Contexte historique :
Dès le débarquement de Normandie du 6 juin 1944, la libération de la France se fait véloce. La chute de Verdun, le 31 août, sous la pression de la IIIème Armée du Général George Patton, aurait pu être une bonne nouvelle.
Néanmoins, l’allongement des lignes de ravitaillement à cause de l’avance considérable des Alliés et la possibilité offerte aux Allemands de se retrancher le long de la Moselle, à Metz, et à Thionville plus particulièrement, ont forcé les troupes à ralentir la cadence.
Chronologie de Thionville à la Libération :
1944
Nuit du 1er septembre
Les autorités civiles et militaires allemands s’enfuient nuitamment de la ville.
1er septembre
Un peloton américain infiltre les positions allemandes. Avec trois blindées et six Jeeps, il fait son entrée dans Thionville. Il sème la panique chez les défenseurs. Une heure et demie plus tard, il repart.
2 septembre
Les autorités allemandes reprennent le contrôle de la ville.
3 septembre
Le résistant thionvillois Robert Wax est fusillé à Metz.
12 septembre
Après des combats de rue, le 358 combat Team de la 90th Infantry Divison prend Thionville et la rive ouest de la Moselle. Aux alentours de 3h du matin, les Allemands, qui se retirent sur la rive opposée, dynamitent au passage le Pont des Alliés.
14 septembre
La commission municipale provisoire est installée, sous la présidence de Mr Lucien Guille.
15 septembre
Alors que Lucien Guille est nommé provisoirement sous-préfet de Thionville, Mr Georges Marchal lui succède à la tête de la délégation municipale provisoire.
19 septembre
Tombé près du Temple protestant, un obus tue Georges Marchal, alors président de la commission municipale provisoire.
20 septembre
Mr Jean-Marie Desvignes prend la place de Georges Marchal.
11 novembre
Autrey Maroun, lieutenant-colonel, franchit avec son bataillon la Moselle.
25 novembre
Les généraux Giraud, Patton, Collier et Walker sont reçus à Thionville.
16 décembre
Une réception des troupes américaines, françaises et du général Walton Harris Walker est organisée.
La Libération de Thionville en étapes :
La fuite de nuit
Les rumeurs de la chute de Verdun entraînent un véritable exode chez les Allemands dépêchés en Lorraine. Tous fuient dans la nuit du 1er septembre.
L’incursion alliée
Trente hommes dans neufs véhicules (trois Automitrailleuses et six Jeep), sous la férule du lieutenant James D. Jackson et du sergent Fred Baker, partent, le 31 août 1944, en reconnaissance à Thionville.
Au matin du 1er septembre, le peloton traverse successivement quelques villes, dont Fontoy et Knutange. Au fil de sa progression, la population lui confie des renseignements importants sur les positions adverses.
Deux résistants, Robert Wax (dont le nom de code est Gabriel) et Albert Ordener se proposent comme guides. La panique s’empare des Allemands à mesure que se diffuse la nouvelle de l’avancée des Américains. Le crépitement des mitrailleuses marque leur arrivée. Ainsi, protégés par une poignée d’avions, ils forcent le passage à Hayange. En dépit d’un accrochage avec trois chars allemands, ils parviennent à Thionville à 16h.
Alors que des obus pleuvent épars, le groupe traverse la ville. Plusieurs échanges de tirs éclatent. Il prend position sur la Place du Marché et parvient même aux abords de la Moselle, au niveau du Pont des Alliés. En position sur la rive opposée, les Allemands ouvrent le feu. Jackson commande à ses hommes de descendre des véhicules et de se cacher derrière. Le combat dure une heure. Six blessés sont recensés dans les rangs américains… en plus du sergent Baker, pour sa part décédé. Le lieutenant Jackson se met alors à traverser le pont pour couper les câbles reliant les charges explosives devant le faire sauter. Il est atteint par un tir.
Tandis que les Thionvillois, confinés dans leurs caves, suspendent les premiers drapeaux tricolores à leurs fenêtres, les trois chars retournent sur leurs pas.
Le retour aurait pu se solder par un désastre, si, à Terville, des FFI n’avaient pas orienté les chars alliés vers un chemin de repli. De la sorte, ces derniers échappent à une embuscade tendue à Hayange.
