont mis à mal en contexte de guerre que les barrières genrées peuvent tomber. Si la Première Guerre mondiale a d’abord été considérée comme émancipatrice pour les femmes, un retour à la normale s’est pourtant rapidement opéré durant l’entre-deux-guerres. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, la brèche de l’engagement militaire féminin reste ouverte et même si de nombreuses lois tendent d’abord à réguler et à limiter cet engagement, les effectifs féminins de l’armée française ne cessent d’augmenter.
En juin 1945, et malgré les douleurs traversées pendant la Deuxième Guerre mondiale, c’est un nouveau départ vers un autre front, celui de l’Extrême-Orient.
Les Rochambelles en Indochine
Le 22 juin 1945, c’est le Colonel Dio qui prend le commandement de la 2e db, Leclerc ayant été appelé vers de nouvelles responsabilités. Début octobre 1945, quinze Rochambelles embarquent à Marseille à bord du Béarn et débarquent le 15 octobre 1945 à Saigon.
Le Béarn est suivi par le Pasteur qui transporte « l’arrièregarde » des Rochambelles conduites par Jacqueline Lambert de Guise-Sarazac. Elles sont immédiatement suivies par la 9e Division d’Infanterie Coloniale (9e dic), qui comprend elle aussi un important contingent féminin. Mais, contrairement à la 2e db, cette division a exigé de ses ambulancières qu’elles renoncent à leur métier de conductrice, jugé trop dangereux en Indochine [Massu, 1977, p. 61]. C’est aussi en cela que les Rochambelles se distinguent des autres ambulancières de la Deuxième Guerre mondiale puisqu’en rempilant pour l’Indochine, elles ont la certitude de rester conductrices ambulancières. Néanmoins, le théâtre des opérations en Indochine diffère considérablement de celui de la Deuxième Guerre mondiale et selon les besoins, les Rochambelles peuvent être amenées à effectuer d’autres tâches que celles pour lesquelles elles se sont engagées. À peine arrivée, Suzanne Torrès est sollicitée pour « remettre de l’ordre » chez les afat. Petit à petit, elle se détache de « ses filles » pour commander l’ensemble des afat et pfat présentes en Indochine. Elle devient capitaine des afat du Corps Expéditionnaire en Extrême-Orient.
Edith Vézy est chargée d’organiser un centre de convalescence pour les militaires sortant de l’hôpital. Elle se marie en Indochine avec Lionel Vézy (lieutenant du peloton de spahis pendant la Deuxième Guerre mondiale) et son témoin n’est autre que Leclerc, qui exige d’elle qu’elle s’occupe encore du centre de convalescence pendant six mois avant de quitter définitivement l’Armée pour se consacrer à sa nouvelle vie de famille. Le recrutement sur place se poursuit et plusieurs Françaises de métropole, d’Indochine, mais aussi des autochtones postulent pour faire partie des Rochambelles . Peu à peu, les Rochambelles ne dépendent plus exclusivement du Groupement Massu et se confondent avec la totalité des ambulancières présentes en Extrême-Orient, même si toutes se revendiquent comme étant les héritières des Rochambelles de Leclerc.Photo .
L’Indochine, tout comme la Deuxième Guerre mondiale, n’a pas épargné les Rochambelles. Sabine Sanguinetti est blessée et Odette Tiollet est tuée le 2 janvier 1946. La responsable des ambulancières au Tonkin, Aline Lerouge, devient le symbole de toute une génération de femmes engagées en Indochine, en trouvant la mort le 24 novembre 1950 en service commandé. À ce jour, un seul monument en France rend hommage aux femmes militaires mortes pour la France en Indochine. Il s’agit d’une stèle inaugurée le 4 décembre 2003 à la caserne de Croÿ à Versailles, sur laquelle sont inscrits les noms d’Aline Lerouge et Odette Tiollet ainsi que ceux de vingt-six autres afat et pfat tombées au Champ d’Honneur. Malheureusement, cette stèle est incomplète car la liste s’achève en 1952 alors que d’autres femmes sont tombées en Indochine jusqu’en 1954. La caserne de Croÿ symbolise le point de départ de toutes celles qui « dans l’indifférence générale, sont parties pour une guerre lointaine, servir leur pays ». Mais l’indifférence est encore d’actualité aujourd’hui car sur deux cent un lieux de mémoire répertoriés par l’Association Nationale des Anciens et Amis de l’Indochine et du Souvenir Indochinois (anai), cette stèle paraît être la seule exclusivement consacrée aux femmes. De même qu’aucun des deux cents autres ne semble mentionner une seule femme. Une exception cependant : le Mur du Souvenir du Mémorial des Guerres en Indochine à Fréjus, inauguré le 19 décembre 1996, recense les noms des trente-quatre mille neuf cent trente-cinq « Morts pour la France ». Mais il ne comptabilise que dix-huit femmes sur les vingt-six citées à Croÿ. Quant au site Mémoire des Hommes du ministère de la Défense, il n’en recense que quinze. Finalement, dix femmes, dont Odette Tiollet, n’apparaissent ni dans les archives du ministère ni sur le Mur du Mémorial.
Au-delà des seules Rochambelles, cette absence féminine de la mémoire collective s’étend à l’ensemble des femmes engagées en Indochine. Enfin, la mention « Mort pour la France » s’applique à tous « les membres des forces armées françaises tués au combat ou morts des suites de maladies contractées ou d’accidents survenus en service commandé » . Comment expliquer alors que Françoise Guillain « la première, massacrée le 10 mars 1946 à Bing Dong, près de Haiphong » ne figure ni dans les archives du ministère ni sur le Mur du Mémorial alors que, par exemple, la Capitaine Jacqueline Tricard, décédée le 2 août 1948 des suites d’une maladie est mentionnée dans les trois listes ? L’idée selon laquelle les femmes mortes pour la France, parce que peu nombreuses, auraient toutes été répertoriées par les autorités militaires, ne se vérifie donc pas. Quant à la mixité des lieux de mémoire, cette idée semble hors de propos aux hommes qui les établissent.
Pour toutes les Rochambelles qui tentent l’aventure en Extrême-Orient, la durée de l’engagement est très variable et ne répond à aucune législation spécifique. C’est donc dans un cadre juridique relativement flou, hérité du contexte politique particulier de la Deuxième Guerre mondiale, qu’elles rejoignent les ffeo. De plus, les lois relatives au statut des pfat diffèrent selon qu’elles concernent la métropole ou ses colonies. Quoi qu’il en soit, la fin de la carrière militaire des Rochambelles coïncide souvent, soit avec la dissolution de la 2e db en 1946, soit avec la fin de la guerre d’Indochine en mai 1954.
