En 1945, Nordwind est la dernière offensive allemande sur le territoire français. En Moselle-Est, les opérations militaires s’essoufflent au bout de quelques jours, mais pour beaucoup de soldats américains inexpérimentés, débarqués depuis peu en Europe, ce sera un baptême du feu terrible.
Des éléments de la 2e Division Blindée du général Leclerc, engagés à leurs côtés, vont être confrontés à un adversaire très déterminé. A l’issue des engagements, un spectacle de désolation s’offre aux yeux des habitants des villages touchés par les combats: maisons soufflées par les explosions, cheptel décimé…
Le contexte général.
Le 16 décembre 1944, à 5h30 du matin, Hitler déclenche l’opération Wacht am Rhein, plus connue sous le nom de Bataille des Ardennes. L’objectif est de reprendre le port d’Anvers par lequel transitent la majorité des approvisionnements destinés aux armées alliées.
Considéré comme calme, destiné à l’entraînement et au repos des troupes, le secteur des Ardennes est défendu par des forces dérisoires : quatre divisions d’infanterie. De gros moyens sont mis en œuvre par les Allemands : 10 divisions blindées, 200 000 hommes prennent part à l’assaut. A ce moment, l’effort allié se situe dans la Ruhr et dans la région de la Sarre.
Devant l’urgence de la situation, les forces du général Patton engagées en Sarre stoppent leurs opérations et volent au secours des unités engagées dans les Ardennes. A partir du 19 décembre, la 3e armée américaine fait un virage de 90° et se dirige vers le Luxembourg. La portion de territoire allemand conquise ainsi que les villages lorrains libérés sont abandonnés et un no man’s land se crée, vite réoccupé par les Allemands.
En fin d’après-midi du 24 décembre, les premiers réfugiés en provenance de Bliesbruck arrivent à Kalhausen dans le sillage d’une colonne américaine. La population ne comprend pas pourquoi les Américains reculent et les abandonnent! Ces convois de blindés et de véhicules de la 87th Infantry Division, entrés en Sarre quelques jours plus tôt, se dirigent vers un point de rassemblement situé à Munster (Moselle). La prochaine étape est Reims; leur objectif est la ville de Bastogne encerclée par les forces du maréchal von Rundstedt.
La 7e armée du général Patch prend la relève des troupes envoyées vers le nord. Les lignes du nouveau front sont très étirées (135 km). La 44th Infantry, Division, commandée par le général Dean, arrive dans le secteur vers le 20-21 décembre et s’installe en position défensive. Le secteur tenu par l’unité s’étend le long de la Blies jusqu’à Bliesbruck, suit la ligne de chemin de fer, passe devant Niedergailbach, Obergailbach, Guiderkirch. La Century Division flanque la 44th sur sa droite vers Bitche, tandis que la 103rd est déployée à l’ouest de Sarreguemines. Un plan de retrait est prévu en cas d’offensive ennemie majeure.
Vers le 22 décembre 1944, Hitler se rend compte que l’offensive en Belgique n’aboutit pas et commence à planifier l’opération Nordwind. L’objectif est de détruire la 7e armée américaine en la prenant en tenaille. Une attaque doit percer le front dans le secteur de la Ligne Maginot, entre Sarreguemines et Rimling, une autre attaque a pour objectif le débouché des vallées de Wingen et Niederbronn.
D’autres forces allemandes doivent traverser le Rhin au nord de Strasbourg et celles de la poche de Colmar établir la jonction avec les troupes engagées dans le secteur Nord, ainsi l’Alsace serait à nouveau allemande et le drapeau à croix gammée flotterait à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg.
Le 25 décembre 1944, le plan est approuvé par Hitler. Une série de réunions avec les officiers généraux a lieu le 28 décembre. Finalement dans la soirée, le groupe est conduit au quartier général à l’Adlerhorst dans le Taunus (Land de Hesse) où Hitler tient une conférence.
L’accent est mis sur l’importance de cette offensive pour la poursuite de la guerre. Des promesses relatives à l’attribution de moyens aux unités concernées par l’opération sont faites. Pour donner le maximum de chances à la réussite de l’opération et bénéficier de l’effet de surprise, le Generaloberst Blaskowitz, commandant en chef de l’Heeresgruppe G (groupe d’armées G), interdit toute reconnaissance des zones d’attaque. Les communications radio sont bannies, les ordres doivent être écrits et transmis par messagers. Seuls les officiers généraux, les commandants de division et leurs aides connaissent les détails du plan.
Dès le 26 décembre, malgré les précautions allemandes, le service G2 (service de renseignements) de la 7e armée américaine soupçonne l’imminence d’une offensive. Le 27 décembre, le général Eisenhower annule les ordres pour la réduction de la poche de Colmar. Aussitôt, la 2e DB (Division Blindée du Général Leclerc) est mise à disposition de la 7e Armée du Général Patch.
Des photos aériennes mettent en évidence la préparation de positions d’artillerie dans le secteur de Bitche, des patrouilles relèvent des concentrations de troupes inhabituelles… Quarante-huit heures avant le début de l’offensive, le service G2 de la 7e Armée déclare qu’une attaque serait imminente dans le secteur de Bitche-Sarreguemines.
En cas d’une attaque massive allemande, un plan de repli stratégique est prévu par les Alliés en direction des Vosges. Il concerne la 7e Armée de Patch et la Première Armée Française. Le 1er janvier 1945, l’ordre est donné et doit être effectif le 5 janvier 1945. De Gaulle réagit promptement : hors de question d’abandonner Strasbourg et l’Alsace.
Le 3 janvier a lieu une conférence au sommet entre de Gaulle, Eisenhower et Churchill. Au moment de la conférence, les Allemands sont arrêtés à Achen et la situation militaire dans les Ardennes s’améliore. A Wingen-sur-Moder où est engagée la 6. SS Gebirgs Division Nord, unité très expérimentée qui a combattu en Carélie sur le front de l’Est, la situation est devenue précaire pour les Américains. Eisenhower se range toutefois à l’avis émis par de Gaulle et fait suspendre le mouvement de retrait.
Préparatifs et ordres allemands pour l’opération Nordwind dans
la région de Sarreguemines
L’attaque est prévue le 31 décembre 1944, à 23 heures. Les instructions pour la mission Achen, « Aufgabe Achen » (nom que donneront les Allemands plus tard à Nordwind au niveau local) sont données le 29 décembre. Le XIII SS Infanterie Korps doit pousser vers Rohrbach. Les missions des unités sont les suivantes :
– La 19. Volksgrenadierdivision attaquera entre Habkirchen et Bliesbruck, traversera la Blies, tiendra le secteur des fermes du Viesing et poussera jusque Zetting.
– La 36. Volksgrenadierdivision attaquera, en direction d’Achen, les forts de la Ligne Maginot et continuera vers le Sud. L’objectif est d’être maître de la Ligne Maginot le 1er janvier au matin.
– La 17. SS Panzergrenadierdivision Götz Von Berlichingen percera les lignes alliées à l’Ouest d’Erching, traversera la Ligne Maginot, puis, avec l’aide d’un groupe blindé, avancera vers Diemeringen et Drulingen.
Arrivée des renforts américains et du détachement de la 2e DB.
Des renforts américains issus de la 63rd Infantry Division, les 253rd Infantry Regiment et 255th Infantry Regiment sous l’appellation de Task Force Harris, sont acheminés dans la nuit du 31 au 1er janvier 1945 depuis Haguenau en Alsace vers les secteurs de Hambach, Siltzheim, Wittring et Achen. Les soldats de ces régiments, rattachées au XV Corps, récemment arrivés en Europe, sont inexpérimentés et mal entraînés; ils n’ont jamais connu le combat.
Le matériel lourd est encore aux Etats-Unis. Un certain nombre de ces hommes proviennent d’unités antiaériennes dissoutes, de l’Army Specialized Training Program (programme destiné à fournir des ingénieurs et des techniciens pour l’armée US) dont les effectifs ont été réduits… Ces unités doivent stopper les Allemands au cas où les premières lignes américaines seraient enfoncées. Une grande confusion règne lors de la recherche et de l’installation des positions de combat. Le terrain n’est pas familier, le sol gelé ne permet pas de creuser des positions de combat.
Mis en alerte le 29 décembre 1944, le GTL (Groupement Tactique Langlade), formé de différentes unités de la 2e Division Blindée du général Leclerc, prend position le 2 janvier dans des localités de l’Alsace Bossue et dans quelques villages du pays de Bitche. Un détachement conduit par le capitaine Fonde du 2e RMT (Régiment de Marche du Tchad) quitte Bourgheim en Alsace, le 30 décembre 1944, à 13 heures. La colonne traverse Molsheim, Saverne, Phalsbourg, puis est dirigée sur Mittelbronn, sans connaître sa mission.
Une halte est faite à Baerendorf, dans le Bas-Rhin. Beaucoup de soldats français sont frappés par le contraste existant entre les villages alsaciens relativement opulents et les villages lorrains plus modestes. La population de ces derniers semble plus réservée à leur égard. Ce sentiment ne les quittera pas durant leur court séjour en Moselle-Est.
La mission du GTL est de stopper toute infiltration ennemie sur la ligne Wittring, Achen, Bining. Le 2 janvier au matin, le sous-groupement Minjonnet, dont fait partie Fonde, reçoit ses ordres : rejoindre Kalhausen, Oermingen, Dehlingen par Wolfskirchen et Sarre-Union. Il fait très froid ( -17°), certains half-tracks (véhicules semi-chenillés) ne démarrent pas; de l’eau contenue dans l’essence a gelé dans les canalisations. Des lampes à souder sont utilisées pour dégeler. Instruction est donnée de maintenir les moteurs chauds en les faisant tourner à intervalle régulier de jour comme de nuit.
A Postroff, le sous-lieutenant de Miscault, commandant un peloton de chars du 4e escadron du 12e RCA (Régiment de Chasseurs d’Afrique), est lui aussi confronté aux rigueurs climatiques. Parmi les cinq chars Sherman sous ses ordres, deux sont du modèle M4A3, équipés d’un moteur à essence Ford V8 de 500 CV, tandis que les trois autres sont des M4A2 équipés de moteurs diesel.
A l’origine, seuls la 2e DB, l’Armée Rouge et les Marines américains dans le Pacifique sont équipés de ce modèle de char, fonctionnant avec du carburant diesel. Pour remplacer les matériels perdus, la 2e DB perçoit les mêmes modèles de chars que les divisions blindées américaines en Europe, équipés de moteurs à essence.
Dans les unités, le panachage d’engins utilisant deux sortes de carburant va poser de gros problèmes de maintenance. Lors d’une révision par manque de pièces détachées, les réchauffeurs sur les chars équipés diesel du peloton n’ont pas pu été remontés. Pour démarrer ces engins par temps froid, le sous-lieutenant de Miscaut n’a qu’une solution : les démarrer en les tirant avec les chars Sherman équipés de moteurs à essence. Etre débrouillard et savoir improviser sont des qualités essentielles dans les unités de la 2e DB.
L’attaque allemande.
En alerte depuis le 29 décembre, les Américains ont retiré leurs avant-postes et organisé des patrouilles. L’attaque débute le 31 décembre 1944, vers 23 heures. L’objectif initial du XIII SS Infanterie Korps est la prise de Rohrbach et l’ouverture d’un passage suffisant pour permettre le déploiement de la 21. Panzer-Division et la 25. Panzer-Grenadier Division vers la Plaine d’Alsace.
Aucune préparation d’artillerie n’a lieu, mais très vite les Allemands se rendent compte que l’effet de surprise escompté n’a pas lieu. Le commandant en chef de la 7ème armée américaine, le général Alexander Patch, s’est rendu le soir même à Fénétrange, au poste de commandement du XV Corps (44th Infantry Division, Century Division, 103rd Infantry Division) et a ordonné aux commandants de faire annuler toutes les festivités, car cette nuit une attaque allemande est attendue.
Les troupes américaines de la 44th et de la Century situées en première ligne se battent avec acharnement, mais cèdent du terrain sous la pression ennemie. La bataille fait rage sur les hauteurs d’Obergailbach et autour des fermes de Morainville et de Brandelfing.
Pour enrayer l’avance allemande, l’artillerie américaine effectue des tirs de barrage qui se révèlent très efficaces. De l’infanterie soutenue par des chars Sherman bloque l’avance allemande au sud du bois de Bliesbruck. Un régiment de la Century Division contient la poussée ennemie à l’ouest de Rimling.
Alors que la bataille est engagée, un calme trompeur règne à Achen. Dans une lettre datée du 2 janvier, Philipp L Baker, un lieutenant américain du 255th Infantry Regiment, âgé de 23 ans, exprime son ressenti à Achen: « J’ai passé le premier jour de l’an dans un village français en partie démoli. La messe avait été célébrée, les gens sortaient de l’église. Ils avaient l’air pathétiques en descendant la rue encombrée de matériel militaire, jeeps, camions, chars, canons et de soldats américains. Leurs habits étaient vieux, mais en bon état. La silhouette de leur église en partie détruite se découpait dans le ciel hivernal. J’avais le son de leurs chants en tête, s’en dégageait une impression de tragédie et d’espoir qu’il sera difficile d’oublier ». C’est la dernière lettre écrite par cet officier tué le lendemain à Achen.
Un sous-officier et quelques hommes du 1er Régiment de Marche des Spahis Marocains, l’unité de reconnaissance de la 2e DB, sont détachés à Achen pour faire la liaison avec les troupes américaines. En soirée, à l’issue de la patrouille vers Woelfling, ils rapportent aux civils que tout est calme et qu’il ne faut pas s’inquiéter. Toutefois, l’incertitude sur l’issue des combats donne lieu à des mouvements de panique. A Schmittviller, le chauffeur d’un camion GMC benne son chargement composé de ravitaillement dans la rue et prend le large.
Dans la nuit du 2 au 3 janvier, les lignes américaines sont percées. Les forces allemandes atteignent la voie ferrée Sarreguemines-Bitche. La route nationale 410 est coupée. Gros-Réderching est à nouveau occupé. La situation est très confuse. Dans la matinée, c’est au tour d’Achen d’être investi par la Stossgruppe Kaiser, composée d’éléments du 38. SS Panzergrenadier Regiment et d’éléments de la 17. SS Panzer Abteilung. Le 2 janvier, un peu avant minuit, le groupement Kaiser estimé à 150 hommes, soutenu par trois blindés Sturmgeschütz s’avance venant de Gros-Réderching en direction d’ Achen, par la vallée du ruisseau d’Achen.
Le 3 janvier vers 4h30, la lisière Nord d’Achen est atteinte. Surpris par la soudaineté de l’incursion allemande, les occupants du blockhaus de la ligne Maginot près de la route de Wiesviller n’ont pas le temps de réagir et sont capturés. Vers 9h, Achen insuffisamment défendu est entre les mains allemandes.
Comme dans les villages environnants, de nombreux déserteurs et réfractaires à l’armée allemande sont cachés dans les fenils et greniers. Charles Rimlinger de Kalhausen, caché chez Petri à Achen, raconte :
« Le 3 janvier très tôt, je trayais l’unique vache qui nous restait, les autorités allemandes ayant réquisitionné le cheptel. Il y avait des bruits inhabituels. Dans l’obscurité, je vis des fusées de signalisation. Ayant été soldat allemand, je compris tout de suite. Ils étaient de retour. J’enfourchais mon vélo, mais dans le village, je fus arrêté par des soldats américains. Ils n’avaient pas compris ce qui se passait ; après quelques palabres, ils me laissèrent repartir. Je repris mon vélo. Près du pont, j’entendis les balles siffler et je partis en direction de Kalhausen. Un camion GMC venant de la petite route d’Etting s’encastra dans la maison d’en face. Le chauffeur fut tué. D’autres rafales de mitrailleuses claquaient, je vis les impacts de balles non loin de moi, me jetai dans le fossé et traînai mon vélo comme je pus. Au Val d’Achen, je réveillai les gens, ils n’avaient pas pris conscience des évènements. Arrivé à Kalhausen, depuis les hauteurs, je vis les maisons d’ Achen en feu. »
Réveillés par la famille Jung, les Spahis qui ont patrouillé la veille en direction de Woelfling, quittent précipitamment le village et rejoignent in extremis le détachement du GTL à Kalhausen. Peu après, un convoi de véhicules américains cherche à évacuer Achen. Deux camions avec leurs remorques, chargés d’explosifs et de munitions de la antitank company du 255th Infantry Regiment, sont stoppés par un char allemand au croisement de l’actuelle rue du Haut Poirier et de la rue de Wiesviller.
Le « Sturmgeschütz » ouvre le feu et incendie un véhicule. Depuis l’étage d’une maison voisine, un soldat américain met le tank en joue avec un bazooka, mais l’engin antichar ne fonctionne pas. A cause du froid, la pile électrique nécessaire à la mise à feu est déficiente. Dans un grand fracas, les munitions explosent et soufflent tout le quartier. Par chance, il n’y a qu’un blessé à déplorer parmi la population civile réfugiée dans les caves. Les chauffeurs des camions, légèrement blessés, ont pu quitter les véhicules et se mettre à l’abri.
Les deux bataillons du 255th Infantry Regiment de la Task Force Harris rejetés d’Achen, prennent position de part et d’autre de la petite route reliant Achen à Gros-Réderching qui est l’unique voie de communication vers l’arrière pour les Allemands.
Ces unités se regroupent vers 9h45 entre Singling et le ruisseau d’Achen, protégées par l’artillerie tirant sur Achen depuis Oermingen. Les Américains se réorganisent et vers midi, la souricière se referme sur les Allemands. Coupés de leur ravitaillement et de leurs renforts, ils n’ont pas les moyens de poursuivre leur avancée.
Les blindés français du 4e escadron du 12e RCA, en alerte à Oermingen, se dirigent sur Kalhausen. Ordre leur est donné de bloquer toutes les voies de communication. Un peloton de chars est positionné sur les hauteurs d’Etting, d’autres chars surveillent la coulée entre Etting et Schmittviller. Des renforts sont acheminés à Oermingen. Vers 9 heures, le sous-groupement Minjonnet reçoit l’ordre de contre-attaquer et de nettoyer Achen. Il est aussitôt annulé, en raison de la confusion possible entre troupes amies et ennemies à cet instant. Quelques Allemands montent jusqu’au cimetière d’Etting. Arrêtés par les chars français, ils refluent. Un blindé allemand fait une reconnaissance jusqu’à la Oligmühle, puis fait demi-tour. Les fantassins de la compagnie du capitaine Fonde reçoivent l’ordre de s’installer sur les crêtes dominant le village de Kalhausen. Le sol est gelé, impossible de creuser des trous. Depuis peu, un contingent de jeunes recrues inexpérimentées a rejoint la compagnie. Connaissant la réputation de l’adversaire, l’encadrement ne cache pas son inquiétude. De loin, ils voient les premiers villageois d’Achen fuir la zone des combats.
Le Bigorre est le char de l’aspirant Catala. On retrouve souvent cette photo dans les ouvrages relatant l’épopée de la 2e DB, ceci sans explications ou fantaisistes.
Cette photo a été prise au « Làngenéckerkritz« , au niveau du croisement Kalhausen, Oermingen, Schmittviller, Ritterstròss bien après la fin des combats.
Le char s’engage sur le chemin de terre en direction d’Etting. Il est du type Sherman M4A2, avec un canon de 75 mm, équipé d’un jumelage de moteurs diesel développant une puissance de 410 cv. Ce modèle n’est pas utilisé par l’armée américaine en Europe. (Ecpad)
Achen est repris
Vers 11h30, de nouvelles instructions sont transmises aux Français. L’ordre est donné de prêter main-forte aux Américains, la 1ère section du lieutenant Salbaing de la 7e compagnie ainsi que 2 pelotons de chars du 4e escadron sont désignés.
Michel de Miscault, chef de peloton, raconte : « Le 3 janvier au matin, nous vîmes un petit détachement US, automitrailleuses M8 et quelques véhicules à roues traverser à vive allure Kalhausen vers l’Est. Le peloton Dufour fut envoyé en observation sur la crête qui nous séparait du village d’Achen. Vers 12 heures, je reçus l’ordre d’aider le commandant d’un bataillon US à reprendre le village d’Achen. Mon chef de corps (le Chef d’Escadron Gribius) me rejoignit au PC de ce bataillon, mais il m’interdit de m’engager avec la totalité de mon peloton. J’ai donc envoyé le MDL/C (Maréchal des Logis-Chef) Quéffelec avec son groupe de 2 Sherman. Il fut malheureusement tué ainsi que le maréchal des logis chef de Vaumas. »
Peu après 12 heures, l’attaque démarre, les blindés français appuient les Américains qui progressent de maison en maison. Dans l’après-midi, les chars du peloton de Miscault démolissent deux « Stumgeschütz » qui apportent leur soutien aux unités allemandes. Le compartiment moteur des blindés est touché. Les tirs fusent de toute part. Un tankiste SS est abattu lors d’une tentative visant à récupérer la radio du char devant la maison Jung, en passant par la fenêtre de la maison. Un tireur embusqué américain interdit aux SS de traverser la rue devant la maison de Joseph Rimlinger. Des mitrailleuses mises en batterie sur les lignes de crêtes surplombant les rues transversales du village tirent sans discontinuer.
A la nuit tombée, les troupes françaises rejoignent Kalhausen et laissent aux Américains le soin de parachever le nettoyage et la reconquête d’Achen. Les Allemands retranchés dans l’extrémité nord du village reçoivent l’ordre de décrocher et se replient en direction de Gros-Réderching. Le Hauptsturmführer Toni Eichner, à la tête du III.Bataillon du 38. Panzergrenadier Regiment, raconte : « Le village était toute la journée sous le feu ennemi, les communications radio étaient difficiles, nos munitions étaient presque consommées, les renforts ne suivaient pas. L’opérateur radio fit une crise de nerfs, il nous fut possible de traverser les lignes américaines au cours de la nuit ».
