Nous sommes en juin 1942, la France survit sous la botte nazie. J’avais alors vingt et un ans et j’occupais un emploi d’ouvrier ajusteur dans une entreprise strasbourgeoise de construction mécaniques. A Autun, situé en zone occupée, chaque matin avec mes camarades de travail, nous commentions les nouvelles disffusées la veille au soir par Radio-Londres, explique Henri Demont, né le 28 juin 1921.
Henri désireux de sortir de cet étouffoir dans lequel son pays agonisait décide un beau matin de s’engager dans l’armée d’Armistice. Quelques temps plus tard, il assistera la rage au coeur le mercredi 11 novembre 1942 au défilé des troupes allemandes envahissant la « Zone Libre ». Démobilisés suite à l’invasion de la « Zone Libre » par les troupes nazies, Henri avec deux amis Lucien et Aimé décident de rallier l’Afrique du Nord pour reprendre le combat et cela en passant par l’Espagne Franquiste. C’est le début d’un long et dangereux périple. Après bien des péripéties, le 7 décembre 1942 nos héros franchissent les Pyrénées avec l’aide de passeurs. Arrêtés par les Gardes Civils Espagnols et brutalement interrogés, ils vont connaître l’internement à Lérida. << Dans cette prison, je me suis rendu compte de ce qu’étaient l’intolérance et la brutalité : le vrai visage du fascisme>>, déclare Henri Demont. Puis c’est le départ pour la prison de Sarragosse, là Henri et ses compagnons sont à nouveau interrogés sans ménagement, ils assisteront impuissants à l’épouvantable correction infligée à un français qui avait refusé de faire le salut fasciste, il a ensuite disparu, on ne l’a plus jamais revu, déclare Henri Demont.
Enfin le 07 avril Henri Demont est libéré du camp de Miranda, mais ce n’est pas le cas pour ses deux potes qui eux devront encore attendre. La route est encore longue pour rejoindre la France Libre, enfin le 13 juin 1943 notre héros débarque sur le port de Casablanca : le bateau est français, c’est le Djebel Aurés. Il sera déçu par l’ambiance qui régne alors en Afrique du Nord, je croyais trouver en arrivant une france unie derrière le Général de Gaulle, c’est une france divisée qui s’offre à mes yeux en ces années noires.
Henri est néanmoins décidé à se battre pour la libération de la patrie, c’est donc sans hésitation aucune qu’il signe son engagement pour le Bataillon de Choc, il n’a jamais eu à le regretter, déclare-t-il. Enfin le 11 septembre 1943, l’insurrection contre l’occupant a éclaté en Corse et la résistance locale demande des renforts d’urgence. Henri sera du premier voyage à bord du fameux sous-marin » Casabianca » (rescapé du sabordage de Toulon), c’est une gageure !….. Nous serons 170 à bord de ce navire dont l’équipage normal est de 85 hommes, mais l’opération va réussir, déclare-t-il.
Caractéristiques du batiment : Equipage : 5 officiers plus 1 en opération et 79 hommes, déplacement en surface : 1500 tonnes, déplacement en plongée : 2000 tonnes, longueur : 92,30 m, hauteur : 8,20 m, vitesse en surface : 20 noeuds, vitesse en plongée : 10 noeuds, rayon d’action : 14.000 miles à 7 noeuds, 10.000 miles à 10 noeuds et 4.000 milles à 17 noeuds, rayon d’action en plongée : 90 milles à 7 noeuds, propulsion : 2 moteurs diesels de 9 cylindres de 4.300 cv, 2 moteurs électriques Alsthom de 1.200 cv, armement : 11 tubes lance-torpilles, 1 canon de 100 mm sur le pont avant.
Le sous-marin Casabianca (Q183), héros de la Seconde Guerre Mondiale a été lancé le 2 février 1935 à Saint Nazaire. Il a été baptisé ainsi en l’honneur de Luce de Casabianca, né à Vescovato (Corse) héros d’Aboukir qui le 10 août 1795 s’est sabordé avec son fils agé de 12 ans, sur son navire l’Orient pour éviter la capture.
Ils débarqueront le 13 septembre à Ajaccio et s’en rendront maîtres le même jour, dans la lueur des incendies de maquis déclenchés par les allemands autour de la ville pour déloger les maquisards. La foule des habitants en liesse va leur réserver un accueil indescriptible. Le Bataillon de Choc va contribuer efficacement à la libération de la Corse en soutenant les maquisards locaux et Henri verra ses premiers compagnons tomber au combat contre un ennemi aguerri. Puis c’est l’opération « Ile d’Elbe » dans lequel le Bataillon de Choc est engagé.
Le Bataillon de Choc allait ensuite débarquer en Provence, participer à la libération de Toulon, puis remonter la Vallée du Rhône en poursuivant les allemands. Le caporal Henri Demont se souvient particulièrement de la bataille de Ronchamp : après bien des péripéties et des combats, ce point stratégique où l’ennemi s’était battu avec acharnement, était resté entre nos mains, nous avions subi des pertes et la chapelle, ce lieu saint de culte avait bien souffert, à l’aube de ce 1 octobre 1944, la route de l’Alsace venait de s’ouvrir.
Henri avait été blessé à la jambe au cours de ces combats, une blessure qui allait nécessiter plusieurs semaines de soins. Puis le Premier Bataillon de Choc allait participer activement à la campagne d’Alsace, en particulier à la sanglante bataille pour la libération de Colmar, cette province où tant de ses camarades sont tombés et reposent désormais pour l’éternité sous les petites croix blanches du cimetière militaire de Sigolsheim.
Des combattants du Premier Bataillon de Choc allaient encore donner leur vie pour la chute définitive du régime nazi.
Henri Demont nous livre son sentiment en 2006 : plus de 60 ans se sont écoulés après cette tragédie, force nous est de constater que les hommes n’en sont pas devenus plus sages pour autant et qu’ils continuent de s’entre-tuer sous une latitude ou sous une autre.
Notre héros est Officier de l’Ordre National du Mérite, Chevalier de la Légion d’Honneur, il a reçu la Médaille Militaire et la Croix de Guerre 39/45 avec deux citations à l’Ordre de la Brigade, la Médaille des Evadés et sept autres décorations. L’ancien combattant de la France Libre a écrit un livre (non publié) où il relate par le détail son aventure : Le temps des illusions, qu’il a dédié à ses frères d’armes, à tous les anciens du Premier Bataillon de Choc et à Françoise sa chère épouse ( rencontrée lors de la campgne de Corse).
Textes extraits de la chronique Patrimoine et Culture Florange et publiés avec l’aimable autorisation de Mr Henri Demont et Mr Croué.