Les Rochambelles après la dissolution de la 2e db
De nombreux mariages ont lieu au sein de la 2e db et les rédacteurs de Caravane comparent volontiers la 2e db à une « agence matrimoniale. En effet, vingt Rochambelles sur quarante-deux ont épousé des membres de la 2e db :
La 2e db est connue dans le monde entier pour des qualités et performances qu’il n’appartient pas à notre modestie d’énumérer ici. Mais sait-on qu’elle a été également une très brillante agence matrimoniale ? En effet, nous venons de constater en aidant le Service de l’Annuaire, à terminer ses listes, que 20 Rochambelles (sur 42) et une Marinette ont épousé des camarades de la Division.
En 1946, les deux figures emblématiques des Rochambelles, que sont Suzanne Torrès et Florence Conrad, se marient avec des officiers de la 2e db. Caravane précise que « le commandant Torrès, Toto pour ses amis, satisfaite d’avoir si bien casé ses “filles” s’est mariée à son tour tout récemment avec le colonel Massu. » L’emploi du verbe « caser » est tout à fait significatif d’un retour à la normale pour ces femmes égarées sur les chemins de la guerre et de l’armée. En effet, même si bien des années après, il existe une réelle fraternité entre les femmes et les hommes de la 2e db, la durée de l’expérience militaire de ces femmes n’a été que de quelques années, tandis que celle des hommes fut pour la plupart une carrière longue et exclusive. S’unir à un militaire revient donc à raccrocher salopettes et treillis pour rentrer dans le rang, de la famille et du foyer, cette fois-ci. Rares et de courtes durées sont les expériences de couples militaires à l’image de Geneviève Vaudoyer qui, après son mariage avec Edmond Grail (du 1er Régiment de Marche du Tchad), quitte les Rochambelles mais revient plus tard avec son époux comme parachutiste et elle « sautera en opération avec un courage qui la rendra célèbre parmi les combattants. Même si le mariage et/ou la dissolution de la 2e db, le 31 mars 1946, sont généralement synonymes de fin de carrière dans l’Armée pour les Rochambelles, quelques rares exceptions subsistent donc.
Pour celles qui choisissent de rester en Indochine, l’éloignement avec la Métropole est lourd de conséquences et pendant leurs permissions et leurs retours en France, les Rochambelles se sentent étrangères en leur pays : « Mes camarades de guerre, mes Rochambelles, sont là, qui ne parviennent pas mieux que moi à se mettre au rythme de la capitale. Quant à celles qui choisissent de quitter les Rochambelles, la reconversion se révèle souvent difficile. En effet, lorsqu’elles ont connu « le terrain », le feu, le risque, l’idée de devoir désormais occuper un poste « de bureau » leur semble alors inconcevable.
En 1947, Crapette Demay et Michèle Mirande ne sont plus ambulancières et l’angoisse d’une réaffectation peu attrayante se fait sentir. Elles sont finalement affectées au « Théâtre aux Armées » du Corps Expéditionnaire qui vient d’être mis en place. Cette expérience du terrain constitue souvent un atout majeur pour ces services itinérants de l’Armée. En effet, le théâtre ou les équipes cinématographiques se déplacent à la rencontre des soldats dans les zones les plus reculées. Si elles ne sont plus ambulancières, elles restent toutefois des Rochambelles aux yeux de toutes et de tous comme le soulignent Suzanne Torrès et Rosette Peschaud : « J’ai fait partie du Groupe Rochambeau, Rochambelle j’étais, Rochambelle je suis demeurée ». Elles ne sont plus ambulancières mais sont toujours considérées comme des Rochambelles.
Toujours en 1947, le général Leclerc propose à Suzanne Torrès de prendre la direction de la Maison des Anciens Combattants de la 2e db (créée en 1945). Selon lui, compte tenu de la mission sociale d’un tel poste, le choix d’une femme s’impose. D’autant plus que son mariage avec un militaire, toujours en poste en Extrême-Orient, semble incompatible avec la fonction de commandante. Elle quitte donc l’Indochine et son départ entraîne celui des plus anciennes. Par la suite, elles sont nombreuses à quitter l’armée dès leur retour en France pour se consacrer au souvenir de la 2e db, à la Maison des Anciens de la 2e db. C’est le cas, en plus de Suzanne Massu, de Rosette Peschaud et Raymonde Jeanmougin, par exemple.
Bien qu’elles aient presque toutes été décorées à titre militaire, la reconnaissance de la Patrie envers ces femmes présentes en Indochine est incomplète, et surtout tardive. Et il en va de même pour la Deuxième Guerre mondiale. En 1977, avant de mourir, Suzanne Massu demande à Rosette Peschaud de faire en sorte que toutes les Rochambelles obtiennent la Légion d’Honneur. Ce sera chose faite, mais plus de trente ans après les faits. Et malgré leur présence à de nombreuses cérémonies officielles, aucun monument ne rend hommage à ces femmes, soldates de la première heure. Seules les ambulancières de la 9e dic ont été honorées par un « carré du souvenir » à Rechesy le 21 novembre 1994. En 1982, la « tradition Rochambelles » se perpétue grâce à la reconstitution du Groupe par des jeunes femmes engagées volontaires. Les Rochambelles leur ont remis leurs insignes et sont ainsi « les premières femmes à laisser une tradition dans l’armée française, ce qui aurait comblé les vœux de Suzanne Massu et Florence Conrad »
Née d’une initiative individuelle, l’aventure des Rochambelles a fait de ces femmes des héroïnes au même titre que les hommes. Pionnières dans la féminisation de l’Armée Française, ces femmes aux carrières alors traditionnellement masculines peinent à sortir de l’oubli de l’histoire militaire officielle. Elles ne sont jamais honorées comme telles et les hommages « aux héros morts pour la France » ne s’adressent jamais aux héroïnes de guerre. Si, jusqu’à la fin du xix e siècle, « le militaire a incarné, et même accaparé, la masculinité hégémonique », la Deuxième Guerre mondiale contraint l’Armée française à la féminisation. « Contraint » puisque toutes ces femmes, qui s’engagent, ne répondent à aucun appel à mobilisation et forcent les portes de ce bastion viril. Les Rochambelles, sans armes, toujours en première ligne – « au feu » – dévouées à leurs blessés et aux premiers soins à apporter, dans l’urgence et dans des conditions toujours extrêmes sont trop souvent oubliées de l’historiographie de la Deuxième Guerre mondiale et encore plus systématiquement de celle de la guerre d’Indochine.
Elles appartiennent, avec les Volontaires du Corps Féminin (cvf) des ffl, les « Merlinettes » et les ambulancières de la 9e dic, les « Marinettes » du Régiment Blindé des Fusiliers Marins (rbfm), les « filles de l’Air » des Forces Aériennes Françaises Libres (fafl) et toutes les afat issues de la Deuxième Guerre mondiale à la génération des pionnières de l’Armée française. Suzanne Torrès exprime très bien les enjeux et les conséquences de cette féminisation de l’Armée Française :
« Mes quatre galons ne sont pas une garniture provisoire que je vais ranger dans un tiroir. Ils ont imprimé en moi une marque indélébile. Ils sont le symbole d’une très lourde responsabilité que j’ai assumée sans discontinuer. Des centaines de femmes ont vécu, travaillé sous ma houlette, et j’ai innové une forme de collaboration entre les sexes dans le domaine qui lui était le plus étranger jusqu’ici ».