Appuyés par le 3e Sturmgeschütz intact, les SS percent l’encerclement et parviennent à rejoindre leurs lignes en franchissant la nationale Sarreguemines – Rohrbach au nord de Gros-Réderching.
Alors que le 3 janvier les combats se poursuivent à Achen, le général de Langlade * donne l’ordre au lieutenant-colonel Massu de reprendre Gros-Réderching par l’est. Parti aux alentours de 14h de Rahling, le sous-groupement progresse par la vallée de l’Altkirch en pleine tempête de neige, n’arrive que vers 16 heures de l’après-midi. L’infanterie et les chars investissent le village par le sud et l’est après un vif combat près du cimetière et aux lisières sud. A la tête du 2ème escadron du 12ème R.C.A., le lieutenant Rives Henrys chargé de l’action principale, est grièvement blessé d’une balle dans la nuque, dans la tourelle du char « Maurienne ». Il décéda le 5 janvier 1945 à l’hôpital de Lorquin sans avoir repris connaissance. (Citation à l’ordre de la Division (O.G. N° 66 du 1er novembre 1944) – Chevalier de la Légion d’Honneur à titre postume).
Le nettoyage du village est entrepris par 2 sections de la 6ème compagnie de 2ème R.M.T. du capitaine Langlois mais l’unité ne parvient pas à se rendre complètement maître des lieux. De nombreux foyers de résistance subsistent et sont renforcés d’une manière continuelle par des éléments retraitant d’Achen. Pour cette raison, le général De Langlade demande avec insistance à ses homologues américains de la 44th Infantry Division de relever au plus vite le sous-groupement Massu dont l’infanterie n’est pas assez nombreuse pour tenir le village.
Le commandement américain donne suite, mais les liaisons radio et le manque de coordination avec les troupes américaines vont faire échouer l’opération. Le second bataillon du 71th Infantry Regiment chargé de cette mission rapporte que dans l’obscurité et la confusion, des chars français les ont pris sous leur feu, les obligeant à faire demi-tour.
Du côté français, il est rapporté que le 4 janvier vers 1 heure du matin, ce n’est pas la relève américaine attendue qui entre à Gros-Réderching, mais ce serait un groupement SS vêtu d’uniformes américains, utilisant l’itinéraire prévu, appuyé par un char Sherman arborant l’étoile américaine! La confusion est totale. En désespoir de cause, le lieutenant-colonel Massu fait évacuer les rescapés français sous un tir de barrage d’artillerie. Le bilan de cette nuit est lourd et fait état de 4 chars français détruits ainsi que de 10 tués. Le capitaine Langlois est capturé. Le village est de nouveau entre les mains allemandes.
Par un froid glacial, le 4 janvier vers 6h30, à la demande des Américains, le tandem infanterie-blindés du 12e RCA, commandé par le lieutenant Salbaing et l’aspirant Catala reprend la direction d’Achen.
Les Français sont accueillis par des Américains croyant dans un premier temps entendre des blindés ennemis. Certains embrassent les chars. Le nettoyage final commence, il ne reste que des Allemands isolés qui se rendent pour la plupart. Une douzaine de prisonniers sont faits, pour la plupart des SS tchèques et polonais. Vers 10h, le dernier point de résistance est un blockhaus de la ligne Maginot. Vers 17h, les Français retournent sur Kalhausen. L’offensive allemande est endiguée, Gros-Réderching est repris le 5 janvier.
obert Velut, du 4e escadron du 12e RCA, se souvient: « J’ai été volontaire avec quelques autres pour aller rechercher le corps du MDL/C Quéffelec qui était un ami, tué la veille (3 janvier). Son char était le « Saintonge » un Sherman M4A2. Au cours d’une reconnaissance à pied, il avait été tué par une grenade. Les Allemands tiraient toujours sur Achen. C’était un spectacle désolant, les maisons étaient en feu, les tas de fumier étaient répandus sur la route qui n’était plus qu’un sentier. Partout des cadavres d’hommes et d’animaux mêlés. Ça et là des vaches blessées, pour achever l’une d’elles, l’arrière écrabouillé, je dus lui tirer 7 balles dans la tête. Nous avons enfin trouvé notre copain étendu. Sous le feu ennemi, nous avons salué sa dépouille et l’avons mis à l’abri dans l’attente d’un moment de calme. »
Le MDL/C Quéffelec, originaire de Benodet dans le Finistère, est inhumé au cimetière de Kalhausen par le curé Schilt. Après-guerre, son corps est transféré en Bretagne.
e maréchal des logis-chef Jean Queffelec, chef de char du 12ème RCA, a été tué à Achen, le 3 janvier 1945. Engagé en 1938, il a fait partie du 507ème régiment de char, puis 19e BCC sous les ordres du colonel de Gaulle. Jean Queffelec a déjà effectué un séjour en Moselle-Est en 1939-1940 pendant la drôle de guerre dans le secteur Sarreinsberg, Althorn, Goetzenbruck. (AHK)
Le capitaine Jean Julien Fonde, commandant la 7e compagnie du 2e régiment de marche du Tchad (2e RMT), pose devant son PC à Kalhausen. Des câbles téléphoniques courent depuis le bâtiment. En remerciement de l’aide apportée à Achen les 3 et 4 janvier, un officier américain cède à Fonde un central téléphonique de campagne ce qui permet au capitaine de rester en contact avec ses hommes répartis dans les maisons du village. (Ecpad)
Le chef du 2e char, le maréchal des logis-chef de Vaumas, voulant remplacer Quéffelec tué par une grenade, est blessé par balle, le chef d’escadron Gribius, voulant suivre de près l’action, bloqué à Achen, le transporte dans une maison voisine qui prend feu. Il aura toutes les peines du monde à faire évacuer le blessé par les Américains. De Vaumas décède des suites de sa blessure à l’hôpital américain de Dieuze, le 10 janvier 1945.
Les civils dans la tourmente
Dès le 3 janvier et les jours suivants, des civils originaires de Bliesbruck, Woelfling, Wiesviller, Gros-Réderching, Achen quittent la zone de combat et trouvent refuge à Kalhausen et dans les villages environnants. 292 hommes, femmes, enfants, originaires des villages pris dans la tourmente de l’offensive Nordwind sont officiellement enregistrés par la mairie de Kalhausen pour la journée du 3 janvier. (Ce chiffre est à prendre avec précautions, puisque des réfugiés de Bliesbruck enregistrés à la journée du 3 janvier sont présents à Kalhausen depuis le 24 décembre 1944.)
D’autres sinistrés suivent dans les jours à venir. La présence d’une compagnie de la 2e DB rassure les gens et stoppe le flux de réfugiés. Les soldats français leur garantissent que l’offensive allemande est jugulée. Dans beaucoup de maisons, les propriétaires doivent se contenter de 2 pièces habitables. En plus des réfugiés, le village abrite une compagnie de la 2e Division Blindée jusqu’au 18 janvier, ainsi que des soldats américains.
Bernard Obry, de Wiesviller, dont la famille a trouvé refuge à Kalhausen le 3 janvier 1945, se souvient de cette journée:
« J’avais 10 ans à l’époque. Le bruit s’était propagé que les Allemands étaient de retour. Nous sommes partis, mes parents, mes frères et sœurs (nous étions quatre enfants), ainsi que mes grands-parents dans une voiture tirée par un attelage de chevaux. Nous y avons entassé ce que nous avons pu, y compris deux cochons venant d’être tués. Il faisait très froid.
Mon père a pris la route menant à Achen. Arrivés sur les hauteurs avant la descente vers le village, nous avons été stoppés par la police militaire américaine. C’est là que nous avons compris qu’il se passait quelque chose à Achen, une bataille avec des chars à ce qu’on nous a dit. Refoulés, nous n’avions plus qu’à faire demi-tour et revenir à Wiesviller.
Mon père a décidé alors de passer par Wittring en empruntant la route s’appelant actuellement rue de la libération. Arrivés sur les hauteurs avant la descente vers Wittring, nous avons été face à un nouveau barrage établi par la police militaire américaine. Un soldat nous arrêta, mais mon père, excédé, continua son chemin. Le policier militaire braqua son pistolet sur la tempe de mon père, pour finalement ranger son arme et nous laisser passer. La route était verglacée.
Dans la descente vers Wittring, la voiture fit un tête-à-queue. Plus de peur que de mal, il n’y eut pas de blessés. Nous avons poursuivi notre chemin par Weidesheim. Arrivés à la patte d’oie en contrebas de Kalhausen, nous sommes montés vers le village. C’est là que nous avons entendu la déflagration d’un obus. Nous avons appris un peu plus tard que Laluet, le boucher du village, avait été tué dans l’explosion. Arrivés sur la place du village, nous avons cherché à nous loger. Finalement, c’est la famille Neu habitant la rue menant à Oermingen qui nous a accueillis. Nous ne sommes retournés chez nous que vers la fin mars. »
La percée allemande vers Rohrbach a échoué, cependant l’Armeegruppe G a encore une carte à jouer dans le secteur nord de l’opération Nordwind. A l’instar de ce qui a été tenté dans le pays de Bitche, l’objectif allemand consiste à créer un couloir où pourraient s’engouffrer la 21. Panzerdivision et la 25. Panzergrenadierdivision. L’action se déroule dans la zone de 16 km comprise entre la Century Division à l’est de Bitche et Neunhoffen dans le Bas-Rhin où commence le secteur tenu par la 45th Division.
La Task Force Hudelson, composée d’unités de reconnaissance mécanisées et d’infanterie motorisée cède du terrain le 1er jour de l’attaque, ce qui permet à la 6. Gebirgs Division Nord d’atteindre Wingen-sur-Moder. La plaine d’Alsace pourrait être atteinte via Ingwiller. Conscients des enjeux, les Américains défendent âprement la route de Lemberg-Goetzenbruck. Le 7 janvier, la reprise de Wingen marque la fin de la première phase de l’opération Nordwind. Le centre de gravité de la bataille se déplace vers Wissembourg et atteint son paroxysme à Hatten-Rittershoffen où 2000 soldats allemands et 1200 Américains vont laisser leur vie. Sur ordre de Hitler, l’offensive est stoppée le 25 janvier.
Les dernières victimes
Les dernières victimes à mettre au compte de l’opération Nordwind dans la région trouvent la mort sur la route de Lemberg vers Goetzenbruck, citée précédemment. Dans l’après-midi du 18 janvier 1945, vers 16 heures, le véhicule Peugeot 402, conduit par Joseph Jost, est pris sous des tirs sur la route de Lemberg vers Goetzenbruck. Les passagers sont le lieutenant de réserve Aloyse Schilt et le capitaine de réserve Edouard Fogt de la résistance locale en mission de reconnaissance. Deux occupants de la voiture décèdent: Joseph Jost est tué d’une balle dans la tête, la poitrine d’Aloyse Schilt est criblée de balles.
Edouard Fogt en réchappe et parvient à atteindre les lignes américaines. Ils sont victimes d’une méprise. L’auteur des tirs est un avant-poste américain pensant être confronté à une patrouille allemande circulant dans un véhicule civil. Aloyse Schilt est le curé du village de Kalhausen. Avant de prendre en charge la paroisse le 26 octobre 1944, il est successivement, à partir de 1941, curé de Montbronn, de Malaucourt-sur-Seille et de Manhoué, près de Delme. Intrépide et volontaire, il est plusieurs fois inquiété par la Gestapo du fait de ses prises de position antinazies dans ses sermons.
Début décembre, devant l’église de Kalhausen, une altercation entre le curé et un officier SS faillit dégénérer. Un élève officier allemand, ancien séminariste, pris de sympathie pour le curé, calme le jeu. Le 3 janvier, au plus fort de l’opération Nordwind, Schilt échappe de justesse à la mort. En début d’après-midi, accompagné de Jacques Laluet, le boucher du village, il se rend dans une position française surplombant la vallée d’Achen. Sur le chemin du retour, un obus tiré trop court explose sur le sol gelé. Les éclats fusent, l’un traverse la soutane du curé et tue Jacques Laluet, lui sectionnant l’artère fémorale.
Mythes
Si dans l’ensemble le déroulement de l’opération Nordwind en Moselle-Est est bien connu, se pose le problème des sources. Pour certains épisodes, elles sont incomplètes, voire manquantes. Certains témoignages sont contradictoires et peuvent ne pas refléter ce qui s’est réellement passé. Dès le 3 janvier, des réfugiés arrivés d’Achen racontent à leurs hôtes de Kalhausen qu’un combat à l’arme blanche opposant Américains et Allemands a eu lieu dans une des dernières maisons du village en direction de Wiesviller entraînant un bain de sang.
Les corps de trois soldats allemands et d’une dizaine d’Américains sont effectivement relevés. La consultation des sources allemandes aussi bien qu’américaines n’apporte aucun élément probant. Un témoin oculaire, Raymond Jung a vu la scène et réfute cette affirmation. Il n’y a pas eu de combat corps à corps, ni d’exécution sommaire à l’arme blanche. Le décès des soldats est imputable à l’éclatement d’un obus qui éventre la façade de la maison où quelques SS gardent des soldats américains capturés le matin même dans le blockhaus de la Ligne Maginot, situé non loin de là.
Que s’est-il passé la nuit du 3 janvier à Gros-Réderching ? A aucun moment, les comptes-rendus allemands ne font état de l’utilisation d’un char Sherman capturé et d’autres véhicules utilisés par des équipages allemands en uniforme américain, relaté par les soldats français.
L’opération de cette nuit est à mettre au compte d’un officier SS de la « Götz von Berlichingen » très expérimenté et audacieux, un ancien de la division
« Das Reich » qui a fait ses armes en Russie, puis sur le front Ouest. Le SS Sturmbannführer Wahl à la tête d’un groupe de combat composée de 11 Sturmgeschütze de la SS-Panzerjäger-Abteilung 17 de la SS-Panzeraufklärungs-Abteilung 17 a pour mission de dégager les éléments de la SS-Panzer-Abteilung 17 et du SS-Panzergrenadier-Regiments 38 pris au piège à Achen. C’est un succès, il bouscule les troupes alliées à Gros-Réderching, détruit quatre chars Sherman, pousse jusque Achen et regagne les lignes amies avec la majeure partie des encerclés.
En conclusion.
Le rapport allemand analysant l’échec de l’opération Achen paraît le 29 janvier 1945. Les points suivants sont soulignés :
-L’absence d’un certain nombre de blindés sur les positions de départ au moment de l’attaque.
-La faible combativité de certaines unités composées de 30% de Volksdeutsche : Russes issus de minorités germaniques, Polonais, Tchèques, quelques Lorrains.
-Le manque de réserves en hommes et matériel, des flancs non protégés.
-La détermination des Américains disposant d’une puissante artillerie, de munitions à profusion, de blindés et de la supériorité aérienne.
Un état de la 17. Panzerdivision Goetz Von Berlichingen rapporte que 38 Américains ont été capturés durant les combats de Gros-Réderching et d’Achen.
Du côté français, les points suivants sont mis en exergue : ordonner l’attaque tardive d’un village sans reconnaissance est à proscrire, mettre impérativement au point les liaisons entre unités de nationalités différentes…. Les pertes allemandes relevées dans le journal de marche du GTL font état de 200 tués ou blessés et de 62 prisonniers pour tout le secteur. Au final, l’analyse du général de Langlade sur Nordwind en Moselle-Est est très pertinente. :
« De Bitche à Sarreguemines, un front de 35 km était tenu par un détachement de 2000 fantassins (allemands NDLR) appuyé de deux douzaines de chars. Le tout commandé par un enragé lieutenant-colonel (SS Standartenführer Lingner NDLR) démuni de tout, sans réserves, n’ayant derrière lui que le vide barométrique ! »
Après l’arrivée de la 2ème division blindée (DB) dans la plaine d’Alsace un premier mouvement de panique s’empare des Allemands. Mais ils se ressaisissent et plus particulièrement dans le nord du Bas-Rhin: coupure du téléphone, interruption du courrier, réquisition du bétail, exécutions sommaires, prises d’otages, travaux forcés dans les fortifications alsaciennes ou même en Allemagne. La ligne Siegfried doit être protégée le long de la Moder et de la forêt de Haguenau.
A partir du 26 novembre, une multitude de combats se déroulent entre Bitche, Sarreguemines, Haguenau libéré le 11, le pays de Hanau, Reichshoffen, Mertzwiller, Bischwiller, Oberhoffen-sur-Moder. L’avancée américaine est rapide. A partir du 15 décembre, la frontière allemande est franchie à plusieurs reprises entre Wissembourg et le Rhin.
Janvier 1945: les réactions allemandes, l’opération Nordwind et la menace sur Strasbourg
L’étirement du front contrôlé par la 7ème armée et la météo exécrable confortent von Rundstedt. Afin de créer une diversion dans le cadre de la bataille des Ardennes, il constate une faiblesse dans le dispositif américain. Le but, reprendre le col de Saverne, encercler des éléments de la VIIe armée et espérer une jonction avec les forces de la poche de Colmar. C’est l’opération Nordwind, conçue dans le plus grand secret. Les plans et les ordres sont compartimentés, les incorporés de force d’Alsace et de Moselle sont retirés du front.
En Alsace, elle doit toucher les Vosges du nord. En filigrane des instructions données par le commandement américain qui se doute de quelque chose, l’Alsace peut être abandonnée si nécessaire! Que savent exactement les autorités françaises de cette menace? La réponse n’est pas précise. Toujours est-il que dans ses Mémoires de guerre, de Gaulle précise: « Quoi qu’il puisse arriver, Strasbourg devait et serait défendu ».
L’opération Nordwind est lancée au soir du 31 décembre 1944 peu avant la nouvelle année. Des avions de la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, bombardent des cibles depuis la Hollande jusqu’en Lorraine. Les Allemands font voler de nouveaux chasseurs à réaction Messerschmitt qui impressionnent les Alliés, mais ils subissent d’énormes pertes. Les Américains s’apprêtent à quitter Strasbourg! C’est une crise majeure de la période.
Dès le 1er janvier 1945 dans l’après-midi, le général de Gaulle contacte Eisenhower, Roosevelt (président des EU) et Churchill (chef du gouvernement britannique) et leur affirme que la France ne peut abandonner l’Alsace. La partie entre ces trois hommes est rude. Eisenhower ne veut entendre parler que de stratégie. De Gaulle, qui gagne le soutien de Churchill sensible à la problématique alsacienne, uniquement de politique. Les Américains menacent de couper l’essence; les Français répliquent en agitant la menace de la fermeture des ports maritimes… Finalement, de Gaulle obtient gain de cause mais le nord de l’Alsace jusque dans la région de Haguenau est à nouveau sous la coupe du régime nazi.
La menace sur Strasbourg, démunie de forces armées, est grave. Les archives sont évacuées, les habitants s’enfuient vers la vallée de la Bruche afin de franchir les Vosges. La ville se vide. Le 3 janvier, les Américains modifient leurs plans et ne se replient plus. Une fois encore les Forces françaises de l’intérieur (FFI) et des gardes mobiles se déploient au nord de Strasbourg du côté de Kilstett pour faire barrage aux troupes débarquées à Gambsheim. L’arrivée du général Auguste Guillaume, commandant des éléments de la 3ème division d’infanterie algérienne (DIA), rassure.
Mais dans les Vosges du nord, les allemands progressent et arrivent à Wingen-sur-Moder. Après trois jours de combats, les troupes US reprennent la ville le 7 janvier. Les combats se poursuivent autour de Reipertswiller et Lichtenberg jusqu’au 20, date à laquelle des troupes américaines doivent se rendre. Le front ne bouge plus jusqu’au 15 mars 1945. L’offensive allemande Nordwind échoue quelques jours plus tard.
Les batailles de Hatten-Rittershoffen, de Gambsheim et d’Erstein
Les Allemands n’abdiquent pas encore et déploient l’opération Zahnarzt. Le secteur de Wissembourg qui est laissé inoccupé par l’armée américaine sert de base. Le 4 janvier, deux divisions de Panzers attaquent près de Buhl dans l’optique de percer le front qui s’est établi sur la ligne Maginot. C’est un échec. Les Allemands attaquent ensuite les villages de Hatten et de Rittershoffen. Une infernale bataille de chars mais aussi d’hommes à pied se déroule jusqu’au 20 janvier. De nombreux habitants sont tués. Les deux villages sont détruits. Les pertes militaires sont lourdes, près de 3 200 hommes. Le général Johannes Blaskowitz qui commande les troupes allemandes sur le terrain tente en vain une percée vers Gambsheim, une commune où des unités allemandes viennent de traverser le Rhin. L’objectif est de marcher sur Strasbourg qui doit être pris en tenaille par des troupes qui attaquent en même temps par le sud. L’opération débute le 7. Les combats se déroulent à Krafft, Erstein, Daubensand, Gerstheim au sud et sont rapidement perdus par les Allemands. L’offensive est nettement plus longue et indécise au nord et se poursuit jusqu’au 19. Les combats se déroulent autour de Gambsheim, Sessenheim, Drusenheim, Weyersheim, Rohrwiller. Les pertes sont lourdes de part et d’autre.