En effet, quelle que soit la durée des engagements, « pour la durée de la guerre plus quelques mois », comme le spécifient les contrats de la première heure, ou pour une carrière sur le long terme, toutes ces femmes évoquent avec beaucoup de nostalgie cette expérience, alors perçue comme transgressive. Toutes ont pleinement conscience d’avoir ouvert les portes de l’Armée aux générations féminines suivantes et quelques-unes avouent maintenant que, sans le contexte si particulier de la Deuxième Guerre mondiale, jamais elles n’auraient songé un seul instant à franchir ces barrières si bien établies dans la société. D’ailleurs, pour nombre d’entre elles, la carrière militaire fut de courte durée et revêtit un caractère exceptionnel dû à un contexte exceptionnel. L’engagement militaire « avant-gardiste » des femmes, en général, pendant la Deuxième Guerre mondiale peut, sans aucun doute, être considéré comme l’acte de naissance de la féminisation de l’Armée Française, féminisation qui n’a jamais ralenti depuis.
LES ROCHAMBELLES
Suzanne Torrès
Suzanne Torrès née le 9 janvier 1907 à Paris, également connue en tant que Suzanne Massu, est une résistante française ambulancière au sein du Groupe Rochambeau, des Forces françaises libres, puis créatrice et directrice jusqu’à sa mort le 25 novembre 1977 à Paris de l’Association pour la formation de la jeunesse, une institution sociale à destination des enfants des rues pendant la bataille d’Alger puis des enfants de harkis.
Enfance et formation
Suzanne Rosambert est née dans le 17e arrondissement de Paris le 9 janvier 1907, de Willy Rosambert et Madeleine Sinauer. C’est une étudiante engagée à gauche, qui dirige ensuite une galerie d’art d’avant-garde. En 1930, elle épouse en secondes noces l’avocat et homme politique socialiste Henry Torrès.
Engagement dans les Forces françaises libres
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Suzanne Torrès s’engage dans les Sections sanitaires automobiles de la Croix-Rouge, accréditées par le haut commandement de l’armée française, où elle fait la liaison entre les unités et le commandement. Lors de la Débâcle, elle suit le gouvernement à Bordeaux, puis est évacuée avec la Croix-Rouge vers l’Afrique du Nord. À la suite de la capitulation et de l’avènement du régime de Vichy, elle s’exile à l’automne 1940 vers l’Espagne neutre, puis vers le Brésil, et enfin vers New York début 1942. En 1943, elle est recrutée par une riche Américaine, Florence Conrad, pour la seconder dans le commandement d’une unité de dix-neux ambulances qu’elle a rassemblées, surnommée le Groupe Rochambeau, lequel est rapidement (mais non sans réticence de la part du général Leclerc) intégré à la 2e DB des Forces françaises libres.
Suzanne Torrès devient de façon informelle successivement lieutenant puis capitaine, puisque ni l’armée française régulière ni les FFL ne prévoient de grades pour les femmes. Elle est rémunérée comme officier 1re classe et appelée Madame Torrès, ou surnommée « Toto » par les membres de son unité. Elle participe à la formation des recrues en Amérique (une douzaine) puis au Maroc (vingt-cinq de plus dont Rosette Peschaud), et débarque enfin à Utah Beach le 31 juillet 1944. Les Rochambelles, comme les surnomment les soldats, évacuent les blessés sous les balles de la première ligne vers un poste de traitement à l’arrière, et participent à la Libération de Paris en août. Florence Conrad, déjà âgée, reste à Paris et confie alors à Suzanne Torrès le commandement de l’unité, qui participera à la libération de Strasbourg et à la prise de Berchtesgaden avec la division Leclerc.
Guerre d’Indochine
Après la Libération, et comme plusieurs autres Rochambelles, Suzanne Torrès reste au côté du général Leclerc et devient commandante des Forces féminines du Corps expéditionnaire pendant la guerre d’Indochine. C’est là qu’elle rencontre le général Massu en 1947, qu’elle épouse en 1948 de retour en France après avoir divorcé d’Henri Torrès. Suzanne Massu suit ensuite son époux jusqu’en Algérie en 1957.
Association pour la formation de la jeunesse (AFJ)
En 1957, la guerre d’Algérie fait rage et la bataille d’Alger commence, sous le commandement du général Massu. C’est dans ce contexte que Suzanne crée en avril l’Association pour la formation de la jeunesse (AFJ), avec des fonds reçus sous formes de valises de liquide par son mari. D’après ses statuts, l’association « a pour but général l’aide, la protection, la sauvegarde, l’éducation professionnelle et morale de la jeunesse », et ouvre le 6 juin 1957 un centre de jeunesse à Bab El Oued, qui prend en charge les enfants des rues musulmans ou yaouleds, dans une démarche à la fois humaniste et compatible avec la « doctrine de la guerre révolutionnaire » à laquelle souscrivait le général Massu. En lieu et place des centres sociaux instaurés par Germaine Tillion, l’objectif est de transformer ces jeunes marginaux en « Français comme les autres » : les éducateurs viennent du secteur social proche des JOC et l’encadrement vient de l’armée. Selon le directeur pédagogique du centre et médecin militaire Guy-Marc Sangline :
« Madame Massu se dépensait sans compter. Elle ne manquait ni de volonté, ni de dynamisme, ni de goût. Elle savait se faire si pressante, si persuasive ; elle était si enthousiaste que personne n’eût songé, n’eût été à même de lui résister ou de la contrarier. Elle obtenait ce qu’elle voulait, veillait au moindre détail technique, savait s’entourer de conseils et choisissait elle-même les dessus-de-lit. Madame Massu, c’était le Centre de jeunesse et le centre, c’était Madame Massu. Jamais ces deux noms ne pourront être dissociés ».
De 1957 à 1962, plus de 800 enfants sont accueillis dans différents centres de l’AFJ, pour environ 6000 à 7000 yaouleds. Après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, plus d’une centaine d’enfants des centres d’Algérie sont remis à leurs familles, et les 66 restants sont rapatriés en métropole auprès des 35 qui y étaient déjà en colonie à Moumour, dans les Pyrénées. La pression s’accentue sur les enfants pour qu’ils s’assimilent à la société française, et l’association commence à prendre en charge les enfants de familles harkis alors stationnées dans des camps, puis des enfants placés par la DDASS ou sur décision de justice. L’encadrement se professionnalise mais Suzanne Massu continue à suivre l’institution de près et se félicite des réussites (diplôme, emploi, mariage voire baptême) de ses pensionnaires jusqu’au soir de sa vie. Après sa mort, c’est son mari qui reprendra le flambeau, jusque dans les années 1990.