Dernières attaques sur Strasbourg et sur le Bas-Rhin
La Wehrmacht vise une dernière fois Strasbourg. Cette fois-ci, c’est von Maur qui commande. Le commandement allemand considère le secteur de Kilstett comme faiblement défendu. L’attaque débute le 21 janvier. Des troupes arrivent jusqu’à La Wantzenau. A cette date, la 2ème DB est à Strasbourg dans l’attente de la réduction de la poche de Colmar. Le lendemain, les chars, l’artillerie, l’aviation et les troupes au sol remportent la bataille de Kilstett dans la journée. Strasbourg, une nouvelle fois est sauvé. Mais dans le Bas-Rhin, des combats se poursuivent. Afin de tenter de sauver leurs forces à Colmar, les troupes de la Wehrmacht lancent une dernière offensive dans le but de fixer un maximum de troupes. Le 25 janvier, elles franchissent la Moder au Neubourg, à Schweighouse-sur-Moder, à Kaltenhouse; dans le pays de Hanau, Schillersdorf tombe. Mais dans la soirée Hitler en personne stoppe définitivement l’opération Nordwind devenue trop coûteuse.
Janvier 1945.
Eisenhower ordonne d’accélérer le repli des troupes alliées en Alsace. De Gaulle lui fait immédiatement part de son désaccord: « Le gouvernement français ne peut laisser tomber Strasbourg aux mains de l’ennemi ».
Développement de l’offensive « Nordwind » ». La 1re division française libre relève la 2e DB en Alsace. Son dispositif de défense apparaît d’entrée comme particulièrement fragile.
1er janvier 1945
. Hitler déclenche l’opération Vent du Nord. Celle-ci consiste en une offensive nocturne contre les positions alliées sur un front de 75 Km, entre Sarrebrück et Strasbourg. Celle-ci est conduite par la Ière armée du général Hans Von Obstelfeder et a pour but d’exploiter la faiblesse du VIe groupe d’armées américain causée par le repli de certaines de ses forces dans les Ardennes, plus au nord. Strasbourg est de nouveau menacée par les troupes allemandes.
1er et 2 janvier 1945.
Le repli américain a commencé devant la contre-attaque allemande Nordwind. Il doit s’opérer en trois étapes : la ligne Maginot le 2, la Moder le 3, le pied des Vosges le 4 janvier. L’état-major de la VIIe armée américaine a quitté Saverne pour Lunéville.
Sur le terrain les troupes allemandes bombardent Wissembourg et attaquent vers Wingen-sur-Moder. La 2e division blindée, qui partait vers la Lorraine, a combattu la 17e SS Panzergrenadier division à Gros-Réderching (Moselle). A Strasbourg, on parle d’évacuation d’autant plus que les troupes américaines ont commencé à démonter leurs installations : dès l’après midi du 2, des centaines de civils partent vers les Vosges, notamment la Haute-Bruche. Le général Schwartz et les commandants des Forces françaises de l’Intérieur (FFI) Marceau (Martial Kibler) et François (Georges Kiefer) refusent l’idée de quitter la ville.
2 janvier 1945.
La 1e DFL, après un retour rapide de Jonzac, se trouve en ligne sur quarante kilomètres entre Sélestat et Plobsheim, pour conserver la capitale alsacienne en exécution des ordres du général de Gaulle. Les mesures prises se traduisent sur le terrain par l’extension du secteur de la Division jusqu’à Ostheim, à 12 km. au sud de Sélestat.Du sud au nord, le dispositif est le suivant : 1e Brigade sur l’Ill, tient Sélestat. Ensuite la 2e Brigade prolonge la défense jusqu’à Ebersmunster; un Groupement 8e RCA. avec le 3/13 est installé à Kogenheim où il fait la liaison avec la 4e Brigade que renforce la Brigade Alsace-Lorraine. Cette Brigade occupe le terrain entre l’Ill et le canal latéral du Rhin sur des avant-postes que l’on n’a pas voulu céder à l’ennemi.
DE GAULLE ÉCRIT
Eisenhower n’a encore rédigé la lettre de confirmation aux unités concernées que déjà, De Gaulle, lui, prend la plume pour exprimer son désaccord au commandant en chef US: <<Le gouvernement français, quand à lui, ne peut évidemment laisser tomber Strasbourg aux mais de l’ennemi sans faire tout ce qui lui est possible pour la défendre. >>
De Gaulle donne, le même jour, ordre à de Lattre de défendre Strasbourg avec ses seules forces si l’allié américain se retire. En réalité, de Gaulle comme de Lattre savent que les troupes US sont déjà en train de se replier. De Lattre et la 1re armée française sont également concernés par les directives d’Eisenhower; mais nul, dans le camp français, n’est décidé à suivre le mouvement: moment, rare, d’ unanimité franco – française.
D’ailleurs, de Lattre a déjà confié au général Guillaume le soin de défendre coûte que coûte et <<d’y faire>>, si besoin est <<Stalingrad>>.
Désormais , lettres, télégrammes et messages portés vont s’ enchevêtrer à tous les niveaux de décision: c’est que l’heure est grave, les nouvelles qui parviennent du nord de l’Alsace sont très préoccupantes.
Et entre le moment où un ordre est donné et celui où il est exécuté, le temps écoulé est fort variable.
Quoi qu’il en soit, après avoir écrit, de Gaulle envoie deux télégrammes: l’un à Roosevelt, l’autre à Churchill. Il exprime son entier désaccord; cela ne va pas favoriser sa participation éventuelle à la conférence de Yalta, main enfin…
Sur le terrain, l’attaque allemande se développe, comme prévu, dans le secteur de Bitche. Les obus allemands s’abattent sur Wissembourg. Plus à l’ouest, la 2e DB bloque la 17e SS Panzergrenadier Divison à Gros – Réderching en Moselle (qui a été abandonné la veille en catastrophe par les Américains).
Plus au sud, la 1re division française libre (DFL) entre en Alsace par le col de Schirmeck; elle vient de relever la 2e DB sur un front de 40 kilomètres, de Plobsheim à Sélestat.
Sur 20 kilomètres, elle doit tenir la rive du Rhin: celui-ci constitue une protection efficace contre les chars mais permet des infiltrations ennemies; d’autant plus que les abords, forêt et marécages, sont difficiles à surveiller.
AUCUN OBSTACLE NATUREL
Ensuite, le front à tenir traverse dans presque toute sa largeur la plaine d’Alsace de Rhinau à Ebersheim, perpendiculairement à l’ILL et au canal de Rhône au Rhin. On peut rêver mieux comme positions défensives. Ajoutons qu’entre Sélestat au sud et Ebersheim, il n’y a aucun obstacle naturel sur lequel s’appuyer.
Surtout, la 1re DFL n’est pas… une division blindée; elle n’en a donc ni la puissance de feu ni la mobilité et la ligne de front qu’il lui faut tenir lui est simplement imposée par les circonstances. C’est là que s’est arrêtée la progression de la 2e DB, tout simplement.
Les considérations strictement tactiques dicteraient un raccourcissement du front de quelques 10 kilomètres mais cela aboutirait à abandonner, sans coup férir, une dizaine de villages alsaciens qui ont accueilli dans la joie les troupes de libération.
De Lattre a donc ordonné de maintenir la ligne de front suivante: Plobsheim – Krafft, Gerstheim, Obenheim, Boofzheim, le long du Rhin, puis Herbsheim et Rossfeld entre le canal et l’ILL, Kogenheim, Ebersmunster et Ebersheim, Sélestat enfin. Un dispositif dont chacun sait la fragilité.
3 janvier1945.
Le sort de Strasbourg et d’une partie de l’Alsace s’est joué à Versailles : de Gaulle, Juin et surtout Churchill ont réussi à convaincre Eisenhower de ne pas abandonner Strasbourg. Ce dernier a modifié ses ordres et accepté que la Ire armée soit chargée de la défense de la ville, dont le Premier ministre anglais a plaidé la valeur symbolique dans le cœur des Français.
Sur le terrain, les Forces françaises de l’Intérieur (FFI), qui sont un petit millier, appuyées par les gardes mobiles au nord et la brigade Alsace-Lorraine au sud, s’apprêtaient à défendre seuls Strasbourg. Des milliers de civils ont quitté la ville par un froid glacial.
Les autorités préfectorales et militaires, qui préparaient l’évacuation par rail, ont finalement été prévenues dans l’après-midi de la suspension du repli prévu. Par voitures à haut-parleurs, elles ont tenté de rassurer les Strasbourgeois et d’interrompre ce nouvel exode.
La contre-offensive Nordwind avance dans les Vosges du Nord. A Colmar, le journal le Kurier, imprimé au pays de Bade, publie une déclaration du Gauleiter Wagner, assurant : « Le Reich revient ».
13h:TOUT EST POSSIBLE
La poussé par les bords de l’ILL vers Ensisheim, quelques gains péniblement acquis dans la forêt domaniale de Colmar par la 75e division d’infanterie US.
Au pied des Vosges, la progression est plus satisfaisante. Peu avant midi, le 112e régiment d’infanterie US (112e RIUS qui appartient à une division d’élite, la 28e DIUS) descend d’Ammerschwihr ou de ce qu’il en reste, entre dans Turckheim, bloque la vallée de la Fecht, nettoie la petite poche d’Ingersheim. Dans le même mouvement, le Combat Command 4 (5eDB) tient Obermorschihr et atteint Sainte-Croix-en-Plaine.
Mais c’est au sud de la poche de Colmar que les alliés engrangent les meilleurs résultats. Dopé par l’annonce de la prise de Colmar, le 1er corps d’armée commandé par Béthouart remporte partout des succès significatifs. La 2e division d’infanterie marocaine (2e DIM) atteint Wittelsheim et la sité de la Gare, progresse vers la cité Rossalment et Pulversheim.
Bons résultats également pour le 9e division d’infanterie coloniale (9e DIC): le 23 RIC et un escadron du Combat Command 3 (1re DB) atteignent la route de Wittelsheim à Ensisheim centre. De son coté, le Combat Command 1 (1re DB), parti de la cité Sainte-Barbe n’est plus qu’à deux kilomètres, près de la cité Sainte-Thérèse.
Peu avant 13h, en possession de l’ensemble de ces information, de Lattre pense pouvoir réaliser, aujourd’hui encore, la jonction nord-sud sur un axe Sainte-Croix-en Plaine, Ensisheim. Il envoie, par radio, ses instructions aux commandants d’armée et précise: <<Sitôt cette jonction faite, assurer solidement verrouillage débouchés Vosges et entamer vigoureusement débordement Hart et deuxième jonction sur direction Ensisheim, Neuf-Brisach.>>
Vers 16h, le général Billotte, qui commande la 10e division d’infanterie sur le front des Vosges centrales, annonce un début de décrochage dans son secteur. Désormais, il va falloir essayer de couper la retraite des éléments ennemis situés à l’ouest de l’ILL.
Répondant à l’insistance de général de Lattre, le 1er corps d’armée améliore ses gains de la matinée. A 17h, les troupes françaises bordent la Thur de Wittelsheim à Rossalment. Pulversheim est enlevé de même que la cité.
C’est plus dur devant Ensisheim, à la cité Sainte-Thérèse. Ce n’est qu’aux alentours de 22h que les <<Coloniaux>> de la 9e DIC atteignent l’ILL, mais les Allemands ont fait sauter le pont. et l’ILL est en crue… De leurs côté, les Allemands se préoccupent surtout d’empêcher leurs unités à l’ouest de l’ILL d’être coupées du gros de la poche. Mais s’ils installent aujourd’hui leur PC avancé à Fessenheim, donc à onze kilomètres de Neuf-Brisach, cela signifie qu’ils renoncent aux ponts de Brisach pour acheminer à l’est du Rhin troupes en retraite et matériel. Ce sera donc Chalampé.
Le nord oublié
Qui, à l’annonce, hier, de la libération de Colmar, a pensé un seul instant au front du nord de l’Alsace ? à Haguenau dont les quartiers nord sont toujours aux mains des Allemands ? Pourtant la guerre continue dans cette partie de l’Alsace où, à part la 3e division d’infanterie algérienne (3e DIA) du général Guillaume, tout l’effort de reconquête est pris en charge par des unités US.
Il faut liquider définitivement la poche de Gambsheim: combats acharnés à Oberhoffen à dix kilomètres au sud-est de Haguenau. Demain, l’on tentera de prendre Herrlisheim et Rohwiller.
De leur côté, les parachutistes de la 101e Airborne Division fêtent la réussite de leur opération <<Oscar>>: un raid en direction de Neubourg et de Schweighouse. En quelques heures, les parachutistes de MacAuliffe font trente-sept prisonniers dont deux officiers, infligent des pertes sévères à l’ennemi<<plus que toute la VIIe armée US n’en fera en deux mois!>>.Mais au prix de sept morts, six disparus, vingt et un blessés.
4 janvier1945.
: Début de l’avance du groupement d’attaque « Alsace », de Wissembourg sur Hatten et Rittershoffen. Le 3, les Américains s’étaient dérobés et avaient évité le contact.
<<Le groupement d’attaque « Alsace » était constitué du 39ème corps d’armée avec :
245ème » Volksgrenadier-Division »
25ème » Panzergrenadier-Division »
21ème » Panzer-Division »
7ème » Fallschirmjäger-Division » >>
5 janvier 1945.
Alors que 39e corps allemand avance vers le sud, la 553e Volksgrenadier-Division traverse le Rhin, près de Rhinau, et s’arrête de l’autre côté du fleuve pour former une tête de pont, vers Drusenheim et Gambsheim.
5 janvier 1945.
Libération d’Herrlisheim. Herrlisheim connu des moments sanglants pendant trois jours et trois nuits.
6 janvier 1945.
. Trois escadrons du 4ème régiment de la Garde reçoivent pour mission particulière de contenir une poussée allemande menaçant par l’axe nord la ville de Strasbourg. Ces unités, conduites par le capitaine Riehl, progressent, en longeant la voie ferrée, jusqu’au village de Kilstett malgré la pression exercée par 1600 soldats allemands. Cette opération se déroule sous le feu de l’artillerie ennemie. En deux heures, les pertes des escadrons s’élèvent à quatre tués, le lieutenant Cambours et les gardes Bardin, Kemberg et Lannoy, et près d’une quinzaine de blessés.
Malgré la puissance de feu de l’adversaire, les gardes poursuivent leur effort en direction des lisières de Bettenhoffen brisant l’élan des troupes allemandes. En fin d’après-midi les gardes se replient sur Kilstett et y installent un dispositif défensif pour rejeter une attaque attendue dans la nuit. Toutefois, les allemands renoncent finalement à leur projet, et à l’aube c’est une compagnie américaine qui pénètre dans le village. Les sacrifices consentis par les escadrons du 4ème régiment de la garde ont sauvé Strasbourg d’un retour de l’occupant. Honorant la gendarmerie, leur action perpétue les traditions combattantes de l’Institution et offre à tous les personnels un exemple des plus vertus les plus élevées.
Bien connu des escadrons de gendarmerie mobile du groupement de Strasbourg, et plus largement ceux de la 7ème Légion de gendarmerie mobile, ce fait d’arme témoigne de l’engagement des unités de gardes républicains mobiles lors des combats de la Libération.
La tête de pont allemande près de Gambsheim s’est renforcée : la 553e VolksGrenadier-Division (VGD) a passé le Rhin est occupe des positions entre Kilstett et Drusenheim. Une contre-attaque de la Task Force Linden américaine, appuyée par des Forces françaises de l’Intérieur (FFI), tentant de rejeter les Allemands outre-Rhin, a échoué. En revanche, l’infanterie américaine a repris Philippsbourg.
L’ordre du jour de Himmler, qui commande le groupe d’armées Oberrhein en pays de Bade, a fixé l’objectif que, dans « quelques jours (…) le drapeau à la croix gammée flotte de nouveau sur la cathédrale de Strasbourg ». L’inquiétude est grande dans la capitale alsacienne, où les autorités civiles et militaires tentent de rassurer la population. Le général Touzet du Vigier, nommé gouverneur militaire de Strasbourg et commandant de la 10e région militaire, est arrivé à son poste.
Dans les DNA (dernières nouvelles d’Alsace), un éditorial non-signé, titré « Protester », rappelle les protestations de Vichy, dès 1940, contre l’annexion de fait de l’Alsace-Moselle, mais note que « protester est vain quand on ne peut appuyer sa protestation par la force ».
7 janvier 1945.
La 25e Panzergrenadier-Division et la 245e Volkgsgrenadier-Division attaquent Stundwiller et sont ainsi à 4 kilomètres de Hatten.
7 janvier1945.
Il neige. Les premiers Allemands entrent à Hatten. Le 8 janvier, on passe à des affrontements plus intenses. L’artillerie entre en jeu. Des chars allemands progressent vers Hatten, puis Rittershoffen. Les combats s’intensifient et la population se terre dans les caves. La bataille commence.
Un déluge de feu et de fer va s’abattre sur les deux localités où le front bouge sans cesse au gré des attaques et des contre-attaques. Des scènes d’horreur se déroulent lors des combats d’étage à étage, de maison à maison, mais aussi dans les caves où s’entassent jusqu’à vingt enfants, femmes et vieillards.
7 janvier 1945.
L’attaque allemande se déclenche, Deux colonnes solidement étoffées en chars (Brigade Feldhernhalle) foncent vers le nord parallèlement au Rhin. La 4e Brigade (de la 13e Demie Brigade de Légion Étrangère)subit le choc, arrête in extremis (BM 21 et Brigade A.L.) les chars de pointe allemands sur l’Ill. Les centres de résistance d’Obenheim Boofzheim (BM 24) et de Rossfeld Herbsheim (BIMP) résistent durant trois jours aux assauts allemands. Le BM 24 finit par être submergé malgré les contre-attaques de la 1e Brigade (BM 11, 8e RCA., 1e RFM).
Le BIMP, un moment renforcé par des éléments des FTA et du 22e BMNA, doit être relevé. Une opération exécutée avec des blindés du Groupement Mozat de la 5 DB du 8e RCA et du 1e RFM, et les parachutistes du 1e RCP, permettent de faire relever le BIMP par le 1/13. Mais le 11, la chute d’Obenheim rend inutile le maintien de ce bataillon de Légion en avant de la ligne de résistance de l’Ill. Il exécute donc son repli dans la nuit du 10 au 12.
7 janvier 1945.
Les troupes allemandes ont attaqué les positions de la ligne Maginot qu’occupent les Américains dans le secteur d’Aschbach, Stundwiller et Ingolsheim. En revanche, elles ont abandonné Wingen-sur-Moder, que récupèrent les Américains.
La contre-offensive Nordwind a dorénavant évolué. Outre l’attaque au nord et l’installation de la tête de pont à Gambsheim, qui résiste aux Alliés et inquiète Strasbourg, une troisième offensive allemande est partie de la poche de Colmar.
La XIXe armée a en effet attaqué vers le Nord en direction d’Erstein. Cette opération baptisée Sonnenwende (solstice), animée par la 198e division d’infanterie, épaulée par la 106e brigade de Panzer, est très préoccupante pour Strasbourg, protégée au sud par des éléments de la 1ere division française libre. Le bataillon de marche 21 défend notamment avec succès le pont de Krafft.
Le général de Lattre de Tassigny a fait afficher à Strasbourg un message à la population lui annonçant que la Iere armée « a désormais la mission de défendre la cité, chère entre toutes à nos âmes de soldats ».
8 janvier 1945.
Les deux divisions blindées allemandes (21e Panzergrenadier-Division et 25e PGD) prévues pour l’opération Nordwind, et qu’avaient jusqu’ici retenues les ordres de Hitler, sont désormais entrées sur le champ de bataille. Leurs premiers groupes d’assaut, franchissant la ligne Maginot, se dirigent vers Hatten, Rittershoffen et Hohwiller.
La tête de pont allemande de Gambsheim a essuyé une nouvelle contre-attaque de la 12e division blindée américaine via Bischwiller et Rohrwiller, mais l’a repoussée par un barrage d’artillerie.
Au sud de Strasbourg, l’attaque de la XIXe armée allemande venue de la poche de Colmar se concentre sur Obenheim, où se sont regroupés les maigres moyens de défense de la 1ere division française libre -notamment le bataillon de marche 24- et la brigade Alsace-Lorraine.
9 janvier 1945.
Le 1er bataillon du 315e régiment d’infanterie américain est bloqué à Hatten, en raison de l’avance de la 21e Panzer-Division.
9 janvier 1945.
Deux batailles importantes ont commencé à Hatten-Rittershoffen, où sont arrivées les deux PanzerDivision prévues pour l’opération Nordwind (25e et 21e), et à Herrlisheim, dans la tête de pont de Gambsheim. Américains et Allemands s’y affrontent dans des combats qui affectent durement la population civile, terrée dans les caves.
Au sud de Strasbourg, Obenheim, où étaient encerclés le bataillon de marche 24 et plusieurs commandos de la Brigade Alsace-Lorraine, a été attaqué. Les hommes de la Brigade se sont dégagés vers Plobsheim. Désormais, les troupes allemandes ont repris une bonne partie du triangle entre le Rhin et l’Ill, de Sélestat à Erstein, à l’exception notable d’Obenheim.
10 janvier 1945.
Les hommes de la 1e DFL arrêtent de justesse les chars allemands à 25 km au sud de Strasbourg. La lutte est acharnée dans tout le secteur. Le BM 24 est encerclé et anéanti, le 11, dans le village d’Obenheim.
10 janvier 1945.
Les combats ont été rudes dans la région de Hatten et Rittershoffen. Les Allemands ont fait évacuer quelques heures le village d’Obersteinbach. Une contre-attaque allemande vers Zinswiller a été bloquée par l’infanterie américaine.
Au nord de Strasbourg, les blindés américains de la 12e division blindée ont attaqué à Herrlisheim en appui de leur infanterie, mais se sont repliés en soirée après de lourdes pertes.