Vie de famille
Suzanne Rosambert de son nom de jeune fille a été mariée trois fois. La première fois avec Jacques Bernheim-Darnetal, de qui elle eut en 1927 un fils prénommé Patrice, qu’elle perd 4 ans plus tard. La deuxième fois avec l’avocat et homme politique socialiste Henry Torrès, et la dernière avec le général Jacques Massu, de qui elle a une fille prénommée Véronique, décédée du vivant de son époux. Sans doute en écho à ces drames familiaux, et en cohérence avec l’action de Suzanne dans l’AFJ, les époux Massu ont également recueilli en Algérie puis adopté officiellement en métropole deux enfants, Malika, une adolescente arabe de 15 ans qui a fait une proclamation de foi pour l’Algérie française en mai 1958 et qui se trouve pour cela en danger, et Rodolphe, un petit garçon kabyle de six ans recueilli en 1958 par un appelé qui, lorsqu’il termine son service en 1959, le confie à l’AFJ. Pour Jacques Massu, ces adoptions sont « un exemple de l’intégration telle que nous la concevions et pour laquelle nous combattions ».
Suzanne Massu meurt à 70 ans, le 25 novembre 1977, des suites d’une maladie. Elle est inhumée dans le cimetière de Conflans-sur-Loing, dans le Loiret, au côté de Jacques Massu.
Rochambelle est le nom donné aux conductrices ambulancières de l’unité Rochambeau, qui faisait partie de la 2e division blindée (2e DB) du général Philippe Leclerc pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce surnom est un hommage au comte de Rochambeau, maréchal de France, compagnon de La Fayette.
Origine
En 1940, Florence Conrad, une Américaine francophile qui vivait en France et avait déjà participé à des actions sociales et sanitaires pendant la Première Guerre mondiale puis au début de la Seconde Guerre mondiale sur la ligne Maginot, retourne à New York, y rassemble des fonds et achète dix-neuf ambulances neuves, des Dodge WC54. Elle recrute douze femmes françaises vivant à New York, dont Suzanne Torrès (future épouse de Jacques Massu), qui sera son lieutenant, et crée une unité sanitaire qui prend le nom d’unité Rochambeau.
Le groupe arrive au Maroc à Rabat en septembre 1943, s’installe à bord d’une péniche sur le Bouregreg. 25 nouvelles jeunes femmes, françaises pour la plupart, s’engagent, dont Rosette Peschaud. D’autres Rochambelles s’engageront aussi en Angleterre ou en France. Certaines d’entre elles poursuivront leur engagement jusqu’en Indochine. Au total, une cinquantaine de femmes furent des Rochambelles.
Parcours des Rochambelles
Les Rochambelles sont intégrées à la 2e division blindée (1re compagnie médicale du 13e bataillon médical). Elles rejoignent l’Angleterre par convoi sur le paquebot Capetown Castle entre le 20 mai et le 31 mai 1944, débarquent en Normandie à Utah Beach dans la nuit du 4 au 5 août 1944, participent à la campagne de Normandie, à la Libération de Paris le 25 août 1944 et effectuent les campagnes de Lorraine et d’Alsace. Elles vont jusqu’en Allemagne, dont certaines vont jusqu’à Berchtesgaden, où se situe le Berghof, la résidence d’été d’Hitler, et le Kehlsteinhaus (le « Nid d’aigle »).
Rosette Peschaud, née Trinquet, le 6 décembre 1920 et morte le 28 août 2015 (à 94 ans) à Porto-Vecchio, est une infirmière militaire française et une rochambelle, une conductrice ambulancière, durant la Seconde Guerre mondiale.
Biographie
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Rosette Peschaud vit au Maroc avec ses parents. Elle rejoint les Forces françaises libres fin 1943 et intègre le corps des ambulancières créé au Maroc au sein du 13e bataillon médical de la 2e division blindée du général Leclerc avec laquelle elle participera à la campagne de France, d’Alsace, et d’Allemagne, sous le commandement de l’Américaine Florence Conrad puis de la Française Suzanne Torrès.
En septembre 1945, elle s’engage au groupement de marche de la 2e DB commandé par le lieutenant-colonel Massu en Indochine, avant de retourner vivre vingt ans au Maroc avec son mari, le colonel Philippe Peschaud qu’elle épouse le 19 avril 1947.
L’engagement
J’habite le Maroc, je suis fille de colons et le 18 juin 40, je n’entends rien de spécial. Nous allions à Rabat assez souvent où nous rencontrons un ami de mes parents qui dit « il y a un Général qui parle à Londres », je pense que c’est très vite, tout de suite après peut-être le 22, entre le 18 et le 22 et tous les jours, tous les soirs, sans exception, nous avons écouté Radio-Londres. Évidemment quand il y a eu l’histoire de Mers-el-Kébir, je sais que mes parents se sont posés des questions. Moi je ne m’en posais aucune. Mais bien entendu pour une jeune fille de 18 ans que j’étais, y’avait aucune possibilité d’aucune sorte de pouvoir s’engager dans quoi que ce soit, hein, c’était le Maroc.
Mon père lui, s’est tout de suite engagé dans un réseau de résistance qui s’appelait France Amérique qui était dirigé par monsieur Valabregue. Monsieur Valabregue, était le président de la société de pétrole marocaine et je sais que mon père à aider à l’évasion de jeunes gens ou d’Anglais ou d’étrangers.
Je n’étais pas au courant du détail des opérations, qu’on exfiltrait par Tanger, et il avait été chargé pour le Débarquement des Américains, d’infiltrer la poste, et bien il n’a pas été prévenu, le 8 novembre au matin, quand nous nous sommes réveillés, ça tiraillait vers Médhia, Médhia est le bord de mer de Kénitra et nous étions à une trentaine de kilomètres, mon père était extrêmement contrit, furieux et j’ai appris bien après la raison du fait que ces réseaux n’aient pas été renseignés, c’est que les Américains n’ont renseigné que le réseau de Giraud et mon père était dans un réseau de de Gaulle.
Je me suis engagée par le plus grand des hasards. Madame Conrad est une Américaine francophile, elle est désespérée quand il arrive le désastre de 40, et elle est tellement violemment anti-allemande que son Ambassadeur lui demande de rejoindre l’Amérique, où elle n’a qu’une idée, c’est participer à la reconquête de la France avec les troupes françaises.
Alors elle commence une campagne où elle réussit à récupérer suffisamment d’argent pour acheter 19 ambulances Dodge toutes neuves. Elle réussit grâce à ses relations à embarquer ces ambulances sur le Pasteur, elle a réuni une quinzaine de jeunes femmes françaises, parce que les Américains refusent que des femmes américaines puissent servir dans l’armée française. Il faut être français.