Au sud de Strasbourg, le bataillon de marche 24 a été entièrement laminé à Obenheim, tandis que le bataillon d’infanterie de marine et du Pacifique a pu être relayé à Rossfeld et Herbsheim et rejoindre Benfeld.
Les Dernières Nouvelles d’Alsace, qui paraissent toujours sur une simple page recto-verso, ont publié un reportage sur le camp du Struthof et les premiers chiffres des malgré-nous, dont le nombre est alors estimé à 150 000.
11 janvier 1945.
Les 25e Panzergrenadier-Division et 21e Panzer-Division continuent leurs attaques sur Hatten et Rittershoffen, et occupent les deux tiers de Rittershoffen.
11 janvier 1945.
A peine la 1ère DFL est-elle installée sur ses nouvelles positions au sud de Strasbourg que le commandement allemand déclenche l’ opération Sonnenwende en vue de reprendre la capitale alsacienne par le Sud. Elle est conduite par la 198ème DI allemande renforcée par la brigade blindée « Feldernhale », équipée de cinquante chars lourds Tigre et Jagdpanther, qui attaque en tête appuyée par les 305ème et 308ème régiment de Panzergrenadier équipés pour le combat dans le froid et le neige. Elle arrive devant Osthouse tenu par le BM 21 (Cne Oursel) qui défend le pont de l’ Ill, et pousse sur Erstein (15 kilomètres de Strasbourg) dont le pont est détruit. Il en est de même à Kraft dont le BM 21 fait sauter le pont. A Roosfeld et à Herbsheim, les positions tenues par le BIMP (Cne Magendie) sont menacées. Par contre le BM 24 (Cba Coffinier) qui occupe Obenhein, à 7 kilomètres à l’ Est, entre le canal et le Rhin, est encerclé. Toutes les tentatives effectuées les 8 et 9 avec tous les moyens disponibles de le division et le renfort d’ éléments de la 1ère DB en vue de le dégager échouent, le BM 11 (Cne Brisbarre), le BM 5 (Cne Hautefeuille) et le 22ème BMNA (Cba Bertrand) éprouvant des pertes sérieuses et le premier est même menacé à son tour d’ encerclement. Mais les ordres sont formels : pas question de le replier à l’ Ouest de l’ Ill (il est une des clés du dispositif). Attaqué en force par l’ adversaire, il va succomber dans la matinée du 11 vers 11h 00 après deux jours de durs combats. A l’ aube, le lieutenant Vilain, l’ aspirant Cailliau et le caporal Uginet sont les seuls à rejoindre Osthouse sur les 772 gradés et marsouins que comptait le bataillon. Cinq sous-officiers et soldats seront camouflés par les habitants et ne rejoindront les nôtres que le 31 après la seconde libération du village. Les autres sont tués, blessés ou prisonniers. Leur héroïque résistance a toutefois permis de stopper le contre-attaque allemande mais elle a coûté à la division : 99 tués dont 40 officiers, 588 blessés, 400 hommes évacués pour pieds gelés, 50 disparus et 600 prisonniers.
12 janvier 1945.
Pluie d’obus sur Wintzenheim
Le 12 janvier, après une matinée relativement calme, l’artillerie s’était manifestée plus bruyamment vers le soir. Quelques temps après la tombée de la nuit, à partir de 18h30, plusieurs obus de gros calibre s’abattirent sur la localité. Un obus toucha la maison du Dr Kretz située dans la rue Principale (actuel 47 rue Clemenceau), un autre éclata devant les immeubles Gaudel et Gspann et les endommagea, deux autres projectiles tombèrent dans l’actuelle rue de la Victoire, qui, à l’époque avait été dénommée « Wolfsgasse » et n’était qu’un cul-de-sac avec deux ruelles perpendiculaires au fond, également en impasse. Ces obus provoquèrent un incendie qui se propagea avec une extrême rapidité car le quartier était un seul pâté de maisons très anciennes où le bois constituait un aliment de choix pour le feu. Celui-ci gagna bientôt les immeubles Aloyse Muller, Louis Dietrich, la grange et l’écurie de M. A. Muller, la maison Jules Schuller, où avait habité la famille Joseph Jung, et les maisons des familles Albert Bernhart, veuve Kling et André Zibolt.
Faisant fi du danger, les pompiers, sous le commandement de M. Kleim, se mirent aussitôt à combattre le feu. Des civils et des militaires se joignirent à eux. Malheureusement, ils ne disposaient que d’une modeste pompe à main alimentée par la fontaine publique. Les tuyauteries gelèrent très vite, car neige et froid glacial sévissaient (-18°). Afin de poursuivre le combat contre le feu, une chaîne de solidarité humaine se mit en place, qui se passait les seaux d’eau de main à main. On y vit des femmes, dont les vêtements aussi étaient gelés par l’eau, et qui pourtant continuèrent stoïquement à aider.
Un quart d’heure à peine s’était écoulé depuis le début de l’opération de sauvetage quand un nouvel obus éclata au milieu des pompiers, des militaires et des civils. Ce fut alors un véritable carnage : cinq pompiers, quatre civils et une dizaine de soldats furent tués sur le coup, un pompier et deux autres civils devaient succomber à leurs graves blessures dans les jours qui suivirent. Cinq autres habitants furent grièvement blessés, dont deux restèrent infirmes.
Voici la liste des tués de cette terrible nuit d’épouvante. Pompiers : Zehler Émile, Joerg Frédéric, Meyer Eugène, Parmentier Paul et Jung Joseph. Civils : Schuller Jules et son fils Pierre (14 ans), Zibolt Eugène, Riedinger Paul. Le lendemain matin, les habitants se recueillirent devant les dépouilles alignées dans la cour du presbytère. Plusieurs blessés avaient été évacués sur Colmar où de nouveaux décès furent à déplorer dans les jours qui suivirent : Bernhart Albert, le pompier Muller Joseph, et Mlle Blauler Marie. Avaient également été blessés : Mme Kling et sa fille Antoinette, Mlle Roth Mariette, Braun Joseph qui devint aveugle et Mlle Zibolt Lucie qui fut amputée d’un pied.
Un grand calme succéda à l’éclatement de l’obus meurtrier, l’épouvante avait saisi les survivants. Les pompiers interrompirent leur combat contre les flammes et pendant quelques minutes on n’entendit plus que le crépitement de l’incendie, le lointain roulement de la canonnade et les gémissements étouffés des blessés. Lorsque les sauveteurs se ressaisirent enfin, le froid avait fait geler l’eau dans les tuyaux et les pompiers durent capituler. Certains y voient la main de la providence car vers 22 heures, un autre obus éclata au milieu du sinistre. Mais il n’y avait plus personne dans les alentours.
Le lendemain, alors que l’incendie continuait, d’autres projectiles tombèrent encore dans le même quartier et en divers endroits de la cité. Et le cauchemar continua. De ci, de là, les obus semèrent la dévastation, causant d’autres victimes. Le 17 janvier, M. Jamm fut tué et plusieurs autres personnes blessées.
Le 12 Janvier 1945.
Le 1er Escadron (du 7e R.A.C.)relève à NORDHOUSE le 3ème R.S.A.R. il passe sous le commandement du commandant MAUCHE, et a pour mission le barrage de la coulée comprise entre l’ILL et la zone boisée Ouest et Sud-Ouest d’HINDlSHElM.
12 janvier 1945.
Les 25e Panzergrenadier-Division et 21e Panzer-Division continuent leurs attaques sur Hatten et Rittershoffen, et occupent les deux tiers de Rittershoffen.
A l’appui de violents tirs d’artillerie sur ces deux villages (on pense aux pauvres civils dans les caves !), les Américains essayent de repousser les Allemands hors de Hatten et Rittershoffen
12 janvier 1945.
Au nord, la 14e division blindée américaine a repris les trois-quarts de Rittershoffen, mais les combats se poursuivent, ainsi que dans le secteur du Scharzenberg où une compagnie du 275e régiment d’infanterie a été laminée. Une offensive allemande partie du sud de Wissembourg tente de faire la jonction avec la tête de pont de Gambsheim
Au sud de Strasbourg, après une tentative infructueuse des blindés français de joindre Herbsheim dans la nuit, les Alliés ont décroché de cette commune et de Rossfeld à l’aube.
Le 12 janvier 1945.
Les batteries US, installées à l’observatoire des Trois-Epis, avaient canonné la cave à bières Molly (Wintzenheim) qui abritait le quartier général allemand du secteur*. Tous les obus ne touchèrent pas leur but, et il y eut une dizaine de morts dans la population civile, parmi les pompiers et secouristes, sans compter plusieurs maisons détruites par les tirs.
Odile Bouvier se souvient : ces caves étaient occupées par beaucoup de gens venant des villages sinistrés tels que Ingersheim, Bennwihr, Mittelwihr, etc, et ce à partir de novembre 1944 jusqu’au début janvier 1945. Là, en une matinée, tout le monde a du déguerpir pour permettre au QG allemand de s’y installer. Il y resta jusqu’au 2 février 1945, jour de la Libération de Wintzenheim.
13 janvier 1945.
Le danger semble s’être quelque peu éloigné de Strasbourg. La ligne de défense sud est désormais sur l’Ill. Le général Leclerc écrit au général Garbay, commandant la Iere division française libre, pour le féliciter : « En somme, la 1ere DFL aura probablement sauvé Strasbourg après que la 2e DB l’a prise ».
Pourtant, depuis la tête de pont de Gambsheim, solidement renforcée, s’ébauche une forte attaque vers l’ouest. Des éléments de la 10e division SS de Panzers ont traversé le Rhin.
En Alsace du Nord, l’opération Nordwind se prolonge, mais les Américains semblent désormais contenir l’assaut. A Hatten et Rittershoffen, la situation est bloquée et l’on se bat maison par maison.
Autour de la poche de Colmar, la Iere armée échafaude de nouveaux plans, consciente du risque grave que constitue la présence de la puissante XIXe armée allemande au centre de l’Alsace. De Lattre a demandé des renforts au général Devers.
14 janvier 1945.
Sur le front nord de l’Alsace, il y a guère comme unités française que la 3e division d’infanterie algérienne (3e DIA) du général Guillaume. La majeure partie de ce secteur est tenue par des troupes américaines, qui, tout au long de ces dernières semaines, ont été à la peine.
Ainsi la 14e Armored Divison (blindée US) qui a été durement éprouvée par les combats sanglants de Hatten et de Rittershoffen. Toujours rattaché au VIe corps d’armée US du général Devers, cette unité se refait une santé dans les environ de Wilwisheim, Saessolsheim et Furchhausen (entre Strasbourg et Saverne, important centre arrière US): l’on répare les chars et les véhicules qui en ont bien besoin; de nouvelles recrues viennent remplacer les morts et blessés. Et l’on s’entraîne dur. Un Combat Command participe à la prise d’Oberhoffen.
15 janvier 1945.
La ville la plus septentrionale d’Alsace est aussi celle qui connaît depuis quelques semaines le destin le plus tragique: Wissembourg a été occupé une première fois par l’armée du 3e Reich en 1940; elle a été libérée le 16 décembre par les Américains et vient le 4 janvier, d’être à nouveau occupée par les Allemands.
L’on imagine la situation morale et matérielle des habitants de Wissembourg, tant ceux qui se sont enfuis le 3 janvier après le départ précipité des Américains que ceux qui, vaille que vaille, sont testés.
16 janvier 1945.
Une partie de la 21e Panzer-Division, totalement épuisée, est remplacée par la Fallschirmjägereinheit (unité parachutiste). Ses combattants, à l’aide de lance-flammes, tentent en vain de repousser les Américains hors de Rittershoffen.
16 janvier 1945.
Les « chasseurs alpins » allemands (6e SS Gebirgs Division) ont réussi à encercler cinq compagnies (500 hommes) du 157e régiment d’infanterie américaine sur les hauteurs au nord-est de Reipertswiller. Les tentatives pour rompre cet encerclement ont pour l’instant échoué. Dans le secteur de Hatten-Rittershoffen, une nouvelle journée de terribles combats n’a guère modifié les positions.
Dans la tête de pont de Gambsheim, deux groupements tactiques de blindés américains ont attaqué vers Offendorf, désormais poste de commandement de la 10e division de Panzers. Mais ils ont été repoussés et ont subi de lourdes pertes. De même, la 3e division d’infanterie algérienne n’a pas réussi à avancer vers Gambsheim.
Le risque est désormais celui d’une jonction entre les forces allemandes au sud de Wissembourg et celles de la tête de pont de Gambsheim. En revanche, le front est stabilisé au sud de Strasbourg sur la ligne de défense de l’Ill.
17 janvier 1945.
Une nouvelle tentative des Alliés pour ravitailler et dégager les cinq compagnies du 157e régiment d’infanterie américaine, encerclées au nord-est de Reipertswiller, a échoué. La zone est pilonnée par l’artillerie allemande : Niederbronn-les-Bains, Wildenguth, Rothbach, Zinswiller ont notamment été touchés. A Hatten et Rittershoffen, sous la neige, les Américains ont tenté deux contre-attaques avec le 315e régiment d’infanterie et le groupement tactique de la 14e division blindée, sans succès et avec de lourdes pertes.
Dans la tête de pont de Gambsheim, la 12e division blindée américaine a beaucoup souffert en tentant de libérer Herrlisheim où deux bataillons ont été capturés par la 10e SS Panzer Division.
Le général américain Devers a avancé la date de l’attaque sur la poche de Colmar : elle est désormais fixée au 20 janvier. Le général de Lattre est contrarié : il espérait avoir jusqu’au 22 pour approvisionner ses troupes, notamment en carburant.
18 janvier 1945.
Le piège s’est refermé autour des cinq compagnies du 157e régiment d’infanterie américaine près de Reipertswiller. Le commandant du régiment, le colonel Walter P. O’Brien, a informé sa division (la 45e DI) que la situation est désespérée.
A Hatten et Rittershoffen, des civils ont fui, profitant d’une nuit relativement calme, avant que l’artillerie américaine ne se déchaîne sur les lignes allemandes. Mais l’attaque qui suit ce pilonnage a été elle-même bloquée par l’artillerie allemande.
L’attaque de la poche de Colmar se prépare : comme en novembre, la Iere armée commence par une campagne d’intoxication. Elle tente de faire croire au départ de la 1ere division blindée vers le nord et à une permission du général Béthouart, commandant le 1er corps d’armée.
19 janvier 1945.
Les troupes allemandes avancent de Solingen vers le Rhin, jusqu’à Roeschwog et Sessenheim, mais ne peuvent soulager les Allemands à Hatten et Rittershoffen.
19 janvier 1945.
L’infanterie américaine a, une nouvelle fois, échoué à dégager les cinq compagnies de son 157e régiment d’infanterie encerclées au nord-est de Reipertswiller. Malgré l’aide du 179e RI et l’appui de blindés, l’étau allemand n’a pu être desserré.
A Hatten et Rittershoffen, de nouvelles attaques américaines, depuis Leiterswiller, ont échoué. Le général allemand Blaskowitz, présent dans le secteur, a confirmé que l’objectif était désormais de faire la jonction avec la tête de pont de Gambsheim, plus au sud. La 21e Panzer Division et la 25e Panzergrenadier Division s’y préparent. Dans la tête de pont elle-même, les forces allemandes poussent vers l’ouest : Sessenheim et Drusenheim sont prises. Mais l’aviation alliée réussit à contenir la 10e SS Panzer Division, qui tente d’avancer vers Strasbourg.
20 janvier 1945.
Le 6e corps américain est obligé de se retirer de Hatten et de Rittershoffen, et de retraiter sur la Moder près de Haguenau. Les difficiles affrontements et les revers subis à Hatten et Rittershoffen en sont la raison, mais aussi le danger d’un éventuel encerclement par les Allemands pouvant déboucher par la tête de pont établie plus au sud, près de Sessenheim en direction de Haguenau.
20 janvier 1945.
le 1er corps d’armée repart à l’attaque entre Thann et Mulhouse, avec deux divisions marocaines, la division coloniale et la 1re DB dans des conditions atmosphériques épouvantables (tempêtes de neige, verglas, thermomètre descendant jusqu’à – 30°). Des combats acharnés se déroulent dans la neige, au milieu des champs de mines, face à des contre-attaques allemandes appuyées par des chars lourds. L’ardeur et l’opiniâtreté des troupes d’Afrique finissent par l’emporter.
Le 20 janvier 1945. Les 1e et 2e Brigades (de la 13e Demie Brigade de Légion Étrangère) sont en place au sud de Sélestat. Elles ont pour mission de couvrir le flanc nord de la 3e DIUS chargée d’ouvrir la route à la 5e DB. Inversement, les Allemands fourniront leur effort principal contre la 1e DFL.
Il s’agit pour eux, dans un premier temps, de bloquer l’offensive de la 1e Armée en conservant le môle de résistance des bois au sud de Sélestat, puis, dans un deuxième temps, d’empêcher cette offensive alliée de couper en deux la « poche de Colmar ». Leur action visera à gagner le temps nécessaire à l’évacuation des troupes allemandes de la partie nord.
20 janvier 1945.
Illzach est libéré. En novembre 1944, les troupes françaises libèrent Mulhouse et Modenheim mais les Allemands se replient sur Illzach et leur résistance s’y concentre. Durant quatre semaines, le village fut soumis à des bombardements terrestres continuels. Des civils sont tués. Mi- novembre, les habitants sont évacués vers d’autres villages.
20 janvier 1945.
Libération de Lutterbach. A partir du 22 novembre 1944 et durant 9 semaines, les habitants se trouvent alors littéralement pris entre deux feux. Prés de 1800 d’entre eux se réfugient dans les caves voûtées de la brasserie où ils survivent dans des conditions atroces jusqu’à la Libération par la Première Armée Française.
20 janvier 1945.
L’état-major du général de Lattre annonce dans un communiqué la prise de Pfastatt à 16 heures par le 1er bataillon du 23e R.I.C. Avec nous se trouvaient des chars de la 1 ère D.8., les pionniers du génie qui ont établi le pont dans de très mauvaises conditions, sans oublier les artilleurs et surtout notre remarquable service de santé.
20 janvier 1945.
La Libération PFASTATT A l’aube du 20 janvier 1945, la 1ère compagnie du 23e est rassemblée dans un hangar de la gare du Nord de Mulhouse. Dehors, il fait très froid, le sol est gelé et enneigé. La veille une messe dite par le Père Laudrin, aumônier divisionnaire, avec absolution collective, ne présage rien de bon. Nous sommes là, anxieux, attendant la fin du déluge de fer et de feu. Le tir de l’artillerie est intense. Avec ce qu’ils leur balancent, il ne doit pas rester grand-chose en face.
Je suis tireur au fusil-mitrailleur du 3e groupe de la 3e section commandée par un jeune aspirant (certainement l’aspirant Vallon qui repose au cimetière des ValIons). Il vient de remplacer l’adjudant-chef Marty, blessé la veille au cours d’une reconnaissance sur la Doller.
Notre objectif principal est la prise de la «maison verte», fortement tenue, protégée par un glacis de 40 à 50 mètres. Il y a aussi, entre eux et nous, la Doller, petite rivière peu profonde et qui doit se traverser facilement. D’ailleurs, pour ne pas nous mouiller les pieds, on nous a doté de bottines «waterproof», très efficaces jusqu’aux genoux, mais pas au-dessus, ce qui est très désagréable. La rivière est en crue.
Le fond très inégal nous fait trébucher dans l’eau glacée. La présence dans notre groupe de J.-F. Chiappe va nous valoir l’attribution d’un lance-flammes. Dès le passage de la rivière, la bataille fait rage. La progression semble impossible. En tentant de franchir la berge, le sergent Martin qui commande le 2e groupe est tué avec deux de ses hommes, Defaut et Noblot. Le lance-flammes ne peut être utilisé. J.-F. C et E.V. sont grièvement blessés. A trois ou quatre, nous parvenons à franchir la berge, mais nous sommes stoppés. Allongés dans la neige, nous ripostons vivement. L. et B. qui tentent de nous rejoindre sont blessés à leur tour. Notre situation est très périlleuse et nous ne pouvons rester là. Avec Albert Ludwig nous fonçons sur la maison verte. On passe… objectif atteint. Les défenseurs se rendent, mais la bataille n’est pas finie pour autant… Les copains de la 1 ère section, emmenés par René Hugues et Calfusis nous rejoignent. D’autres n’y parviendront jamais. Le lieutenant Feyler a été blessé au début de l’attaque. Giberti se fera tuer à moins de cinq mètres de nous. Un peu plus tard, au cours de la progression vers le château, le sergent-chef Guede, un grand ancien, tombe à son tour et nous aurons la tristesse de retrouver le corps de notre copain Philippe de la 2e section qui a sauté sur une mine anti-char. Mais cela est l’histoire de la 2e section commandée par le lieutenant Leloup, Père blanc venu d’Afrique, qui sera tué quelques jours plus tard à Meyershof.
L’état-major du général de Lattre annonce dans un communiqué la prise de Pfastatt à 16 heures par le 1er bataillon du 23e R.I.C. Avec nous se trouvaient des chars de la 1 ère D.8., les pionniers du génie qui ont établi le pont dans de très mauvaises conditions, sans oublier les artilleurs et surtout notre remarquable service de santé.
Ce jour-là, ma première compagnie s’est battue… La prise de Pfastatt aura coûté la perte d’une soixantaine d’hommes dont dix morts.
Le capitaine Escard, très éprouvé, sera remplacé par le lieutenant Agostini… La campagne d’Alsace n’est pas finie. Ma pensée va vers mes copains de la 3e section qui tomberont à leur tour. Coste, Lermonier et Brumand qui, grièvement blessé, ne s’en remettra jamais et décédera quelques années plus tard. Nulle part, dans les livres relatant l’histoire de notre division, on trouve trace de la prise de Pfastatt ou plus exactement du rôle joué par la 1 ère compagnie. Voilà qui est fait…
Témoignage de René Ruchon,
Tireur au fusil mitrailleur du 3e groupe de la 3e section de la 1ère compagnie du I/23e R.l.C.
20 janvier 1945.
Les Alliés sont depuis deux mois en Alsace. Mais la région est loin d’être libérée. Deux grandes zones sont toujours sous la botte de l’armée allemande : l’Alsace du Nord au delà de la Moder, et la poche de Colmar. En forme de poire allongée, elle a son sommet au sud d’Erstein, sa base au nord de Mulhouse, ses flancs sur le Rhin et les Vosges.
Au nord, la contre-offensive allemande Nordwind est en bout de course. Elle s’épuise après les terribles combats de Herrlisheim et de Hatten-Rittershoffen, notamment. Mais elle a forcé la VIIe armée américaine à se replier sur la Moder. Au centre, la poche de Colmar, où la XIXe armée allemande a été considérablement renforcée, n’est pas seulement un bastion défensif : c’est de là que sont parties plusieurs attaques dangereuses sur Strasbourg début janvier.
185 km de front
Pour les Alliés, réduire la poche de Colmar est devenue une priorité, pour protéger Strasbourg, ville-symbole, pour raccourcir le front qui pour l’instant contourne la poche par les Vosges, et, à terme, pour entrer sur le territoire allemand. L’homme-clef, c’est le général de Lattre de Tassigny. Le commandant de la Iere armée française, qui inclut des troupes américaines, est le maître d’œuvre des opérations. Il lui faut réussir en janvier-février ce qui a été raté en novembre-décembre.
Sur le papier, les forces semblent équilibrées. Sur un front de 185 kilomètres, la XIXe armée allemande du général Rasp a huit divisions, la Iere armée aussi. Mais l’état des troupes n’est pas le même : les Alliés ont plus d’effectifs et trois divisions blindées, contre une côté allemand. Surtout, ils peuvent compter sur des renforts en cours d’opération (ce sera le cas avec l’arrivée du 21e corps US). Pour le reste, il est clair qu’en plein hiver (et celui-ci est rigoureux), celui qui a pu préparer sa défense et s’abriter a un avantage sur celui qui attaque.
Le plan de de Lattre est celui, classique, de la tenaille : ses deux corps d’armée attaqueront, l’un au sud, l’autre au nord, et essaieront d’entourer la poche en refermant leur dispositif le long du Rhin, à l’est de Colmar. La jonction devrait se faire vers Neuf-Brisach. Cela éviterait des combats dans Colmar.
Une attaque en tenaille
Le 1er corps attaque en effet le 20 janvier, au sud, piétine devant Cernay, avance lentement dans le bassin Potassique, prend Vieux-Thann le 28, mène une attaque blindée sur Ensisheim dans les premiers jours de février. Le 2e corps, lui, attaque le 22 janvier au soir vers Saint-Hippolyte, Guémar et Ostheim, mène pendant une semaine une très rude bataille à Jebsheim puis Grussenheim.
A Ribeauvillé, le 24, de Lattre réclame au général Devers de l’infanterie supplémentaire. Le 25, celui-ci lui accorde le 21e corps d’armée US qui intervient au nord, avec le 2e CA. Les opérations s’accélèrent alors : le dégagement de la route de Neuf-Brisach permet à la 28e division d’infanterie américaine de se diriger vers Colmar au nord. Mais elle laisse, avec noblesse, les éléments de la 5e division blindée française entrer les premiers dans la ville le 2 février.
La XIXe armée s’échappe
La jonction se réalise le 5 février, avant que ne soient libérés Vogelgrun, Neuf-Brisach et Chalampé, pendant que dans les Vosges les forces allemandes sont disloquées. Mais entre temps, la XIXe armée a « sauvé les meubles », en l’occurrence 50 000 hommes, 60 chars et 500 canons qui ont pu s’échapper outre-Rhin. Le 9 février, quand explose le pont de Chalampé, il n’y a plus un soldat allemand libre dans l’ancienne poche de Colmar.
Le 10 février, le général de Gaulle est acclamé à Mulhouse et Colmar, puis à Strasbourg le 11. Mais il faudra encore quarante jours pour libérer l’Alsace du Nord.
21 janvier 1945.
Hier pendant que le 1er corps d’armée lançait, dans des condition difficile mais partiellement couronnées de succès (notamment dans la région mulhousienne), son offensive contre le sud de la poche de Colmar, que se passait-il donc au nord de Strasbourg ?
Dans le secteur des Vosges, entre Bitche et Saverne, à Reipertswiller, après avoir tenté une dernière fois en matinée de rompre l’encerclement de cinq compagnies du 157e régiment d’infanterie US, la 45e infantry Division Américaine ordonne le repli. Les assiégés de Reipertswiller tentent une ultime et sanglante percée. 400 GI’s dont une vingtaine d’officiers sont fait prisonniers.
A Hatten, c’est quasiment terminé aussi, mais différemment. Les Américain s’attendaient à une attaque qui n’est pas venue. Ils ont alors, avec une cinquantaine de chars, poussé jusqu’à Rittershoffen. Durs combat encore, mais le cœur n’y est plus: rencontrant dans la nuit une patrouille allemande, une patrouille US s’abstient de tirer et se retire.
Acte prémonitoire: aujourd’hui vers 11h, les troupes US quittent Hatten et Rittershoffen. Le brouillard et la neige leur permettent de procéder à cette évacuation en toute discrétion. Les Allemands s’empressent d’occuper les deux villages et en reste là.
La tournée des popotes. De Lattre remonte le moral de Bétouart et (avec lui) s’en va faire la tournée des popotes en pleine nuit. A Mulhouse, Molière et Salan (9e division d’infanterie coloniale) ainsi que Sudre (1re DB) n’ont pas d’états d’âmes: c’est dur mais leurs coloniaux et leurs chars passeront. Ensuite direction Soppe-le-Bas, PC de la 2e division d’infanterie marocaine (2e DIM): il faut plus de trois heures, les conditions climatiques et l’état des routes aidant, pour y arriver. Carpentier et son état-major de la 2e DIM sont là; le général Hesdin, commandant le 4e division marocaine de montagne (4DMM), aussi <<qui reste solide>> (de Lattre dixit). Moment dramatiques: c’est là que les soldats ont le plus souffert et leurs chefs demandent une pause. De Lattre relève les énergies, persuade, commande.
21 janvier 1945.
Libération de Kilstett
21 janvier 1945.
L’attaque du 1er corps d’armée au sud de la poche de Colmar s’est heurtée à de sérieuses difficultés : outre la météo, qui s’est aggravée, la résistance allemande s’est montrée très solide. La 4e division marocaine de montagne est bloquée sur l’aile gauche, la 2e division d’infanterie marocaine doit reculer sur la route Thann-Mulhouse, la 9e division d’infanterie coloniale subit des contre-attaques à Kingersheim. En fin de journée, le général Béthouart (1er corps) dit son inquiétude au général de Lattre. Le commandant de la Iere armée tente de le remettre en confiance. Il ira dans la nuit aux PC de Mulhouse (9e DIC et 1ere DB), de Soppe-le-Bas (2e DIM) et de Masevaux (4e DMM) galvaniser ses officiers.
Au nord, les troupes américaines poursuivent leur repli sur la Moder, à l’affolement des populations civiles. Beaucoup de villageois fuient sur les routes, paniqués du retour des forces allemandes. Hatten et Rittershoffen, en ruines, sont abandonnés et immédiatement réoccupés
De la tête de pont de Gambsheim a démarré une attaque sur Kilstett : le 39e Panzerkorps a encerclé la commune que tient le 3e régiment de tirailleurs algériens.
21 janvier 1945.
Les Américains se replient sur la Moder, les Allemands avancent vers Haguenau. Le 22 la bataille de Hatten – Rittershoffen est terminée : elle a laissé un champ de ruines et de désolation. Sur les 360 maisons que comptait Hatten, seules 30 sont réparables ! Il y a près de 1 500 morts et blessés dans chaque camp. La population paie également un très lourd tribut : 83 morts à Hatten, 31 à Rittershoffen, sans compter les blessés et handicapés à vie.
Hier soir, Kilstett était inverti par deux bataillons allemands. A quelques kilomètre de la capitale alsacienne se joue une fois de plus le sort de Strasbourg et c’est de la capacité à résister de 3e régiment de tirailleurs algérien (3e RTA) que tout dépend.
Aussi avec plus d’énergie et de courage que jamais, légionnaires tirailleurs, équipages de chars, forcent la barrière du GT Langlade atteignent le passage à niveau nord de Kilstett, poussent vers Gamsheim. L’infanterie française parvient aux premières maisons du village. Alors, dans un dernier sursaut de volonté, les survivants du 3e bataillon font éclater la ceinture ennemie se ruent sur les assaillants! surpris par la violence de cette réaction, pris à leur tour entre deux feux, les bataillons Schmidt et Treutler sont décimés.
22 janvier 1945.
En soirée a commencé la seconde phase de l’attaque vers Colmar, cette fois-ci au nord de la poche. Le 2e corps d’armée du général de Monsabert, qui s’est vu refuser des renforts, a ouvert son attaque avec la 3e division d’infanterie américaine. Partis de Bergheim, deux de ses régiments ont traversé la Fecht.
Au sud de la poche, le 1er corps d’armée a un peu modifié son dispositif : c’est la 2e division d’infanterie de montagne qui attaque vers Reiningue, libérée dans la nuit. Une contre-attaque allemande sur Kingersheim est stoppée.
Dans la tête de pont de Gambsheim s’est déroulée une bataille-clef à Kilstett. Les grenadiers allemands ont occupé une partie du village tenu héroïquement par le 3e régiment de tirailleurs algériens. Alertée dans la nuit, la 2e division blindée française a envoyé un groupe de combat depuis Obernai. Épaulés par des chasseurs-bombardiers alliés, ces blindés ont atteint Kilstett et fait 350 prisonniers, écartant ainsi une nouvelle menace sur Strasbourg.
Avec le repli américain sur la Moder, les Allemands réoccupent progressivement les villages abandonnés en Alsace du Nord. Haguenau s’inquiète : des troupes allemandes se sont regroupées au nord de la ville bombardée par des mortiers. Les Américains ont fait sauter les ponts sur la Moder.
22 janvier 1945.
Libération de Reiningue
22 janvier 1945.
Date de la libération de la commune de Ostheim par la 3e division d’infanterie américaine. « Jusqu’à vers Noël nous étions dans les caves. Les Américains avaient pratiquement des horaires fixes pour bombarder. Mais pas toujours. On n’avait ni l’eau courante, on ne pouvait pas se laver, ni faire de feu. Pas d’alimentation adéquate. Ce que les Américains n’avaient pas bombardé, les Allemands l’incendiaient ».
22 janvier 1945.
A la suite du retrait des Américains, ordre fut donné à la 25e Panzergrenadier-Division de les poursuivre vers Betschdorf en passant par la forêt de Haguenau, jusqu’à la rivière Moder.
22 janvier 1945 .
Les allemands décrocheront définitivement du Rhin. Le cauchemar est terminé, sauf pour ceux qui ont perdu des êtres chers ou qui devront passer sous les fourches caudines de la suspicion ou de l’épuration. La ville mettra du temps à panser toutes ses plaie. Strasbourg meurtrie, va réapprendre à vivre.
23 janvier 1945.
Libération de Illhaeusern
23 janvier 1945.
Libération de Retzwiller, lors de la deuxième guerre mondiale, plusieurs habitants furent fusillés pour avoir fait partie du groupe de « l’affaire de Ballersdorf ».
23 janvier 1945.
Libération de Ostheim
23 janvier 1945. Le 2e corps d’armée, au nord de la poche de Colmar, a développé son attaque commencée la veille : les deux régiments d’infanterie américaine qui ont passé la Fecht ont progressé. Le 30e RI a atteint et franchi l’Ill au pont de Maison-Rouge, mais une contre-attaque allemande l’a coupé de sa tête de pont, et l’ouvrage s’est effondré au passage des blindés. Le 7e RI est entré dans Ostheim, suivi du 254e RI qui a avancé jusqu’à la Weiss. La 1ere division française libre a atteint l’Ill et libéré Illhauersen.
Au sud de la poche, le front n’a guère bougé. Rischwiller a été pris par les Alliés. Le général de Lattre a transféré son PC de Montbéliard à Rothau, dans la vallée de la Bruche.
Au nord de l’Alsace, la menace se précise sur Haguenau. La 10e SS Panzer Division se regroupe. La 25e Panzergrenadier Division traverse la forêt de Haguenau ; son PC s’installe à Drusenheim, dont les civils restant ont été évacués outre-Rhin.
23 janvier 1945.
la 1e DFL attaque. La 2e Brigade (de la 13e Demie Brigade de Légion Étrangère) traversant les terrains inondés ou couverts de neige, parsemés de mines indétectables, franchit en canot l’Ill et toutes les rivières glacées qui coulent perpendiculairement à la direction de l’assaut. Vers le milieu de la nuit, le bois de l’Illwald est conquis.
De son côté, le 1/13 s’empare en un coup de main à l’aube d’Illhausern, faisant quatre-vingts prisonniers, mais il ne peut déboucher sur Elsenheim.
Quatre jours durant, les deux brigades attaquent, subissant des pertes et ne pouvant déboucher. Les 2/13 et 3/13, jour après jour, s’épuisent face à un ennemi tenace dont les postes de combat sous rondins abritent les armes automatiques ou des chars puissants.
24 janvier 1945.
Journée chaude pour Haguenau. La 10e SS Panzer-Division a attaqué en direction de Bischwiller et du camp militaire d’Oberhoffen, près duquel se sont déroulés de violents combats. Une tête de pont allemande a été établie en fin de journée entre Schweighouse-sur-Moder et Neubourg, au sud de la Moder.
Dans la poche de Colmar, dans la zone du 1er corps d’armée, la 2e division d’infanterie marocaine a attaqué en direction de Wittelsheim, tandis que la 9e division d’infanterie coloniale a repoussé une contre-attaque. Dans le secteur du 2e corps d’armée, la défense allemande s’est renforcée ; le 7e régiment d’infanterie US a cependant réussi à prendre un pont sur la Fecht. Dans la soirée, le général de Lattre, en réunion à son PC de Ribeauvillé avec le général américain Barr, chef d’état-major du général Devers, a lancé un défi : si le 21e corps d’armée US lui est donné en renfort, il promet de réduire la poche de Colmar avant le 10 février.
25 janvier 1945.
Tard dans la soirée, le Führer a ordonné l’arrêt de la contre-offensive Nordwind en Alsace du Nord. Il a renoncé aussi à l’opération programmée sur Metz, Zahnarzt. L’explication est accessible à tous : les DNA annonçaient le matin même que « les Russes ont atteint l’Oder sur un front de 60 km ». Les meilleures unités allemandes présentes en Alsace vont être rapidement envoyées sur le front Est.
La Iere armée française a poursuivi son offensive contre la poche de Colmar. Le 1er corps d’armée a progressé dans le bassin potassique, le 2e corps d’armée se bat sur l’Ill, et rencontre de sérieuses résistances, notamment à Jebsheim. Mais le général de Lattre a reçu une bonne nouvelle : le 21e corps américain est mis sous ses ordres, comme il le demandait, et le général Milburn, qui le commande, s’est présenté à son PC de Barembach, près de Schirmeck, dans la matinée.
25 janvier 1945.
A 23 heures, le téléphone du poste de commandement (Gefechtsstand) de cette Division retentit :
Bien que cet endroit de la Moder fût très bien défendu contre les attaques américaines, Hitler ordonna, à l’étonnement de tous:
– de se dégager de la tête de pont
– de s’éloigner de l’ennemi,
– de se retirer de l’Alsace.
Quelle était la cause de l’arrêt de l’opération » Nordwind » :
L’avancement des armées soviétiques sur la ligne d’arrêt de la rivière Weichsel obligea le haut commandement de retirer, sans plus attendre, les meilleures forces du front ouest afin de les lancer sur le front est où le danger se faisait de plus en plus menaçant.
C’est ainsi que la 25e Panzergrenadier-Division recula sur Wissembourg, puis se dirigea sur Germersheim, pour embarquer à bord de trains en partance pour Kustrin an der Oder.
On peut se douter de l’état de désabusement des unités et des soldats allemands qui furent impliqués dans les combats souvent endurés dans la glace et la neige, et qui avaient fait reculer l’adversaire en direction de Strasbourg. Tous leurs efforts furent anéantis d’un seul coup.
Comme l’offensive des Ardennes, l’opération Nordwind échoua également.
Les buts de l’opération, soit la coupure de la 7e armée américaine et la reprise de Strasbourg ne furent même pas partiellement atteints.
A la fin du mois de mars, les alliés atteignirent le Rhin et le traversèrent à Remagen et à Oppenheim.
26 janvier 1945.
Au nord de la poche de Colmar, le 2e corps d’armée a, semble-t-il, débloqué, la situation : l’Ill a été franchi en plusieurs points et la 5e division blindée se dirige vers Neuf-Brisach, tandis que la 3e division d’infanterie US a pris Riedwihr et combat encore à Jebsheim – clef de défense du canal du Rhône-au-Rhin. Au sud, le 1er corps d’armée, pris dans une tempête de neige et manquant de munitions, a maintenu ses positions dans le bassin potassique.
Sur la Moder, la pression allemande s’est relâchée. La 25e Panzergrenadier-Division s’est repliée et se prépare à quitter l’Alsace. En face, les Américains se sont réorganisés : la 101e Airborne Division, prestigieuse division parachutiste, dont l’état-major s’est installé à Hochfelden, a pris position entre Dauendorf et Schweighouse, entre les 103e et 79e divisions d’infanterie.
Au coeur de la nuit, une attaque allemande sur Kilstett, au nord de Strasbourg, a été bloquée par le 3e régiment de tirailleurs algériens et deux escadrons de la Garde républicaine.
27 janvier 1945.
Au matin, les blindés amis attaquent de flanc le bois d’Elsenheim, permettent enfin au 3/13 de déboucher. Les 1e et 2e Brigades arrivent sur la Blind et le 28 janvier la bataille atteint son point culminant. Sous la protection du 1/13, le Bataillon du Génie jette un pont, sous le feu, sur la Blind.
Nos unités résistent (La 13e Demie Brigade de Légion Etrangère) encore à trois journées de violentes contre-attaques allemandes et le 31 janvier, face au nord, notre ligne avancée est jalonnée par les villages d’Heidelsheim, Ohnenheim, Marckolsheim. Le 1e RFM et le 8e RCA tendent la main à la 2e DB vers Sundhouse L’exploitation commence. Au soir du 11 février, la DFL est au bord du Rhin sur tout son front.
Sur les 5 400 pertes de la Division pendant ce mois de janvier, les formations de Légion comptent pour un total de 1 036. C’est donc une Division saignée à blanc qui est venue à bout d’un ennemi solidement organisé et bien décidé à se battre.
27 janvier 1945.
Les quartiers sud de Cernay ont enfin été atteints par la 4e division marocaine de montagne, dans le secteur du 1er corps d’armée. La 9e division d’infanterie coloniale, elle, a pris la filature de la cité Kuhmann.
Dans le secteur du 2e corps, le 30e régiment d’infanterie US, appuyant la 5e division blindée, a pris Holtzwihr et Wickerswihr et atteint le canal de Colmar.
A Jebsheim et à Grussenheim, des combats meurtriers ont commencé : le 254e régiment d’infanterie US est entré dans Jebsheim tandis que la 2e division blindée française a échoué devant Grussenheim, le chantier d’un pont flottant que tentait de lancer le génie sur le Blind ayant été attaqué à la mitrailleuse lourde.
Sur la Moder, le face-à-face entre Allemands et Américains est devenu une guerre de positions, avec de simples opérations de patrouilles. De part et d’autre on manque d’effectifs, de munitions, de carburant, d’autant plus, côté allemand, que la Ire armée doit céder des canons pour le front Est.
28 janvier 1945.
Dans le secteur du 2e corps d’armée, au nord de la poche de Colmar, des combats acharnés ont eu lieu à Jebsheim et Grussenheim. Le lieutenant colonel Putz a été tué lors d’un nouvelle attaque à la mitrailleuse lourde sur le chantier du pont sur la Blind. En fin de journée, Grussenheim est pris, mais les pertes sont très lourdes. A Jebsheim, les Américains du 254e régiment d’infanterie ont enfin investi tout le village.
Au sud de la poche de Colmar, le 1er corps d’armée est entré dans Vieux-Thann avec la 4e division marocaine de montagne.
La 103e division d’infanterie américaine, en Alsace du Nord, a mené avec succès un raid-éclair, avec 30 hommes, sur Rothbach pour vérifier la présence du 11e régiment de SS.
29 janvier 1945.
Le 21e corps d’armée américain s’est lancé dans l’offensive sur la poche de Colmar, en renfort et sous les ordres de la Iere armée française. Après une forte préparation d’artillerie, les unités d’assaut de deux régiments de la 3e division d’infanterie (7e et 15e) ont passé le canal de Colmar sur des canots pneumatiques, en fin de soirée. L’objectif est de passer derrière Colmar en direction de Neuf-Brisach et du Rhin.
Les forces allemandes ont tenté de récupérer Jebsheim et Grussenheim, sans succès, mais les pertes sont lourdes de part et d’autre. Au sud de la poche, Wittelsheim, objectif prioritaire, est pris en tenaille par les 4e et 8e régiments de tirailleurs marocains.