Et elle débarque à Casablanca avec ses 19 ambulances, ses 15 femmes et elle sait pas du tout où elle va aller. Et ce qu’elle voit, qui lui paraît le plus attractif, c’est Leclerc, qui arrive du Tchad après la victoire de Koufra, qui a fait cette remontée glorieuse, qui a participé à la libération de Tunis et qui vient de créer une division blindée équipée à l’américaine à Rabat. Et Leclerc lui répond « je veux bien des ambulances, je ne veux pas de femmes ». Et elle dit « vous n’aurez ni l’un ni l’autre ». Et à ce moment-là, Leclerc se repent et il dit « je vous accepte mais je ne prends les femmes que jusqu’à Paris ».
Bon voilà donc les ambulancières installées à Rabat sur une péniche sur le Bouregreg et à Rabat, il a donc fallu que Suzanne Thorez (NDLR adjointe de Mme Conrad) cherche des jeunes femmes aptes à s’engager. Mais comme c’était « du bouche à oreille », personne n’était au courant. Et moi, c’est le plus grand des hasards, puisque j’étais fille de colons et que Mme Conrad allait mettre des permissionnaires et des convalescents chez les colons où elle les imposait avec une superbe fabuleuse.
Donc voilà comment elle est allée chez mes parents et que j’ai appris qu’il y avait des femmes et qu’on cherchait à en engager. J’avais 20 ans et pour moi m’engager dans les combats de la Libération, ça paraissait totalement… mais non, improbable ! C’était incroyable, je savais bien qu’il y avait des femmes dans l’armée mais je n’imaginais même pas qu’elles puissent rentrer dans une division aussi glorieuse que le 2èmeDB qui déjà avait cette aura de Français Libres, hein, de gens qui avaient rejoint Londres, qui s’étaient entrainés à Londres, qu’on avait emmenés en Afrique, qui avaient fait les campagnes d’Afrique et qui arrivaient victorieusement à Rabat.
L’action
Donc je m’engage à la 2èmeDB, nous sommes très certainement… le bataillon médical auquel nous sommes affectées ne voulaient pas de nous et il y a un adjudant qui très certainement avait mission de nous décourager. Et on a tout accepté. Nous sommes parties sur Mers-el-Kébir pour embarquer pour l’Angleterre, c’était… la destination de la 2èmeDB et nous sommes arrivées en Angleterre où, même chose, tous les matins, nous allions au bataillon médical, on nous apprenait à souffler dans les gicleurs, on nous a rien appris de médical parce que nous étions censées être des conductrices ambulancières, donc tenir le volant, changer les roues, on était devenues des championnes, faires les pleins, je vous dis souffler, déboucher les carburateurs en soufflant dans les gicleurs, tous travaux que dès que nous avons débarqué, nous n’avons jamais eu à faire ! Alors nous débarquons à Utah Beach, début août, et nous sommes confrontées à la guerre, presque tout de suite, où on était descendu vers Saint-James, pas loin du Mont-Saint-Michel.
Quel souvenir vous avez de l’accueil de la population ?
Ah écoutez, moi ce qui m’a le plus émue, ce que je n’ai jamais oublié, c’est que nous avons traversé Sainte-Mère-Église qui était, il n’y avait plus une maison debout et les Français sortaient des caves et ils nous acclamaient. Et je me suis dit « ils ont tout perdu et ils ont encore… le courage d’acclamer les gens qui ont détruit leurs maisons d’ailleurs et ça, ça m’a émue, et voyez je suis encore émue en le disant.
Alors je vais vous dire comment nous travaillions. Nous suivions les colonnes blindées, et quand il y avait une attaque, un accrochage, nous étions à l’arrêt derrière la colonne. Et dès qu’il y avait un blessé, par radio on disait « on demande un médecin, une ambulance, 2 ambulances… » donc il y avait une Jeep qui se détachait, nous suivions la Jeep et nous doublions toutes les colonnes, c’est-à-dire qu’on doublait les colonnes de half-tracks, de chars, de jeeps, du Génie, jusqu’à ce qu’on arrive à l’endroit où les soldats avaient été blessés réellement… on les mettait sur un brancard, les médecins les réanimaient en leur faisant une transfusion de plasma, eau distillée et plasma sec qu’on mélangeait, et d’ailleurs les médecins ont appris leur métier là, ils n’avaient jamais fait de transfusion.
Nous les aidions en mettant les garrots, en tenant la transfusion au-dessus du blessé, il y avait évidemment pas de ce qu’on a maintenant, des espèces de présentoir pour accrocher…la transfusion. Nous les aidions à mettre des garrots là où il le fallait. Très vite le stock de garrots, le mien, s’est épuisé. J’ai d’abord commencé par mettre ma cravate, parce que c’était une époque où on faisait la guerre avec une chemise et une cravate et le casque ou un calot sur la tête. Je dois vous avouer que j’ai toujours refusé de porter le casque, il me raplatissait les cheveux.
Nous avions donc pour mission d’amener les blessés dans les 3 heures qui suivaient la blessure et on les amenait à un hôpital de la 2èmeDB qui se trouvait à une vingtaine de kilomètres en arrière des combats. Et là nous les laissions à un hôpital qu’on appelait « triage et traitements », ils étaient donc triés parce qu’on n’avait pas peur des mots à l’époque et conduits immédiatement par des conducteurs américains qui en général, c’était des Noirs américains, à l’antenne chirurgicale américaine qui était merveilleuse.
Nous savions que conduits dans le délai, nos soldats avaient la vie sauve. Et eux-mêmes, dès qu’ils étaient dans l’ambulance, bien que notre ambulance ne fût pas du tout blindée… elle avait une cloison en tôle mais traversée par le moindre éclat, et bien ils se sentaient en sécurité et notre rôle était de les réconforter et de les persuader de ne pas mourir avant le médecin et avant l’antenne chirurgicale.
Le dénouement
Et bien je rentre dans Paris oui, après avoir fait tout le circuit de la Normandie et avoir traversé la région parisienne. A l’époque les hommes ne croyaient pas au courage des femmes, pas plus que le général Leclerc d’ailleurs. Ils pensaient que l’homme avait le privilège du courage. Et là, on leur a prouvé que ce n’était pas vrai.
Et après Paris ?
Immédiatement l’atmosphère a changé et les hommes étaient prêts à tout pour nous aider. Et j’ai suivi la 2èmeDB partout, en Lorraine, en Alsace, en Allemagne et quand le général Leclerc a fait un corps expéditionnaire pour l’Indochine, je ne me sentais pas mûre pour rentrer chez moi et avec une dizaine d’amies, nous avons décidé de continuer en Indochine, c’est ce que nous avons fait, et le général Leclerc donc qui nous avait, attention hein il avait fait sa conversion bien avant, il était venu nous voir, nous étions cantonnées à Paris, à Bagatelle.