C’est désormais, au nord de la Moder où le front est stable, le SS-Oberstgruppenführer Paul Hausser qui commande la Heeresgruppe G, le groupe d’armées Oberrhein ayant été dissous.
30 janvier 1945.
Libération de Fortschwiller et Wihr-en-Plaine
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30 janvier 1945.
Le 21e corps d’armée américain a établi une solide tête de pont au delà du canal de Colmar : il frôle Andolsheim après avoir pris Fortschwiller et Wihr-en-Plaine, malgré les contre-attaques allemandes. Mais la route de Neuf-Brisach n’est pas encore dégagée, et les combats ont été rudes à l’est de Jebsheim.
Simultanément, la 2e division blindée, engagée depuis plusieurs jours dans la liquidation de la petite poche créée au nord de Sélestat, voit le fruit de ses efforts : les troupes allemandes commencent à décrocher.
Au sud de la poche, l’encerclement de Wittelsheim échoue, mais la 9e division d’infanterie coloniale a investi Wittenheim.
Les DNA (Dernières Nouvelles d’Alsace) reprennent avec prudence une dépêche de Stockholm : les Allemands auraient mis au point une bombe volante V-4 intercontinentale capable d’atteindre New-York.
31 janvier 1945.
La 3e division d’infanterie US (unité du 21e corps) a tenté d’amplifier sa tête de pont, au nord de la poche de Colmar, au-delà du canal : mais les 7e et 230e régiments d’infanterie US et la Combat Command 4 de la 5e division blindée française ont été bloqués à Horbourg, à l’est de Colmar, tandis que le CC 5 et les commandos de France du commandant d’Astier de la Vigerie sont pris dans des combats de rue à Durrenentzen.
Au sud de la poche, le général Béthouart a réorienté son dispositif : désormais, il veut porter l’effort du 1er corps d’armée en direction d’Ensisheim. Mission confiée à la 1ere division blindée, appuyée par la 9e division d’infanterie coloniale.
Au nord de Strasbourg, dans la nuit, le 142e régiment d’infanterie US attaque vers Oberhoffen, tenu par la 257e Volksgrenadier Division, et vers Drusenheim.
Février 1945
1er février 1945.
Libération de Marckolsheim et Artzenheim.
1 février 1945
Sur le front nord, les Allemands ont été repoussés au nord de la Moder. La 101e Airnborne division US a même mené dans la nuit une opération, baptisée Oscar, au nord de la rivière, vers Neubourg et Schweighouse. A 3 h du matin, 3 compagnies ont franchi l’eau, combattu pendant 2 heures, puis repassé la Moder avec 37 prisonniers, dont deux officiers.
La proche résiduelle au nord de Sélestat a été réduite : Marckolsheim et Artzenheim ont été libérés.
Au nord et à l’est de Colmar que les opérations se sont accélérées. Le 290e régiment d’infanterie US est dans Horbourg et Andolsheim, le 291e dans la forêt de Colmar. La pointe du 21e corps d’armée US n’est plus qu’à 3 kilomètres de Neuf-Brisach.
Le général de Lattre, inquiet d’éventuelles destructions à Colmar, décide d’attaquer Colmar avec la 28e division d’infanterie US et le Combat Command 4 de la 5e division blindée le lendemain.
2 février 1945.
Des élément du C.C.4 (5e D.B.) du général Schesser pénètrent dans Colmar enfin libérée. Libération de Wintzenheim,Alliés s’étaient emparés de Wintzenheim par surprise. Au lieu de déboucher de la vallée de Munster, où les Allemands les attendaient, ils vinrent avec leurs chars de Colmar et de Logelbach en coupant à travers les vignes. Le vignoble fut durement malmené par les nombreux blindés.
Enfin, le 2 février vers 16h15, les blindés français du sous-groupement A du lieutenant colonel du Breuil, appuyé par les combattants du sous-groupement B du commandant Préval* atteignirent les quartiers périphériques à l’Est du village et traversaient quelques minutes plus tard les rues de Wintzenheim sous les acclamations délirantes de la population. Une colonne de 20 chars Sherman, de chars de combat plus petits et d’auto-mitrailleuses, avait remporté la victoire. Ce fut un jour de liesse, car il marquait la fin d’une tragédie et des hostilités pour la population. L’accueil fait par la population aux libérateurs fut délirant, comme partout ailleurs. Dans la journée du même 2 février, des fonctionnaires de la préfecture, à Colmar, vinrent trouver M. Tannacher. Maire obligé par l’occupant de démissionner en 1940, il fut pressenti pour prendre derechef en main l’administration municipale. « Voulez-vous accepter à nouveau le poste de maire ? J’ai cherché mon écharpe de maire français, que j’avais conservée durant les années de l’occupation, et je m’en suis ceint ». L’accueil fait par la population aux libérateurs fut délirant, comme partout ailleurs. Dans la journée du même 2 février, des fonctionnaires de la préfecture, à Colmar, vinrent trouver M. Tannacher. Maire obligé par l’occupant de démissionner en 1940, il fut pressenti pour prendre derechef en main l’administration municipale. « Voulez-vous accepter à nouveau le poste de maire ? J’ai cherché mon écharpe de maire français, que j’avais conservée durant les années de l’occupation, et je m’en suis ceint ».
Ce fut par la suite une série incessante de fêtes et de cérémonies, au fur et à mesure du passage dans la cité de nouvelles unités de l’armée de la Libération. Après avoir assuré le redémarrage de l’administration française à Wintzenheim, le maire de la Libération se démit de ses fonctions lors des élections d’octobre 1945.
2 février 1945.
La libération de Colmar.
2 février 1945.
– Le C.C.4, par une » manœuvre de cavalerie « , libère Colmar où le Général de Gaulle entrera solennellement le 10 février. La 5ème D.B est citée à l’ordre de l’Armée.
2 au 6 février 1945.
Libération de la commune de Obersaasheim.
2 février 1945.
Colmar est libre. Le 109e régiment d’infanterie US a ouvert le terrain à l’aube par le nord, puis a laissé passer les chars du Combat Command 4 (groupement tactique) de la 5e division blindée française (Schlesser). Le groupement Le Préval était dans la place en fin de matinée, suivi des groupements Chambost et du Breuil. Eguisheim, Wettolsheim, Wintzenheim sont aussi libérés.
Parallèlement, les forces américaines ont approché de Neuf-Brisach et en menacent le pont. Une nouvelle bataille s’amorce : celle qui devrait empêcher les restes de la XIXe armée allemande de s’évader de la poche de Colmar par le pont de Chalampé, qu’ils tiennent solidement.
Pour cela, l’avancée du 1er corps d’armée au sud de la poche de Colmar semble bien lente pour boucler l’encerclement. De Lattre entend donc faire intervenir les 12e et 2e divisions blindées, la première vers Ensisheim, la seconde vers Chalampé.
3 février 1945.
Après la libération de Colmar, une course de vitesse s’est engagée pour éviter que la XIXe armée allemande ne réussisse à s’échapper du reste de la poche par le pont de Chalampé. Le 21e corps d’armée américain a donc lancé son 7e régiment d’infanterie sur Biesheim et le 75e dans la forêt de Colmar, tandis que les blindés du Combat Command 4 se sont approchés de Sainte-Croix-en-Plaine.
Au sud, le 1er corps d’armée a enfin réussi à rompre les résistances allemandes : il est désormais au bord de la Thur, de Cernay à Ensisheim, et au bord de l’Ill, d’Ensisheim à Mulhouse.
Sur les autres fronts, la 10e division d’infanterie et le régiment des Forces françaises de l’Intérieur de Franche-Comté sont intervenus dans les Vosges (au sud de la route des Crêtes), et plusieurs relèves ont été observées, côté américain et côté allemand, de part et d’autre de la Moder. On s’est battu à Oberhoffen, au sud-est de Haguenau.
13h TOUT EST POSSIBLE
La poussée par les bords de l’Ill vers Ensisheim? quelques gains péniblement acquis dans la forêt dominicale de Colmar par la 75e division d’infanterie US. Au pied des Vosges? la progression est plus satisfaisante. Peu avant midi, (le 112e RIUS qui appartient à une division d’élite, la 28e DIUS) descend d’Ammerschwiller ou de ce qu’il en reste, entre dans Turckheim, bloque la vallée de la Fecht, nettoie la petite poche d’Ingersheim.
Dans le même mouvement, le Combat Command 4 (5e DB) tient Obermorschwiller et atteint Saint-Croix-en-Plaine.
Mais c’est au sud de la poche de Colmar que les alliés engrangent les meilleurs résultats. Dopé par l’annonce de la prise de Colmar, le 1er corps d’armée commandé par Béthouart remporte partout des succès significatifs. La 2e division d’infanterie marocaine (2e DIM) atteint Wittelsheim et la cité de la Gare, progresse vers la cité Rossalmend et Pulversheim.
Bon résultats également pour la 9e division infanterie coloniale (9e DIC): le 23e RIC et un escadron du Combat Command 3 (1er DB) atteignent la route de Wittelsheim à Ensisheim centre. De son coté, le Combat Command1 (1re DB), parti de la cité Sainte-Barbe n’est plus qu’a deux kilomètres de la cité Sainte-Thérèse.Peu avant 13h, en possession de l’ensemble de ces information, de Lattre pense pouvoir réaliser aujourd’hui encore, la jonction nord-sud sur un axe Sainte-Croix-en-Plaine – Ensisheim. Il envoie par radio, ses instructions aus commandants d’armée et précise: <<Sitôt cette jonction faite, assurer solidement verrouillage débouchés Vosges et entamer vigoureusement débordement Hart et deuxième jonction sur direction Ensisheim – Neuf-Brisach.>>
Vers 16h le général Billotte, qui commande la 10e division d’infanterie sur le front des Vosges centrales, annonce un début de décrochage dans son secteur. Désormais, il va falloir essayer de couper la retraite des éléments ennemis situés à l’ouest de l’Ill.
Répondant à l’insistance de général de Lattre, le 1er corps d’armée améliore ses gains de la matinée. A 17h, les troupes françaises bordent la Thur de Wittelsheim à Rossalmend. Pluversheim est enlevé de même que la cité.
C’est plus dur devant Ensisheim, à la cité Sainte-Thérèse. Ce n’est qu’aux alentours de 22h que les <<coloniaux>> de la 9e DIC atteignent l’Ill, mais les Allemands ont fait sauter le pont. Et l’Ill est en crue… De leur côté, les Allemands se préoccupent surtout d’empêcher leurs unités à l’ouest de l’Ill d’être coupées du gros de la poche. Mais s’ils installent aujourd’hui leur PC avancé à Fessenheim, donc à onze kilomètres de Neuf-Brisach, cela signifie qu’ils renoncent aux ponts de Brisach pour acheminer à l’est de Rhin troupes en retraite et matériel. Ce sera donc Chalampé.
4 février 1945.
«Les Allemands vont-ils se replier sur la rive droite du Rhin ?» ont titré les DNA. De fait la jonction des alliés à l’est de l’ancienne poche de Colmar n’est toujours pas réalisée. Le dégel, qui grossit les cours d’eau, complique les opérations. Le 21e corps américain, au nord, est bloqué à Biesheim (3e régiment d’infanterie) et à Appenwihr (75e RI). Au sud de Colmar, la 12e division blindée américaine est arrêté près de Sundhoffen, Sainte-Croix-en-Plaine et Herrlisheim.
Au sud, en revanche, l’avance a repris, avec notamment une poussée spectaculaire de la 4e division marocaine de montagne qui libère Cernay, Soultz, Wattwiller, Guebwiller et une partie de Rouffach.
4 février 1945.
Soultz est libérée par les éléments de la 4e D.M.M. du Commandant Bastianiérée.
4 février 1945.
la 4e DMM tend la main à la 12e division américaine venant de Colmar. Tandis que le 2e corps d’armée « monte la garde sur le Rhin » le 1er corps d’armée court au Danube, qu’il atteint le 21 avril, dans la région de Tuttlingen..
4 février 1945.
Libération de Guebwiller, par un groupe de blindé du 4ème Régiment de Spahis Marocains. Puis libération Neuf-Brisach.
4 février 1945.
A 7 h 30,libération de Cernay alors que le curé Brendlen de Vieux-Thann célèbre la messe, les soldats français du 6e Régiment de Tirailleurs Marocains pénètre dans Cernay, alors que le 1er Régiment de Tirailleurs Algériens occupe la cité Baudry, pour rejoindre Steinbach, Uffholtz et Wattwiller. Heureux, Cernéens et Vieux-Thannois mêlés, sortent un à un dans les rues, pour faire la fête aux libérateurs…
4 février 1945.
Libération de Turckheim par le 112e Régiment d’Infanterie US de la 28e Division d’Infanterie commandée par le Général Cotta.
4 février 1945.
Ce matin-là, c’était le… 4 février ! Colmar avait été libérée deux jours avant, mais les habitants de Sundhoffen n’en savaient rien. « Plus tard, j’ai appris que des obus étaient tombés au nord de la commune. Au sud, à quelques centaines de mètres de là, personne ne le savait… ».
L’histoire est faite finalement des témoignages humains. Ceux qui n’ont pas vu tomber d’obus vous jureront que Sundhoffen n’a pas été bombardée. Ceux du nord affirmeront que la commune a été prise sous un feu d’artillerie d’enfer.
Le temps qu’il faisait
Exemple tout simple : le temps qu’il faisait le 2 février à Colmar. Certains affirment qu’il gelait à pierre fendre. Ce qui est contredit par les notes du général Schlesser (commandant du Combat Command N° 4) : lors de sa manœuvre de contournement de Colmar, dans la nuit du 1er au 2 février entre Sundhoffen et Ostheim, certains de ses chars se sont enlisés dans la boue du Ried. Renseignement pris auprès des archives de la météo (à l’Institut de physique du globe), il a fait effectivement très froid jusqu’à fin janvier, mais le redoux s’est ensuite installé.
Autre exemple : le 2 février a été retenu pour l’entrée officielle des troupes alliées dans Colmar. Or il est vraisemblable que quelques éclaireurs étaient déjà dans la ville dès la fin janvier. Un témoignage précis indique que des G I’s ont patrouillé le soir du 31 janvier rue du Ladhof et que deux d’entre eux ont passé la nuit dans les locaux de l’entreprise Sommereisen, rue des Belges, au nord de Colmar.
Détails ? « L’histoire est faite de ce genre de « détails » dont la découverte peut apporter un éclairage différent », commente Alfred Wahl. Et c’est tout le talent de l’historien que de savoir faire la part des choses entre le nez de Cléopâtre et l’avenir du monde…
L’historien: Alfred Wahl
5 février 1945.
Libération de Ste Croix en Plaine. Au cours de la seconde guerre mondiale, si les combats de la traversée du Rhin en juin 1940 épargnèrent l’agglomération, la bataille de décembre 1944 à février 1945 fut plus meurtrière. Après la libération de Colmar le 2 février, le Général de Lattre de Tassigny décida de réduire dans les plus brefs délais la poche de Colmar.Les bastions de la ligne de combat longue de 90 km et dans laquelle se trouvait Ste Croix en Plaine, sont enfoncés les uns après les autres, à la suite de combats meurtriers. L’ouragan de feu et de sang se rapprochera de la localité et y pénétrera. Le tribut payé pour sa libération fut assez lourd. Libération de Rouffach.
5 février 1945.
Dans la journée, la route des Crêtes est atteinte, par une section de la 2ème Cie (JANDEAU), malgré 2 mètres de neige, dans un terrain infesté de mines. Les 3ème et 1ère Cie occupent respectivement Sauvas, et le Griepkopf; la 2ème Cie attaque en direction de « Le Breitfirst » par la vallée du Runsche. Mais là aussi, la neige et les mines retardent la progression. La marche est très lente. Le chef POMMIES arrête la progression du 1er Bataillon qui se regroupe à Krüth.
Seul le groupe de commando poursuit sa marche. Après un raid audacieux et 14 heures de marche dans la montagne et la neige il atteint successivement le Lac de la Lauch, Niederlauchen, et Linthal dans la vallée de la Lauch, réalisant en ce point la liaison avec les troupes françaises qui descendaient la plaine d’Alsace.
Pendant ce temps, sous les ordres du Capitaine DOUMENC, les démineurs font sauter les mines antichars; le pont au Runsche est rétabli. La Campagne des Vosges est terminée.
A cette minute, le Corps Franc Pommiès terminait la mission qu’il s’était assignée :
participer à la libération totale de la France.
5 février 1945.
La jonction du 21e corps américain et du 1er corps d’armée français a été enfin réalisée à Rouffach. Ce sont les blindés de la 12e DB et les premiers éléments de la 4e division marocaine de montagne qui ont pu ainsi couper en deux la poche de Colmar. En revanche, l’avancée le long du Rhin, de nuit, a été plus pénible, malgré un puissant éclairage artificiel : la 3e divison d’infanterie US tente d’ouvrir la route à la 2e division blindée, et le 15e régiment d’infanterie a atteint Neuf-Brisach où les Allemands ont fait sauter les ponts (rail et route). Au sud, Ensisheim a été libéré par le 2e régiment d’infanterie coloniale
Au soir du 5 février, la XIXe armée allemande n’occupe plus qu’un rectangle de 35 km sur 20, mais dispose de trois passages pour sa retraite, à Balgau, Blodelsheim et Chalampé. En Alsace du Nord, on se bat toujours à Oberhoffen, entre la 257e Volks-Grenadier-Division et le 142e régiment d’infanterie américain. Dans les Vosges, les Alliés maîtrisent désormais la situation, ayant atteint Munster et au Ballon de Guebwiller.
5 février 1945.
<< Marseillaises et prise d’armes dans Colmar, et puis la jonction à Rouffach, dans une aube froide, par le mince fil d’homme en Kaki serrant la main à un autre homme en kaki, au centre du bourg désert >> : Claudine Chonez, correspondant de guerre, en quelques mots, dresse l’ecte de décès de la poche de Colmar.
Ainsi, à 7h du matin, le major Scott (Combat Command A de la 12e division blindée US, <<Armored Division>>) échange un vigoureux <<shake hand>> avec le colonel Deleuze (à la tête de 4e régiment de spahis marocain accompagné de tirailleurs de 1er RTM); cette poignée de main sanctionne la coupure de la poche de Colmar.
CHALAMPÉ SEUL…
Les spahis étaient sur place depuis la veille. Les Américains, au nord, ont lancé leur offensive dès 2 h le matin. Tout se complique désormais pour la XIXe armée allemande; d’autant plus que, partout, les alliés ont mis à profit la nuit pour progresser, en mettant à profit des techniques diverses.
La plus originale est sans conteste celle utilisée par le général US O’Daniel, commandant la 3e division d’infanterie US (3e DIUS). Celle-ci a pour mission de se glisser en pleine nuit entre Neuf-Brisach et le Rhin. De Lattre: <<J’avoue mon inquiétude à Milbrun: n’est-ce pas bien délicat?>>. <<J’ai ce qu’il faut>> interrompt O’Daniel, mytérieux et un rien fâché. Effectivement, sans être tout à fait Josué, capable de commander au soleil, O’Daniel est maître de la lune… Les puissants feux de projecteurs spéciaux reflétés par les nuages engendrent sur un front de trois kilomètres un clair de lune artificiel qui à minuit, permet au chef de la 3e DIUS de réaliser son plan… Sous les rayons de cet astre made in USA, l’opération se déroule méthodiquement.>>
Après la manufacture de tabac et la gare (à 4h), Volgelsheim (à 6h), la caserne Abbatucci et le bois Boulay sont enlevés.
Mais le fort Mortier résiste. Pendant ce temps, le 2e bataillon du 15e RIUS s’est infiltré jusqu’au Rhin mais les deux ponts, le routier et le ferroviaire, ont été détruits par les allemands. Il ne reste plus à l’ennemi, comme artère vitale, que le pont de Chalampé. Or la 2e DB est chargée de lui couper cet accès. Encore faut-il lui ouvrir la route tâche que doit, justement, remplir le 3e division d’infanterie US. En attendant, le groupe tactique Langlade (avec Massu) enlève Logelheim puis Hettenschlag.
Au sud de la furure ex-poche de Colmar, <<bien que ne disposant pas de clair de lune de commande>> (de Lattre dixit), Bétouart a activé son corps d’armée tout au long de la nuit du 4 au 5. A l’aube, le Command 3 de la 1re DB a traversé Ungersheim et occupe la rive gauche de l’Ill de Réguisheim à Oberentzen avec l’appui de la 2e division d’infanterie marocaine (2e DIM).
Le plus dur n’est pas loin et il est le lot de la 9e division d’infanterie coloniale (9e DIC). L’objectif est Ensisheim dont la date de libération avait, initialement, été fixée au… 1er février. Il faut franchir l’Ill.
<<Le général Mortière a choisi, pour point de franchissement de l’Ill, le coude qui fait saillie dans le bois de Réguisheim, couvert autorisant une mise en place relativement discrète des unités d’assauts>> (de Lattre)
La relativité de la discrétion se vérifie à la réaction de l’ennemi d’autant plus que les moyens de franchissement de l’Ill sont dérisoires (six canots et des radeaux de fortune). Les pertes française sont importantes. Finalement, à 22h30, le 2e régiment d’infanterie coloniale (2e RIC) pénètre dans Ensisheim. Les Allemands décrochent dans la nuit: à 6 h du matin, Ensisheim est entièrement libéré.
BAD KROTZINGEN A MINUIT
Le décrochage d’Ensisheim s’inscrit dans un mouvement d’ensemble de la XIXe armée allemande. Tout au long de la journée, les unités se sont repliées en direction de Rhin, même la 16e Voksgrenadier Division, basée dans la région de Munster, est arrivée, pour l’essentiel, à les rejoindre. Les Allemands passent sur la rive est du Rhin soit par bacs, soit par le pont de Chalampé malgré l’artillerie et les bombadements alliés.
Cela dit, le groupe d’armée (<<Heeresgruppe>>) croit pouvoir récupérer de grandes unités pour les injecter sur un autre front. Il ignore totalement leur état réel: pas moins de vingt bataillons d’infanterie ont dû être dissous en raison des pertes…
A 16h 45, la XIXe armée allemande envoie un télex au groupe d’armée; il comporte un calendrier d’évacuation dont le terme est la nuit du 9 au 10 février. A ce moment, la tête de pont en Alsace sera abandonnée.
Le télex, réceptionné à 18h, ne rencontre aucune objection. Les ordres sont donnés en conséquence. A minuit, le PC de la XIXe armée est installé à Bad-Krotzingen sur la rive est du Rhin, en Allemagne.
5 au 6 février 1945.
Libération de Volgelsheim, des bombardements causèrent la destruction de 20 maisons et en endommagèrent 80 autres.
6 février 1945.
Le 21e corps d’armée américain et le 1er corps d’armée français sont proches de faire leur jonction. Au nord, la 3e division d’infanterie a libéré Vogelgrun et stoppé devant Algolsheim ; le 30e régiment d’infanterie est entré dans Neuf-Brisach évacué par les Allemands, et le 28e division d’infanterie est arrivée au canal du Rhône-au-Rhin.
Au sud, pendant que le génie lance des ponts sur l’Ill pour laisser passer la 1ere division blindée, l’infanterie de la 2e division d’infanterie marocaine et la 9e division d’infanterie coloniale ont atteint Hirtzfelden et Munchhouse.
6 février 1945.
Libération de Sausheim, Le village fut beaucoup plus durement touché par la seconde guerre mondiale. Il fut détruit à 75 %. Libération d’ Ensisheim. Libération de Algolsheim par les alliés, après son bombardement qui causera de nombreux dégâts. Libération de Appenwihr. Libération de Weckolsheim
6 février 1945.
Le Rhin est occupé par les Français de COLMAR à BALE
7 février 1945.
Les blindés du Combat Command 3 (groupement tactique) de la 1ere division blindée ont franchi l’Ill à Ensisheim et se sont battus à hauteur du canal du Rhône-au-Rhin, appuyés par l’infanterie du 8e régiment de tirailleurs marocains qui a établi une tête de pont à la ferme de Schoefferhoff. Au nord, le 21e corps américain progresse : Heiteren, Balgau sont libérés, et le sous-groupement Massu de la 2e division blindée française suit.
Mais pendant ce temps, la XIXe armée allemande s’échappe par le pont de Chalampé malgré les bombardements de l’aviation alliée. 20 000 hommes, 16 blindés et 100 canons seraient passés rien qu’en ce jour outre-Rhin !
7 février 1945.
Le 1er Bataillon (du Corps Franc ) rejoint Cornimont à pied par le col d’Oderen. C’est le repos et les premières permissions.
8 février 1945.
Libération de Geiswasser.
8 février 1945.
Une prise d’armes est organisée sur la place Rapp (du nom d’un Général de Napoléon originaire de Colmar) en l’honneur du Général de Lattre de Tassigny et une autre le 10 en l’honneur du Général de Gaulle. L’escadron va couler quelques jours heureux et prendre un repos bien mérité. On parle même de permissions. Les premières pour la plupart d’entre nous. En attendant, les 7 chars(1RAC) qui nous restent sont parqués au quartier RAPP et on remet le matériel en état. Etant, d’une part, un de ceux qui avaient quitté la France depuis le plus longtemps ( près de 3 ans et demi ), et d’autre parte un de ceux qui habitent le plus loin, je suis un des premiers à partir pour une permission de 10 jours plus 4 jours de délais de route car il faut compter avec les difficultés de transport, les voies ferrées n’étant pas partout totalement remises en état. Raymond Lescastreyres
8 février 1945.
La jonction nord-sud a été bouclée autour de ce qui fut la poche de Colmar : le Combat Command 3 (groupement tactique) de la 1ere division blindée (1er corps d’armée) est entré au sud de Fessenheim. Au nord, arrivait le sous-groupement Gribius de la 2e division blindée, subordonnée alors au 21e corps d’armée américain. Les combats se sont poursuivis à l’ouest du Rhin et dans la forêt de la Hardt. Au soir, quatre communes sont encore tenues par les Allemands dans le Haut-Rhin : Rumersheim, Bantzenheim, Ottmarsheim et… Chalampé où le pont voit s’échapper les restes de la XIXe armée allemande, malgré un ordre contraire de Hitler.
Si le Haut-Rhin est désormais presqu’entièrement libéré, les combats continuent au nord. Oberhoffen, objet de combats acharnés, est en ruines. Les civils au nord de la Moder vivent dans des conditions très pénibles, avec les militaires allemands et le retour de la Gestapo.
9 février 1945.
A 8 h, les Allemands ont fait sauter le pont de Chalampé après le passage de leurs derniers soldats sur la rive droite du Rhin. Il n’y a plus de poche de Colmar. Le général de Lattre (1ere armée française), qui passe les troupes en revue à Colmar, lance un communiqué de victoire : « Les forces alliées de la Iere armée française bordent le fleuve sur toute l’étendue de leur secteur. Elles ont tenu la parole de Turenne : il ne doit pas y avoir d’homme de guerre au repos tant qu’il restera un Allemand en deçà du Rhin ».
Ce n’est qu’en partie vrai puisque le Nord de l’Alsace est toujours sous la botte allemande, dans la zone confiée à la VIIe armée américaine. Et qu’une rude bataille se poursuit à Oberhoffen.
Les Allemands, avant leur retraite, ont labouré les voies ferrées avec un engin spécial appelé » Schienenwolf » (loup ferroviaire), endommageant partiellement d’importantes sections de lignes comme à Montreux-Vieux.
9 février 1945.
Libération de Chalampé. Un témoignage:((Le Riedisheimois Gaston Wira, incorporé de force comme auxiliaire de la défense aérienne, a assisté à la libération de Chalampé le 9 février 1945.))« De septembre à novembre 1944, je faisais partie de la batterie de DCA allemande chargée de défendre les deux ponts de Chalampé. Après la percée de la 1re DB par Delle, Seppois et Bartenheim, nous nous sommes repliés sur la rive allemande du Rhin. De là, nous avons été mutés sous bonne garde en Tchécoslovaquie, puis à Leipzig. Le 16 janvier 1945, j’ai réussi à déserter avec deux camarades. Revenus à Fribourg, nous avons franchi le Rhin le 19 janvier. En 19 jours, mon périple m’a alors mené à pied de la fameuse « poche de Colmar » par Guebwiller jusqu’à Chalampé-le-Bas. » En faisant escale à Battenheim, le hasard lui a fait rencontrer la famille Charles Wolff de Chalampé. C’est par elle que le jeune homme a appris que la commune était évacuée et que la famille Arthur Hug se trouvait à Chalampé-le-Bas chez Joseph Fritschy ainsi que les familles Baumgartner, Henri Schirmer et le curé Kannengiesser. Les duels d’artillerie continuaient entre Sausheim, occupé par les Français, et Ensisheim encore allemande. « Sans le savoir, je me trouvais donc dans le Nomansland. Le lendemain, je marchais par la Hardt vers Munchhouse puis par Rumersheim vers Chalampé-le-Bas. C’est là que j’ai retrouvé mon ami Raymond Hug qui m’a accueilli avec les siens dans une maison sans confort et sans électricité, mais entourée de tranchées allemandes. J’y ai vécu la retraite de la Wehrmacht ». Pour cette dernière, l’accès au pont de chemin de fer de Chalampé a été un vrai calvaire. La route était livrée aux attaques aériennes alliées. Les chemins des champs étaient jour et nuit sous le feu de l’artillerie française. Les cadavres de soldats et de chevaux, les carcasses de camions jonchaient la route de Munchhouse – Bantzenheim – Chalampé. « Le 6 février, les tirs d’artillerie s’intensifiaient, mais notre secteur restait épargné. Au loin, une forte lueur d’incendie témoignait du « Barakenlager » de Neuenburg en flammes. Les 7 et 8 février étaient plutôt calmes. Ayant endossé des effets civils, j’accompagnais Henri Schirmer à Bantzenheim, chercher du pain. Au retour, une sentinelle allemande nous a interceptés, et nous a conduit chez le lieutenant qui après une fouille minutieuse nous a heureusement relâchés».
Caché dans la cave
Au retour, nos amis étaient désespérés. Un commando SS venait d’arrêter le curé Kannengiesser et Hubert Hug, les accusant d’avoir sectionné les câbles téléphoniques de la « Panzerbrigade » battant en retraite. L’après-midi, ils revenaient et emmenaient également Henri Schirmer. « Les voyant arriver, Joséphine Hug avait l’heureux réflexe d’ouvrir la trappe de la minuscule cave, de m’y pousser et de placer le lit du petit Pierre sur la trappe. S’ils avaient trouvé le déserteur que j’étais à ce moment-là, j’aurais eu droit au peloton d’exécution. Le soir du 8 février, une explosion de très forte intensité a déchiré la nuit. Le pont du chemin de fer de Chalampé avait sauté. Peu après nous avons perçu le mugissement d’un blindé allemand, le dernier à vouloir franchir le pont du Rhin. C’était trop tard ! Nous l’avons retrouvé après la libération au débouché de la rue de la Victoire, la tourelle arrachée. Le matin du 9 février un tir nourri d’artillerie a arrosé Chalampé. Nous avons décidé d’aller nous réfugier ailleurs et, au moment de sortir de la cour, je me suis rendu compte que les tranchées allemandes étaient vides. Mais au loin, des blocs de boue (ndlr : des blindés sur une route inondée) se dirigeaient vers nous. J’ai compris et j’ai hurlé de joie : « Les Français arrivent ! » » C’est ainsi que Gaston Wira a vécu la libération de Chalampé, la dernière commune du sud de l’Alsace à être revenue à la France.
Âgé de 16 ans, Gaston Wira a déserté de l’armée allemande le 16 janvier 1945. Caché par la famille Hug, il a réussi à échapper à l’occupant allemand.
9 février 1945.
De Lattre envoya ce communiqué : « Au 21e jour d’une âpre bataille au cours de laquelle les troupes américaines et françaises ont rivalisé d’ardeur, de ténacité et de sens manœuvrier, l’ennemi a été chassé de la plaine d’Alsace et a dû repasser le Rhin. » Ce communiqué reflète parfaitement la réalité.
10 février 1945.
Les Allemands recommencent à mobiliser des civils dans le Nord de l’Alsace. Exemple : à Niederbronn, hommes et femmes doivent creuser des tranchées.
Le reste de l’Alsace fête la victoire : le général de Gaulle est passé à Mulhouse, où il a présidé une prise d’armes et prononcé un discours depuis le perron de l’hôtel de ville. A Colmar, il a décoré les généraux de Lattre et Leclerc, ainsi que les généraux américains Milburn et O’Daniel, avant de rejoindre Strasbourg dans la soirée.
11 février 1945.
Le général de Gaulle a assisté à un solennel Te Deum dans la cathédrale de Strasbourg, aux côtés de Mgr Ruch, puis présidé une réception en l’hôtel de ville, avec le maire Charles Frey, avant un défilé de troupes place Broglie.
Le Nord de l’Alsace – qui se sent oublié – souffre. L’armée allemande, très affaiblie, utilise tous les moyens possibles pour dissuader les Alliés : elle construit des leurres (faux soldats, faux véhicules). A Gumbrechtshoffen, elle a réquisitionné, ce jour, des chevaux pour tracter un blindé à court de carburant.
Journée décisive dans l’ancienne tête de pont de Gambsheim : Oberhoffen, où se bat avec acharnement depuis plusieurs jours la 257e Volks-Grenadier-Division. La commune, évacuée et sinistrée, est enfin libérée par le 142e régiment d’infanterie américain.
12 février 1945.
La réduction de la tête de pont de Gambsheim, formée lors de l’opération Nordwind, semble désormais acquise, après la libération d’Oberhoffen. Mais on se bat encore à Drusenheim et Offendorf.
Le général de Gaulle s’est rendu à Saverne, PC des forces américaines, et a décoré plusieurs officiers alliés, dont le général Patch, commandant la VIIe armée.
Les artilleries allemandes et américaines échangent régulièrement des tirs en Alsace du Nord, y faisant des victimes civiles et provoquant des dégâts.
13 février 1945.
L’ancienne tête de pont de Gambsheim est presque réduite, mais on s’y bat encore. Des tirs d’artillerie, venus d’outre-Rhin, ont été signalés dans le Haut-Rhin, à Hésingue et Bartenheim.
Le général américain Devers a officiellement félicité le général de Lattre pour « les qualités magnifique de chef dont [il] a fait preuve comme général commandant la Iere armée française dans la réduction de la poche de Colmar. »
14 février 1945.
Le quartier général du 6e groupe d’armées a signalé que des obus d’artillerie étaient tombés sur Brumath et que l’artillerie alliée avaient pris pour cible quinze chars ennemis près de Mietesheim, à l’aube. La zone industrielle d’Oberhoffen est annoncée comme « nettoyée ».
L’aviation américaine a bombardé le poste de commandement (PC) de la 6e division de montagne allemande près d’Eguelshardt : y sont tombées 16 bombes de 500 livres et 8 bombes incendiaires.
14 février 1945.
A Rouffach, premiers pas de l’ Ecole des cadres de la 1re armée. De Lattre: « Ils ont une âme de vainqueurs, nous leur ferons une âme de conquérant! «
15 février 1945. La situation est stable sur le front nord en Alsace, mais le QG du 6e groupe d’armée signale que l’artillerie allemande a profité d’une bonne visibilité pour bombarder des « positions avancées ». Des obus sont tombés sur Saverne.
Plus à l’Est, l’artillerie allemande a également tiré sur des faubourgs de Strasbourg et sur les environs de Gambsheim. L’artillerie alliée a réagi par « des tirs violents » sur Sundheim, au sud de Kehl.
16 février 1945.
Le quartier général des forces expéditionnaires alliées a annoncé qu’enfin, la région d’Oberhoffen a été « nettoyée ». Il a calculé par ailleurs que la réduction de la poche de Colmar a fait quelque 20 000 prisonniers allemands.
Au nord de l’Alsace, la VIIe armée américaine a mené une activité de patrouilles. Pfaffenhoffen et Obermodern ont été les cibles de l’artillerie allemande.
Les DNA datées de ce jour publient un message de Charles Frey, maire de Strasbourg, demandant à ses concitoyens d’enlever toutes les affiches et inscriptions allemandes des murs et enseignes de la ville.
17 février 1945.
Une relève importante a commencé sur le front d’Alsace du Nord. La 45e division d’infanterie américaine est remplacée par la 42e, dite « Rainbow », entre Wingen-sur-Moder et Rothbach. Les Allemands, de leur côté, ont ré instauré la levée populaire, le Volkssturm, dans la zone qu’ils contrôlent en Alsace du Nord. Par exemple à Rothbach, ce jour ont été convoqués tous les hommes entre 16 et 55 ans. Dix obus sont tombés en deux jours sur Niederbronn-les-Bains.
18 février 1945.
A Rouffach, le général de Lattre a ouvert son École des cadres de la Iere armée, confiée au commandant Lecoq : les stagiaires y passent six semaines à tour de rôle. L’un des objectifs est de mieux intégrer les Forces françaises libres. La 1ere division française libre apprécie modérément.
Les DNA-(dernières nouvelles d’Alsace) publient une interview d’André Malraux, alias colonel Berger, commandant la brigade Alsace-Lorraine. « Voyez-vous, les Alsaciens savent se battre. Et ils avaient des raisons impérieuses de se battre », explique-t-il au journaliste alsacien.
Sur le front nord, des obus de calibre 380 mm ont été tirés sur Saverne : les pièces sont probablement près de Reichshoffen.
19 février 1945.
Le quartier général du 6e groupe d’armées a signalé « plusieurs tentatives d’infiltration » de l’ennemi près de Sarreguemines. Sur le front de la Iere armée française, des tirs de mortier ont visé Rhinau et un groupe ennemi a tenté de passer le Rhin à hauteur de Blodelsheim. La 1ere division française libre (1ere DFL) a commencé à se regrouper autour de Sélestat.
Les Alsaciens de Paris ont célébré la libération de l’Alsace, rassemblés devant la statue symbolisant Strasbourg. Pourtant, une large bande de l’Alsace du Nord est encore tenue par la Iere armée allemande.
20 février 1945.
« Vive activité de patrouilles » dans le secteur de la VIIe armée, c’est-à-dire en Alsace du Nord, a signalé le quartier général du 6e groupe d’armées. Au sud des positions avancées de la Iere armée ont été attaquées près de Fessenheim (Haut-Rhin), au sud de Neuf-Brisach.
Dans l’Alsace du Nord, les troupes allemandes réquisitionnent pour se nourrir. A Nierderbronn-les-Bains, ce sont 60 vaches qui ont été saisies ces jours-ci.
Dans les états-majors alliés se prépare la phase d’attaque suivante. L’enjeu, pour les Français – et notamment la Iere armée du général de Lattre -, est de participer à l’entrée sur le territoire allemand.
21 février 1945.
Une patrouille allemande qui avait traversé le Rhin près de Niffer a été repoussée, annonce le quartier général du 6e groupe d’armées. Sur le front nord, des désertions de soldats allemands ont été signalées : il s’agit en général d’incorporés des pays occupés. Ainsi deux Croates du 11e régiment de SS se sont-ils rendus ce jour à Wildenguth, près de Wingen-sur-Moder.
En Alsace, la présence de nombreux soldats musulmans de la Ire armée oblige à rappeler leurs traditions religieuses pour ne pas provoquer d’incidents. Un arrêté du gouverneur militaire de Strasbourg, le général Touzet du Vigier, publié dans les DNA, interdit par exemple aux débits de boissons de servir de l’alcool aux militaires musulmans.
22 février 1945.
Jour de fête aujourd’hui à Mulhouse; le premier convoi partant de Paris par voie ferrée est annoncé en gare pour 15 h 30. Il s’agit d’ une michelin. L’ autorail aura à son bord de nombreuses personnalités dont M. Goursat, directeur général de la SNCF.
Il a fallu trois mois pour remettre le tronçon Lure-Mulhouse en état. Le tunnel de Chamagney et le viaduc de Dannemarie ont été reconstruits par le génie de la 1re armée française. Le débat sur l’ épuration bat son plein.
23 février 1945.
Relève dans les troupes allemandes au nord de l’Alsace : le 90e corps a pris le contrôle du secteur de Bitche. Des troupes rescapées des combats de la poche de Colmar sont dorénavant amenées en renfort en Alsace du Nord.
En face, l’artillerie américaine poursuit ses tirs réguliers : à Offwiller, 31 obus sont tombés ce jour sur le centre du village, faisant 20 victimes, selon la 103e division d’infanterie américaine. Quand la météo le permet, c’est l’aviation qui procède parfois à des bombardements : Obersteinbach a été bombardé ce 23 février et une adolescente de 13 ans y a été tuée.
24 février 1945.
On ne se bat pas qu’en Alsace du Nord. En soirée, des patrouilles allemandes ont traversé le Rhin en plusieurs endroits (Marckolsheim, Neuf-Brisach, Nambsheim, Ottmarsheim), et ont été repoussées dans la nuit.
Les DNA publient un reportage signé Pierre Frédérix sur le château de La Hunebourg, dans les Vosges alsaciennes, dont le propriétaire, l’autonomiste pro nazi Karl Spiesser, est en fuite. Le reporter précise qu’il a entendu des explosions et vu de la fumée dans la zone de Bitche et Wissembourg.
25 février 1945.
Un obus de 280 mm est tombé sur Saverne, qui héberge une base américaine de la VIIe armée : dix militaires ont été tués, quatorze autres blessés.
Les DNA publient un article sur Radio Strasbourg, « la voix de la France en Alsace », qui attend la reconstruction de son émetteur.
26 février 1945.
Le port de Strasbourg a fait l’objet de deux « tentatives de raid » allemandes, repoussées par l’armée française.
En ces derniers jours de février se prépare une opération majeure des alliés pour la mi-mars. Il s’agit de percer définitivement les défenses allemandes à l’Ouest. La VIIe armée aura pour objectif la ligne Siegfried. Accessoirement, cette opération devrait libérer la portion d’Alsace encore sous la botte allemande, au nord de la Moder.
27 février 1945.
Les Forces françaises de l’Intérieur (FFI) d’Alsace ont été dissoutes par le gouverneur militaire de Strasbourg, commandant la Xe région militaire, le général Touzet du Vigier.
Le tribunal militaire régional a prononcé une condamnation à mort : celle d’un homme qui, le 8 février, avait mortellement blessé le contrôleur principal des Domaines, Léon Weber.
L’évêque de Strasbourg, Mgr Ruch, revenu à Strasbourg en décembre et qui avait accueilli de Gaulle à la cathédrale le 11 février, est allé remercier le diocèse de Périgueux de l’avoir accueilli durant la guerre.
28 février 1945.
Dans la région de Haguenau, des tirs de mitrailleuses allemandes ont pris à partie des unités américaines. L’aviation française (31e et 34e escadres du 1er corps aérien) a bombardé la zone industrielle au nord de Fribourg-en-Brisgau, en pays de Bade.