C’était un spectacle inouï Bagatelle où au lieu des roses, on cultivait des navets, des carottes et des pommes de terre. J’ai passé toute la journée du 25 août devant le grand portail de Notre-Dame avec toute la troupe qui tournait, qui était aux alentours de Notre-Dame, tous les chars, mon ambulance a été transpercée des balles de la voiture de Spahis qui était derrière moi, on voyait très bien l’entrée et la sortie, c’était pas du tout un Allemand planqué, c’était le Spahi qui était derrière moi, je ne m’en suis d’ailleurs pas aperçue et de temps en temps, il y avait une fusillade totale. Toutes les foules enthousiastes, qui nous entouraient, qui nous questionnaient, qui nous félicitaient, se jetaient sous les half-tracks, sous les ambulances… nous nous étions beaucoup plus calmes. Bon, donc le général Leclerc est venu nous rendre visite à Bagatelle et il a dit « j’ai appris que vous aviez eu une très bonne conduite, je vous garde ». Moi je dois dire que là j’étais sidérée d’apprendre que nous avions failli être mises à la porte, je ne le savais pas. Et alors je suis restée en Indochine, le même temps que le général Leclerc, c’est-à-dire un an.
Message aux jeunes générations
Nous avons été en somme des novatrices, nous avons prouvé aux hommes que les femmes pouvaient avoir un courage égal à celui des hommes. Et cette notion d’égalité entre l’homme et la femme nous a poursuivi pendant toute notre vie, hein les ambulancières. Un message d’égalité et parfois même peut-être de supériorité par rapport à beaucoup d’hommes qui avaient l’âge de s’engager et qui n’y ont pas pensé.
Rosette Peschaud était vice-présidente de la Fondation Maréchal Leclerc de Hauteclocque.
QUELQUES PHOTOS DE ROCHAMBELLES DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE
Les Merlinettes
Les Merlinettes est le surnom donné aux femmes du Corps féminin de transmission (CFT) de l’armée française durant la Seconde Guerre mondiale. Leur surnom est dérivé du général Merlin, commandant les transmissions en Afrique du Nord, qui eut l’idée de cette création et qui en conduisit la réalisation à l’hiver 1942 en Afrique du Nord. Elles sont les premières femmes « soldats » de l’armée de terre française.
Historique
À l’hiver 1942, le général Lucien Merlin commande les transmissions des trois armées françaises. Il décide de créer le Corps féminin de transmission (CFT) et lance une campagne de recrutement jamais faite auparavant de personnel féminin par voie d’affichage en Afrique du nord française. Sur les affiches, on peut lire des slogans tels que « Pour libérer la France. Françaises, venez au Corps Féminin des Transmissions » ou « Françaises, engagez-vous dans les Transmissions ». Ce recrutement intervient dans une période de pénurie de combattants pour l’armée française et donc le but est de libérer des hommes pour le combat. À l’issue de cette campagne, 1275 opératrices sont recrutées et formées comme radio, téléphoniste, télétypiste, radio/secrétaire d’analyse, électriciennes, formations alors non spécifiques aux femmes, et réparties au sein des trois armes. Selon l’historien Luc Capdevila « C’est la première fois qu’un corps spécifique de femmes soldats sans missions qui relèvent d’un corps traditionnel est créé. » Auparavant les femmes au sein de l’armée se trouvaient dans le domaine sanitaire — infirmières ou ambulancières — ou secrétaires.
Après leurs formation, 150 d’entre elles sont engagées, au niveau corps d’armée et supérieur, sur le théâtre d’opération en Tunisie en mars 1943 puis 377 intègrent le Corps expéditionnaire français en Italie (CEF). Elles débarquent à Naples et progressent, avec les forces françaises du général Juin lors de la campagne d’Italie, de Monte Cassino, du Garigliano à Rome pour atteindre Sienne. C’est dans cette ville qu’elles participeront au défilé du 14 juillet 1944.
En avril 1944, les Merlinettes sont 1095 dont 37 officiers et 121 sous-officiers.
Le 9 août, celles du Corps expéditionnaire rembarquent à Tarente sur la côte Adriatique et le 16 août, les Merlinettes débarquent à Saint-Tropez lors du débarquement de Provence. Certaines vont participer également à la campagne de l’armée aux ordres du général de Lattre de Tassigny de la Provence à Strasbourg, puis après le franchissement du Rhin, l’avancée vers Sigmaringen. Après l’armistice, les unités de transmissions du CFT s’arrêtent définitivement à Innsbruck le 9 juillet 1945.
La valeur de leur engagement est souligné par le général Carpentier, chef d’état-major du CEF : « dans des circonstances extrêmement dures, le personnel féminin des transmissions a été admirable » et par le général de Lattre de Tassigny : « les volontaires féminines de la 1re Armée (…) ont fait preuve d’un dévouement souriant, d’un zèle sans défaillance, certaines même d’un héroïsme magnifique. Elles peuvent être fières de la part qu’elles ont prise à notre victoire ».
Parachutages en zone occupée
Certaines Merlinettes furent envoyées à Londres pour leur formation et intégrèrent ensuite les opérations du Special Operations Executive (SOE) britannique et furent parachutées en France occupée au printemps et à l’été 1944. Parmi elles, Suzanne Mertzizen, Marie-Louise Cloarec, Eugénie Djendi et Pierrette Louin, toutes arrêtées par la Gestapo et déportées à Ravensbrück, furent fusillées le 18 janvier 1945 par les Allemands.
Des Merlinettes connues
Suzanne Mertzizen
Suzanne Camille Mertzizen (ou Mertzisen ; 15 mai 1919 – 18 janvier 1945) est une résistante française de la Seconde Guerre mondiale. Elle a servi dans l’Exécutif des opérations spéciales et a été exécutée par les nazis.
Biographie
Elle naît Suzanne Boitte à Colombes, en banlieue parisienne. En 1938, elle épouse un aviateur français, Gabriel Mertzisen, et aura une fille. Ils emménagent à Constantine, en Algérie, où elle a rejoint le « Corps féminin des transmissions » mis en place par le général Lucien Merlin , et connues sous le nom de « Merlinettes ». Avec ses camarades Eugénie Djendi, Marie-Louise Cloarec et Pierrette Louin, elle est envoyée en formation à Staouéli, près d’Alger.
Quand un appel a été lancé pour les spécialistes de la radio, les quatre femmes se portent volontaires. Elles sont envoyées à Londres pour poursuivre leur formation en tant que radio. À St Albans et à Manchester, elles se perfectionnent en parachutisme, gestion des explosifs, combats sans armes et transmission radio de base.
Mertzizen est parachutée de nuit le 6 avril 1944 dans la région de Limoges avec Marie-Louise Cloarec, Pierrette Louin et deux autres. Les trois femmes se rendent ensuite à Paris chez un cousin de Louin.