Le couvre-feu à Strasbourg, annoncent les DNA, sera repoussé de 18 h à 20 h au 1er mars. Un certain abbé Pierre « aumônier du maquis » a rencontré la presse à Strasbourg (il ira à Mulhouse le lendemain donner une conférence) : il s’agit bien du futur fondateur des communautés d’Emmaüs. Il a alors 32 ans et est envoyé en tournée par le ministère de l’Information.
1er mars 1945.
En Alsace du Nord, l’artillerie alliée tire régulièrement. Ainsi Nierderbronn-les-Bains a-t-elle été bombardée dès l’aube. A Offwiller, trois maisons, où étaient installés des postes d’obervation allemands, ont été détruites.
Les DNA publie un article de Roger Koeffler commémorant la prise de Koufra (Libye) par le général Leclerc il y a quatre ans, Koufra « où des troupes françaises tiennent garnison (…) relevant celles que leur chef avait promis de conduire jusqu’à Strasbourg ». Le journal donne aussi le nom de deux malgré-nous alsaciens libérés par les Russes : Richard Mourlan (Barembach) et Pierre Knab (Mulhouse).
2 mars 1945.
Des avions alliés, en rase-mottes au-dessus de Niederbronn-les-Bains, ont tiré à la mitrailleuse. L’artillerie a visé des dépôts autour du marché, mais a raté sa cible et endommagé plusieurs maisons au nord de la ville.
L’aviation alliée croit avoir décelé des signes de repli des troupes allemandes sur la rive gauche du Rhin, selon le quartier général de la 2e armée aérienne tactique.
3 mars 1945.
Les Américains ont tenté d’établir une tête de pont à Haguenau au nord de la Moder. Une compagnie du 143e régiment d’infanterie US a franchi la rivière et pris une à une onze maisons. Elle a été relevée dans la journée par un bataillon du 141e régiment d’infanterie. Mais une contre-attaque allemande a récupéré neuf de ces maisons au cours d’un véritable combat de rue.
4 mars 1945.
Le général de Gaulle s’est rendu ce jour à Oradour-sur-Glane, en Limousin. « Ce qui s’est passé à Oradour, a-t-il déclaré, est un symbole des malheurs de la patrie ».
A Niederbronn-les-Bains, très exposées au tirs, plusieurs maisons ont été bombardées par les alliés et deux fillettes tuées.
Un court article dans les DNA justifie la baisse de la ration journalière de matières grasses de la population bas-rhinoise (300 gr au lieu de 500) : il s’agit de solidarité avec la zone récemment libérée de la poche de Colmar dont les stocks ont été vidés par les Allemands.
5 mars 1945.
L’idée d’une opération alliée sur le Rhin a repris corps : désormais les forces américaines ont atteint la région de Cologne (Rhénanie du Nord-Westphalie). Comme elles ne visent plus Berlin, laissé à l’Armée Rouge, il est probable qu’elles décident d’aligner le front ouest. En clair, conquérir la Rhénanie-Palatinat, dans la zone de Coblence et Mayence, tâche confiée à l’ouest à la IIIe armée du général Patton, que devrait rejoindre au sud à la VIIe armée, celle, justement qui s’est arrêtée, en Alsace, sur la Moder. Ce sera peut-être -enfin- la chance du nord de l’Alsace, bien oublié jusqu’ici.
Ces jours-ci, on y échange surtout des tirs d’artillerie. Par exemple, l’artillerie américaine a tiré ce 5 mars sur des positions au sud-est d’Offwiller. L’infanterie s’y bat aussi à Haguenau pour quelques maisons au nord de la Moder.
6 mars 1945.
Les combats se sont poursuivis à Haguenau pour un pâté de maison au nord de la Moder. L’espoir de voir enfin reprise l’offensive américaine au nord de l’Alsace renaît : des éléments de la Iere armée US sont en effet entrés dans Cologne et les DNA de ce jour soulignent que « les alliés, méthodiquement, alignent leurs forces face au Rhin ».
Le journal, qui, pour la première fois depuis sa reparution, paraît sur 4 pages, publie un reportage sur Colmar ; le journaliste André Gaubt note que la ville « a de l’électricité et même un peu de gaz, de quoi faire envie aux ménagères strasbourgeoises ».
7 mars 1945.
Le Rhin est franchi par les troupes alliés, à 300 km de Strasbourg, à Remagen (Rhénanie-Palatinat), au sud de Bonn, dont le pont ferroviaire est pris par des éléments de la Iere armée américaine.
Le général américain Devers a informé le général français de Lattre de l’imminente attaque de sa VIIe armée. L’opération, qui libérerait Wissembourg, a un nom : Undertone, qui a le double sens de « nuance » ou de « murmure ». La 3e division d’infanterie algérienne (Iere armée française) aurait pour mission d’appuyer l’attaque américaine, en avançant le long du Rhin jusqu’à Lauterbourg.
A Haguenau, les soldats américains ont repris le pâté de maisons, au nord de la Moder, disputé depuis plusieurs jours.
Le maire d’Ammerschwihr, dans les DNA, demande le déminage du vignoble avant le printemps, faute de quoi les vendanges seront perdues cette année et compromises pendant trois ans.
8 mars 1945.
La 1ere division française libre a reçu l’ordre de quitter l’Alsace : elle doit rejoindre la frontière franco-italienne dans les Alpes.
En Alsace du Nord, les échanges d’artillerie se poursuivent : à Niederbronn-les-Bains, des bombes incendiaires sont tombées sur l’imprimerie Willm dans la soirée.
9 mars 1945.
La nouvelle du franchissement du Rhin à Remagen (entre Coblence et Bonn), que publient les DNA ce jour, est saluée comme un signe d’espoir. Désormais, l’opinion publique comprend que l’objectif est de s’aligner sur le Rhin pour mieux le franchir, ce qui est de bon augure pour l’Alsace du nord, où les bombardements alliés continuent.
Les préparatifs de l’opération Undertone n’ont pas échappé aux forces allemandes.
10 mars 1945.
Les ordres officiels ont été donnés pour l’opération Undertone. Le général américain Devers (6e groupe d’armées) confie la mission d’une attaque vers Sarrebruck et Wissembourg à la VIIe armée du général Patch. En terre alsacienne, c’est son 6e corps, augmenté de troupes françaises (3e division d’infanterie algérienne et Combat Command n°6 de la 5e division blindée) qui doivent agir.
Le front allemand, au nord de l’Alsace, est en plein réorganisation. Le 90e corps d’armée vient de s’étendre jusqu’au Rhin, à l’est, tandis que l’aile ouest est désormais sous l’autorité du 13e corps SS.
La multiplication des désertions dans les lignes allemandes, notamment sur le front ouest, a poussé Hitler à promulguer un arrêté indiquant qu’allocations familiales et autres remboursements seront supprimés aux familles des déserteurs.
13 mars 1945.
L’opération Undertone est imminente en Alsace du nord et sa date n’est plus un secret : ce sera le 15 mars. L’aviation alliée a fait ce jour sur la zone, 115 sorties avec 36 chasseurs-bombardiers.
A Haguenau, la 141e division d’infanterie américaine a tenté d’élargir sa tête de pont au nord de la Moder, sans succès.
Dans les DNA, le recteur Prélot expose ce que sera l’université de Strasbourg dont les cours reprendront à l’automne. Aux sept facultés – dont les deux de théologie, catholique et protestante – seront ajoutés trois instituts : Hautes études alsaciennes, Hautes études étrangères (qui remplacera le Centre d’études germaniques) et Etudes coloniales…
14 mars 1945.
Au nord de l’Alsace, la préparation aérienne de l’opération Undertone s’est accentuée. L’aviation alliée (12e Tactical Air Command) a détruit les routes à l’ouest de Mouterhouse. En même temps, les bombardiers de la 8e Air Force ont pilonné les fortifications du West Wall, la double ligne de défense allemande.
Le général de Lattre, à Paris, a rencontré la presse. Il a fait le point sur les pertes de la Iere armée depuis le débarquement de Provence en août (10 000 tués, dont 80% en Alsace, et 32 000 blessés). Questionné sur la date de l’entrée de l’armée française en Allemagne, il a répondu prudemment : « Je ne sais quand, mais elle y entrera sûrement ».
15 mars 1945.
L’opération Undertone est lancée au nord de l’Alsace. Elle a commencé par un puissant bombardement aérien -qui a fait des victimes civiles, notamment à Reichshoffen et Niederbronn. La VIIe armée américaine a attaqué sur toute la largeur du front, avec son 21e corps à l’ouest de la Sarre, le 15e à l’est et le 6e corps d’armée autour de Haguenau.
Au sein de ce corps d’armée, la 3e division d’infanterie algérienne (3e DIA, française) a franchi la Moder, mais a été bloquée par les champs de mine, les tirs de mitrailleuses et la résistance du camp d’Oberhoffen. Elle a peu progressé.
Les troupes allemandes face à cette offensive -soit sept divisions de la Iere armée allemande, dont plusieurs très affaiblies- n’ont pas réussi à maintenir une ligne de défense. En revanche, plusieurs de leurs contre-attaques ont compliqué l’avancée alliée, par exemple à Uttenhoffen.
15 mars 1945.
A la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, après avoir été libéré par les troupes américaines fin novembre 1944, Bitschhoffen a été de nouveau occupé par les Allemands fin janvier 1945. Dans le cadre de l’offensive des Ardennes menée par Von Runstedt et l’opération Nordwind, visant à reprendre Strasbourg et toute l’Alsace, le front se stabilisait à partir de ce moment sur la Moder de sorte que Bitschhoffen, tenu par les Allemands, avait à subir pendant un mois et demi, le tir d’artillerie et le bombardement des troupes américaines. Quand, au matin du 15 mars 1945, le village a été pris d’assaut et libéré par les Américains, Bitschhoffen était en ruines car 90 % des bâtiments étaient détruits. Après la guerre, la reconstruction s’est étendue sur plusieurs années de sorte que les habitants avaient à endurer les pires privations. L’église détruite a été reconstruite à un autre emplacement.
16 mars 1945.
Forte progression de la 42e division d’ infanterie US à l’ ouest de Haguenau. Le secteur nord de Haguenau et nettoyé par la 36e DIUS. A l’ est, le 4e régiment de tirailleurs tunisiens (4RTT) enlève le camps d’ Oberhoffen et le 3e RTA (régiment de tirailleurs algériens) le village de Schirrheim. Interventions de l’ aviation française en soutient de la 1re armée.
Aujourd’hui est une grande journée pour l’ armée américaine. Elle franchit massivement la Moselle en Allemagne. Dans le sud des Alpes, le 1re division française libre (1re DFL) relève la 44e brigade américaine.
17 mars 1945.
Les Alsaciens invités à déclarer leurs avoir à l’ étranger et en or. Le gouvernement laisse le choix entre une régularisation peu coûteuse et des sanctions très sévères à ceux qui seraient en infration. Dans le nord du Bas-Rhin, le guerre continue. Avancée des troupes américaines. Niederbronn, Soufflenheim, Drusenheim, Fort-Louis sont libérés. Les Français élargissent leur créneau.Dans la nuit du 16 au 17, l’ adversaire rompt le contact, non sans avoir tenté de masquer son décrochage par une vive contre-attaque de SS menée jusqu’au corps à corps contre les Algériens à Schirrheim. Aussitôt, la poursuite s’ engage. Plus gêné par le nombre incroyable de mines que par le feu, le 3e régiment de tirailleurs algériens (3e RTA) occupe soufflenheim et Koenigsbruck, pendant que le 3e régiment de spahis algériens (3e SPAR) et le Combat Command 6 prennent Drussenheim et Fort-Louis avant de retrouver le contact à Roeschwoog.
Pendant ce temps Guillaume a lancé, en pleine forêt de Haguenau, le 1er groupement de tabors marocains (1er GTM- colonel LeBlanc). Méprisant les mines sur lesquelles sautent trop souvent les hommes de tête de leurs colonnes, les goumiers la traversent tout entière et débouchent à Rittershoffen sans rencontrer d’ ailleurs un seul élément allié. Grâce à ce mouvement audacieux, nous sommes à quatorze kilomètres à l’ ouest du Rhin alors que la limite de notre secteur ne s’ en écarte que de six kilomètres (de Lattre).
18 mars 1945.
Première bombes volantes japonaises dans le Pacifique. Le 14e division blindées US en phase d’ exploitation. Wissembourg à portée de canon. Retour à Hatten et Rittershoffen complètement détruits. La 3e division d’ infanterie algérienne continue à élargir sa zone d’ action. l’ armée française a son créneau sur la Lauter. Entrevue Devers, de Lattre à Phalsbourg.
Les événements se précipitent dans le nord de l’ Alsace. Il apparaît clairement que les Allemands, au prix d’ actions de retardement, se replient en direction de la ligne Siegfried. Exploitant la percée de la 36e division d’ infanterie US (36e DIUS), la 14e division blindée se lance alors dans une phase d’ exploitation.
Le groupe de combat A mené par le 25e bataillon de chars, regroupé autour de Ringendorf, traverse la forêt de Haguenau, atteind Mertzwiller, Morsbronn, Surbourg, Hohwiller et se dirige sur Leiterswiller.
19 mars 1945.
Libération de Wissembourg par les Américains, mais il y eu une première libération le 16 décembre 1944.
19 mars 1945.
Le nord du Bas-Rhin est entièrement libéré. A 16h 30, les Tunisiens de la 1er Armée s’emparent de Scheibenhard.
19 mars 1945.
Dès hier, les GI’s ont passé la frontière entre l’Alsace et l’Allemagne du côté de Obersteinbach. Il s’agit de la 42e division d’infanterie dite <<Rainbow>> (Arc-en-ciel) parce que ses soldats viennent de tous les Etats des USA. Aujourd’hui, c’est au tour des Français, tout à l’est.
A l’issue de leur entretient d’hier, Devers et de Lattre ont décidé que la 3e division d’infanterie algérienne (3e DIA) et la 5e DB formeront une <<Task Force>> commandée par Monsabert et qui passera en Allemagne. Monsabert sera sous les ordres tactiques de la 7e armée américaine jusqu’à la rivière Erlen. Au delà, il repassera sous le commandement de la 1re armée française qui disposera de son créneau sur le Rhin au nord de l’ancienne frontière.
Immédiatement prévenu, Monsabert se rend à Saverne au PC du général Brooks qui lui fait part de la mission dévolue à sa « Task Force » »: <<Attaquer en direction de Kandel, détruire les forces ennemies au sud de la rivière Erlen et s’emparer dans sa zone des passages du Rhin>>. Autrement dit: forcer la ligne Siegfried.
<<Or, en cette charnière, la ligne Siegfried est d’une particulière solidité. Utilisant tous les couverts du Bienwald, elle consiste en des centaines de bunkers placés en quinconce tous les 150 mètres, sur une profondeur de sept kilomètres. La plupart sont invisibles et tous sont protégés par des réseaux multiples de barbelés, d’innombrables champs de mines et d’immenses abattis diaboliquement piégés>> (De Lattre)
<<Pour rompre cette barrière que notre armée de 39 n’a pas osé affronter>>, de Lattre renforce les effectifs de Monsabert avec l’apport notamment de la 2e division d’infanterie marocaine (2e DIM) commandée par le général Carpentier.
Sur le terrain, comment se présente la situation ? Au petit jour, la reconnaissance d’un escadron de chars légers du côté de Lauterbourg n’a rien donné. On ne passera pas par là. En début d’après-midi, les patrouilles du 3e régiment de tirailleurs algériens (3e RTA) au nord de Salmbach sont impitoyablement contrés. On ne passera pas par là non plus.
Il apparaît donc que pour franchir la Lauter (dont la frontière suit le cours°, il ne reste que la <<solution de Scheibenhard>>.
Le général Guillaume fait appeler le capitaine Sahuc qui commande deux compagnies de pointe du 4e régiment de tirailleurs tunisiens (4e RTT). Le général est dans sa jeep avec son chauffeur et, à ses côtés, un officier.
Le capitaine Sahuc raconte: <<De là où la jeep est arrêtée en plein champ, on peut apercevoir vers le nord une immense étendue de bois, et, presque en bordure de cette forêt, les pointes des deux clochers, Scheibenhardt (premier village allemand) et, à notre droite, Lauterbourg. Etendant sa main droite et me montrant du doigt l’horizon, le général Guillaume me dit: <<Vous voyez, Sahuc, cette forêt, c’est le Bienwald. C’est l’Allemagne; il faut y entrer>>. <<Bien, mon général>>.
<<Connaissant sa manière laconique de s’exprimer, je comprends vite que l’entretien est terminé. Je salue et reprends mon poste derrière les éléments avancés de ma compagnie>>.
En fait, il y a deux Scheibenhard qui, à l’origine, formaient une seule localité au milieu de laquelle coulait une rivière, la Lauter. L’histoire a voulu que la rive droite devienne française et la rive gauche allemande. Les noms des deux villages, diffèrent que par le <<t>> ajouté à l’allemande mais les habitants sont souvent en parenté.
A 16h 30, l’attaque commence. <<Tandis que les mitrailleuses lourdes et les tank destroyers aveuglent les habitations de la rive nord, la 6e compagnie de capitaine Sahuc cherche un passage guéable. Une section échoue dans son entreprise, une autre passe, avec de l’eau jusqu’à la poitrine.
Immédiatement derrière elle, les pionniers du bataillon lancent une passerelle de fortune. Et le corps à corps commence, entre Tunisiens et les SS.
<<Se battre en Allemagne… Le sol ennemi électrise nos hommes. A la grenade, au bazooka, les maisons éventrées sont conquises. Et c’est à la lumière de ces incendies que le combat se poursuit à la chute du jour, jusqu’à 20 h 30. Scheibenhardt est alors en notre possession. 16 mars: une grande date pour les cœurs français>>(De Lattre)
20 mars 1945.
Quelques villages ne sont pas encore libérés: Ingolsheim, Kauffenenheim… Durcissement des ordres venant de Berlin. Hitler ordonne d’appliquer la tactique de la » terre brûlée ». Speer tente de s’y opposer. L’Alsace l’a échappé belle.
20 mars 1945.
Toute l’Alsace n’est pas encore libérée. Il reste çà et là dans le nord du Bas-Rhin quelques villages dont l’accès a été rendu difficile: route encombrée d’abattis ou plus généralement ponts détruits par l’ennemi lors de sa retraite. Il en va ainsi d’Inglosheim qui est libéré par la suite par des troupes venant de Schoenenbourg et allant vers Riedselt ou de Kauffenheim, totalement isolé par la destruction des ponts qui donnent accès à la localité. Les troupes françaises avaient pourtant libéré toutes les localités avoisinantes dès le 18.
Voici venu le temps des derniers ordres du jour pour ce qui concerne la libération de l’Alsace.
Le général US Brooks écrit au général Guillaume, commandant de la 3e division d’infanterie algérienne: << C’est à vous et aux troupes qui relèvent de votre commandement qu’à échu le grand honneur de rejeter jusqu’au dernier, de le terre d’Alsace et de celle de France, l’envahisseur boche.
J’ai longtemps soutenu que le commandement d’une division au feu est l’ultime récompense de tout soldats mais, en plus, bouter hors de son pays le dernier envahisseur est un honneur et un privilège qui sont l’apanage de peu d’hommes de guerre. Le 6e corps d’armée US en entier applaudit à votre victoire.>>
Bel hommage mais erreur au plan de la stricte vérité historique: pour retrouver l’intégralité du territoire national, il faut encore liquider les poches de l’Atlantique et ramener la frontière à son état antérieur dans les Alpes.
31 mars 1945.
Le Rhin est franchi par les armées françaises.
2 avril 1945.
Le I /21e RIC (Lcl Delteil), commandé par le Cba Pâris de Bollardière, franchit d’assaut le Rhin à Leimersheim (au Nord de Strasbourg) en dépit de la force du courant, de la largeur du fleuve et de la vigoureuse défense allemande et crée une tête de pont sur la rive Est du fleuve. De nombreux actes d’héroïsme individuels sont accomplis au cours du combat. Les IIe et IIIe btns suivent, ce dernier franchissant de nuit et sous un violent bombardement d’artillerie. Un monument érigé à cet endroit sur la rive gauche du fleuve rappelle ce fait d’arme.
6 mai 1945.
La 2e DIM est à la sortie du tunnel de l’Arlberg. C’est la fin de la guerre.
8 mai 1945.
De Lattre appose à Berlin le paraphe d’un Français au bas de l’acte de reddition des armées hitlériennes vaincues.
Les pertes globales de la 1re armée, en France et en Allemagne, se sont élevées, du 15 août 1944 au 8 mai 1945 à 9 237 tués, dont 5 260 Nord-africains, et à 34 714 blessés, dont 18 531 Nord-africains. Et pourtant…
Au moment où s’affirme la victoire contre le nazisme, Gaston Monnerville, qui était né en Guyane, proclame, le 25 mai 1944 : « Sans l’Empire, la France ne serait qu’un pays libéré ; grâce à son Empire, elle est un pays vainqueur ». À la fin de l’année, le ministre René Pleven assure : « En ce moment la France est sans doute plus consciente qu’elle ne l’a jamais été de la valeur de ses colonies. »
L’image de la France sauvée par ses colonies est ainsi enracinée dans bon nombre d’esprits. D’un côté, le régime pétainiste avait refusé de poursuivre le combat à partir de l’Empire et s’était compromis dans la collaboration avec l’Allemagne nazie ; de l’autre, la France libre s’est appuyée sur l’outre-mer pour reconquérir la métropole.
QUELQUES PHOTOS DU 08 MAI 1945 EN ALSACE- MOSELLE- LORRAINE