Son mariage a souffert de leur séparation et leur divorce est prononcé le 24 avril 1944.
Le 27 avril, Suzanne et ses camarades sont arrêtées après dénonciation. Elles sont interrogées par la Gestapo avant d’être envoyés au mois d’août au camp de concentration de Ravensbrück. Elles y retrouvent Eugénie Djendi. Après que leurs demandes de transfert dans un camp de prisonniers de guerre aient été rejetées, les quatre femmes sont exécutées par peloton d’exécution le 18 janvier 1945 et leurs corps brûlés et enterrés dans la forêt voisine.
Hommages
Suzanne Mertzizen est déclarée « morte pour la France » et reçoit à titre posthume la médaille de la Résistance, la médaille militaire et la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Elle est commémorée avec ses camarades sur le Mémorial de Tempsford dans le Bedfordshire.
Sa mémoire est commémorée à Colombes.
Marie-Louise Cloarec
Marie-Louise Cloarec (10 mai 1917 – 18 janvier 1945) est une résistante française de la Seconde Guerre mondiale. Elle a servi dans le cadre des opérations spéciales et a été exécutée par les nazis.
Biographie
Marie-Louise Joséphine Cloarec est née à Carhaix, dans le Finistère. Elle devient infirmière en pédiatrie. En mai 1940, elle quitte Carhaix pour aller travailler à Grenoble en tant qu’infirmière dans la famille d’un officier français.
En Algérie, elle rejoint le « Corps féminin des transmissions » créé par le général Lucien Merlin et connu sous le nom de « Merlinettes ». Ses camarades sont Eugénie Djendi, Pierrette Louin et Suzanne Mertzizen. Toutes les quatre sont envoyées en formation à Staouéli, près d’Alger.
Quand un appel a été lancé pour les spécialistes de la radio, les quatre femmes se portent volontaires. Elles sont envoyées à Londres pour poursuivre leur formation en tant que radio. La formation consiste, à St Albans et à Manchester, en parachutisme, gestion des explosifs, combats sans armes et transmission radio.
Marie-Louise Cloarec est parachutée dans la nuit du 6 avril 1944 dans la région de Limoges avec Pierrette Louin, Suzanne Mertzizen et deux autres résistantes. Elles se rendent ensuite à Paris chez un cousin de Pierrette Louin.
Le 27 avril, elles sont arrêtées et interrogées par la Gestapo avant d’être envoyées au mois d’août au camp de concentration de Ravensbrück, où ils ont retrouvent Eugénie Djendi. Après que leurs demandes de transfert dans un camp de prisonniers de guerre aient été rejetées, les quatre femmes sont exécutées par peloton d’exécution le 18 janvier 1945 et leurs corps brûlés et enterrés dans la forêt voisine.
Hommages
Marie-Louise Cloarec a été déclarée « morte pour la France » et a reçu à titre posthume la croix de guerre avec palme et la médaille de la résistance. Elle est commémorée avec ses camarades sur le Mémorial de Tempsford dans le Bedfordshire.
Elisabeth Torlet
Elisabeth Torlet, histoire d’une
« merlinette » du Corps féminin
des Transmissions.
Elisabeth Torlet est née le 5 février 1915 aux Bordes dans le Loiret. Elle fait partie d’une famille de 5 enfants et passe
toute son enfance avec ses deux parents aux Bordes. Elisabeth étudie à Orléans puis à Saint-Omer dans le Nord où elle enseigne dans un institut privé jusqu’en 1939. Elle gagne ensuite la zone libre après la signature de l’armistice de juin 1940 et travaille aux assurances sociales jusqu’en 1941. En 1942, Elisabeth et sa sœur Geneviève partent au Maroc chez leur sœur aînée, Madeleine, alors confrontée à des problèmes de santé liés à sa grossesse. C’est alors que le débarquement Anglo-américain d’Afrique du Nord les y surprit, le 8 novembre 1942. Le 16 février 1943, le
général Giraud lance un appel à « toutes les énergies disponibles », appel entendu par Elisabeth Torlet et sa sœur qui s’engagent alors aussitôt, sans hésitation pour la durée de la guerre et intègrent le Corps Féminin des Transmissions créé quelques mois plus tôt, le 20 novembre 1942, dans le cadre de la réorganisation de l’Armée Française en
Afrique du Nord. C’est à Casablanca qu’elles reçoivent la formation de radios et apprennent à mettre en œuvre des postes émetteurs-récepteurs. En août 1943, elles rejoignent l’école des cadres du Corps Féminin des Transmissions à Hydra près d’Alger, où elles sont nommées sergents le 15 septembre 1943. Le 15 mars 1943, 54 jeunes femmes sont déjà appelées en renfort immédiat des spécialistes masculins engagés en Tunisie, puis d’autres suivirent au Maroc en mai. Alors que de nombreuses merlinettes affrontent les théâtres d’opérations de Méditerranée dans le sillage
de l’armée régulière du Général de Lattre de Tassigny, d’autres comme Elisabeth Torlet choisissent d’affronter les dangers de la « guerre de l’ombre » en se portant volontaires pour des opérations spéciales et les services secrets. Très vite nommée chef d’équipe, Elisabeth est affectée à sa demande à la Direction Générale des Services Spéciaux, au service Opérations de la 805e Compagnie de Transmissions. Les services de renseignement de la 1ère Armée,
le SRO, recherchent alors des volontaires pour des missions de renseignements en France occupée. Les deux sœurs Torlet se portent volontaires avec une trentaine d’autres : malgré une santé parfois déficiente, c’est Elisabeth qui est choisie pour préparer la mission Jorxey, une mission de renseignements en France occupée. Elisabeth finit alors sa formation à Alger et subit tous les stages nécessaires, dont le difficile brevet de parachutisme. Commandée par les services spéciaux de la1ère Armée Française à Alger, le Service Renseignement Opérations, la mission est une « simple » mission de renseignement :prévoyant l’avance des troupes Alliées le long de la vallée du Rhône puis de la Saône,
il s’agit de lancer des équipes qui informeront les services spéciaux des mouvements des unités allemandes, leurs
lignes de repli et de défense, leur nature, leurs effectifs, leur stationnement, leur équipement, etc., dans un secteur, l’Est de la France, qui va devenir un secteur stratégique. L’équipe est constituée d’un chef de réseau et d’un ou une radio. Le
Lieutenant André Jacolin (nommé Capitaine pour cette mission) et l’Aspirant Elisabeth Torlet (nommée Sous-lieutenant
pour cette mission) furent choisis : au Capitaine Jacolin la tâche de récolter l’information, à Elisabeth Torlet celui
d’informer Alger 24 heures sur 24 de la situation militaire dans le secteur. La mission au jour le jour, 30 août – 12
septembre 1944. Mercredi 30 août. Deux équipes, celle de Jacolin et celle de Carroles, se rendent au terrain d’aviation de Maison-Carrée d’Alger. Embarquement puis décollage à 18h30. Devant être parachutée à l’altitude d’environ 400 m, en réalité l’équipe est larguée de beaucoup plus haut. Chef d’équipe et coéquipières se retrouvent séparés : l’une dans un pré et Elisabeth dans un arbre d’où elle parvient seule à descendre et à retrouver ensuite sa coéquipière, puis rejoindre le chef d’équipe. Jeudi 31 août. Au hameau du Rochet (intersection de la D 35 et D 118), qui dépend du village de Sourans, l’équipe complète trouve refuge dans la maison d’un cantonnier nommé Bertenand et après un peu de repos part rechercher, au lever du jour, bagages et parachutes. Tout est récupéré. Le secteur étant privé d’électricité, aucun compte rendu par radio ne peut être envoyé sur Alger. Vendredi 1er septembre. L’équipe Carolles vient rechercher son container et son colis. Toujours pas d’électricité pour mettre ne œuvre le poste radio. Samedi 2 septembre. Toujours pas d’électricité. L’équipe se procure trois vélos aux usines Peugeot. Dimanche 3 septembre.
Jacolin effectue des patrouilles en vélo dans son secteur. Toujours pas d’électricité. Lundi 4 septembre. Le courant est revenu. Les cartes d’identité des équipiers n’étant plus valables, la mairie de Sourans les régularise et le maire leur
procure des cartes de ravitaillement alimentaire. Le chef du réseau de résistance local refuse d’apporter de l’aide pour
organiser un système d’échange de messages à messages avec la Suisse. Prudence ? Rivalité entre résistants français contre les agents venant d’Angleterre ou d’Afrique du Nord ???.
Mardi 5 septembre. Nombreux mouvements de résistants autour du hameau du Rochet. Attaque FFI de
l’Isle-sur-le-Doubs. En début de soirée, Jacolin part aux renseignements, suivi d’Elisabeth. Rencontre avec un petit groupe de résistants tenant prisonniers quelques Allemands. Jacolin propose aux résistants de leur procurer de l’armement beaucoup plus fiable et performant. L’équipe retourne au hameau du Rochet. Jacolin repart avec
l’armement, alors qu’Elisabeth propose d’apporter aussi de la nourriture aux résistants et charge sur le porte bagage de
son vélo boîtes de conserve, pain et part accompagnée de la fille de la famille du cantonnier les hébergeant. Au cours d’une rencontre avec des FFI convoyant un de leurs blessés, Jacolin se trouve séparé des deux jeunes femmes.
Mercredi 6 septembre.
4h du matin : Jacolin rejoint le hameau du Rochet où il retrouve la famille du cantonnier Bertenand y compris leur fille
Cécile, mais pas Elisabeth. Cécile a pu échapper aux Allemands en se roulant et se cachant dans des ronces. Elle est d’ailleurs déchirée et enflée de mille écorchures. Mais elle a vu les Allemands emmener Elisabeth.
8h30 : accompagné du cantonnier Bertenand, Jacolin parcourt le même sentier forestier que la veille. A l’Isle-sur-leDoubs, siège de la Feldkommandantur, le maire et quelques personnes sûres lui affirment n’avoir aperçu aucune jeune fille entre les mains des Allemands.
12H00 : retour sur Blussans … à l’entrée du village un paysan se précipite et demande si les deux hommes ne cherchent pas une jeune fille. Un jeune du village s’étant rendu dans les prés au –delà des bois au lieu-dit « les Terres Rouges », a aperçu une jeune fille qui venait d’être tuée. Elisabeth est alors trouvée à une centaine de mètres au-delà de la lisière du bois, allongée sur la piste traversant les prés. Tuée d’une balle placée en dessous de l’œil gauche, elle ne
porte pas de traces de violence, ses yeux, tout son visage reflètent un très grand calme. Le hameau du Rochet et Sourans dépendant du curé de Lanthenans ; celui-ci se charge de faire préparer la fosse et de trouver des porteurs pour la cérémonie de l’enterrement prévue le lendemain. Le beau-frère du cantonnier, qui était menuisier de métier, fabrique un cercueil.
Jeudi 7 septembre.
9H30 :sous une pluie battante, une charrette emporte à Lanthenans, distant d’environ 1km, le cercueil contenant Elisabeth, recouvert du drapeau tricolore. 10H : Quatre jeunes filles rentrent le cercueil dans l’église. La messe des morts fut chantée par le chœur de la paroisse. Tout le village était présent. Puis ce fut l’absoute et la mise dans
la fosse dans le cimetière qui entourait l’église. Enquête sur le décès de Mlle Elisabeth Torlet, de la Mission Jorxey.
Quelques jours à peine après l’exécution d’Elisabeth Torlet, deux officiers des Transmissions mènent une enquête sur sa
mort. Le 16 septembre 1944, ils rendent un rapport assez bref et incomplet uniquement fondé sur le témoignage de Charles et Cécile Bertenand, la famille qui a abrité les agents de la mission Jorxey pendant deux semaines.
Le temps de la reconnaissance.
Le 6 février 1945, le général de Gaulle, sur proposition du ministre de la Guerre, cite à l’ordre de l’Armée avec attribution de la Croix de guerre avec Palme (décision n°362), le sergent Elisabeth TORLET au motif suivant : « Jeune fille animée d’une foi ardente dans les destinées du pays. Volontaire pour participer à une mission de recherche de renseignements en zone occupée par l’ennemi. S’est imposée à tous dès le premier jour par son cran et son dévouement. Prise par les Allemands le 5 septembre 1944 près de l’Isle-sur-le-Doubs, a fait preuve d’un merveilleux esprit de sacrifice en résistant à tous les interrogatoires de la Gestapo. A préféré mourir plutôt que de dénoncer ses
camarades de mission. » En 1947, une colonie de vacances en Allemagne est dénommée, sous le patronage de la FNAT (Fédération Nationale des Associations des Anciens des Transmissions), « Colonie Elisabeth TORLET », à Stahringen.
Le 14 janvier 1949, le cercueil d’Elisabeth Torlet est transporté de Lanthenans aux Bordes. Le 15 janvier ont lieu « les
obsèques d’une héroïne de la résistance » selon le titre du compte rendu des cérémonies par la République du Centre du 17 janvier 1949. Le nom de « SousLieutenant TORLET » est donné à la promotion 1983-1984 des Elèves-officiers
d’active des Ecoles des services, Ecole militaire d’Administration de Montpellier. La 76e promotion (1992) des sous-officiers d’active de l’Ecole des transmissions d’Agen porte le nom d’Elisabeth TORLET. Une salle du mess de la garnison de Besançon est baptisée Elisabeth TORLET (1992). Le centre opération de la CIRISI de Houilles porte le nom d’Elisabeth Torlet.