Le retour
Le lendemain, le samedi 2 septembre, les forces nazies reviennent, investissant les points stratégiques de Thionville. Leur retour est essentiellement motivé par des promesses de sanctions. Quant à la fuite des Allemands, elle est due à une erreur d’interprétation du mot d’ordre, selon M. Liebel. » Kusel « , qui était le mot d’ordre, concernait uniquement le déplacement des Allemands ainsi que des pro-Allemands sur la rive droite du fleuve. Or, les militaires et les dirigeants l’avaient confondu avec le second mot d’ordre » Westwall « .
La répression
La police allemande revient dans la ville après le départ des chars. Elle procède à une série d’arrestations de ceux ayant fêté le prime départ des Allemands au profit de l’arrivée des chars alliés.
Wax et Ordener, dénoncés par une habitante, sont arrêtés. Puis, après un interrogatoire, ils comparaissent le 3 septembre, à une heure du matin, devant un conseil de guerre siégeant à Metz. Ordener, contre qui les preuves de culpabilité sont trop légères, voit sa peine commuée.
En revanche, Wax ne bénéficie pas de la même chance. Il est fusillé le soir même, à 20h30.
CHANT DES PARTISANS
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne
Ohé, partisans, ouvriers et paysans c’est l’alarme
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes
.Montez de la mine, descendez des collines, camarades,
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades,
Ohé, les tueurs, à vos armes et vos couteaux, tirez vite,
Ohé, saboteurs, attention à ton fardeau, dynamite.
C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère
II y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves
Ici, nous, vois-tu, nous on marche, nous on tue ou on crève.
Ici, chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe
Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place,
Demain du sang noir séchera au grand soleil sur nos routes
Chantez, compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute.
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne
Ami, entends-tu le vol noir du corbeau sur la plaine
L’évacuation
Le dimanche 3 septembre, une réunion décide de l’évacuation de la population de Thionville. Elle est fixée au lendemain. SA et SS sillonnent les rues, avertissant les habitants de l’imminence de l’évacuation. Pendant ce temps, les premiers avions alliés survolent la ville.
La tentative
Au crépuscule, le 8 septembre, le lieutenant Grossmann, avec trois chars, entre par Beauregard dans Thionville. Au niveau de la sous-préfecture, il est accueilli par un tir ennemi nourri. Il rebrousse chemin sans tarder.
Les préparatifs de la défense
Le jeudi 7 septembre, chaque maison est passée au peigne fin par les SA. On réquisitionne les hommes entre 14 et 65 ans à de nombreuses reprises. Ensuite, ils sont envoyés sur la rive droite de la Moselle, chargés de creuser des tranchées, ou sur la rive gauche, à édifier des barricades. Malgré tout, plusieurs cachettes de Thionvillois ne sont pas décelées.
La défense de Thionville est méticuleusement préparée par les troupes allemands. Par le biais de chaussées éventrées, d’arbres abattus, d’immeubles dynamités et de monceaux de débris, des barricades sont dressées à chaque coin de rue. Alors que des nids de mitrailleuses sont installées dans les ruelles, les Allemands, sur la rive droite, veillent au vidage des dépôts en ville. Le 9 septembre, les préparatifs se poursuivent. Derrière les barricades se préparent des soldats allemands, les mitrailleuses chargées, à mesure que retentissent les canons alliées. Le lendemain, le son des canons se rapproche. Thionville est prise sous le feu. La messe donnée à l’église paroissiale voit se presser peu de monde.
La reconnaissance
Accompagné du sous-lieutenant Espinola, Bill Falvey part du château de Volkrange, dans la nuit du 10 au 11 septembre. Vers 5 heures du matin, alors qu’il mène une mission de reconnaissance, il débouche sur la place Marie-Louise, tout droit arrivé du quartier Saint-Pierre. Des déportées polonaises croisent le chemin des deux éclaireurs, puis un FFI, au niveau de la poste, les renseigne. Des coups de feu tirés du bastion Sud les contraigne à fuir. Néanmoins, les informations glanées par les deux éclaireurs vont permettre l’élaboration du plan d’attaque de Thionville.
L’avance alliée
Dans la nuit du 11 septembre, la police part, imitant les troupes. De rares Allemands demeurent pour piller les magasins.
Dans la soirée du 11 septembre, les Alliés, en provenance de la Vallée de la Fensch, investissent Thionville. Ils progressent avec assurance, étant donné que la progression alliée en direction du Luxembourg leur assurance une protection relative sur le flanc gauche. Cependant, les Allemands, dans la nuit, réussissent à faire sauter le Pont Nord, le Pont Sud, puis le Pont des Alliés. Les troupes allemandes du génie dynamitent l’Hôtel Terminus ainsi que les installations ferroviaires de la ville.
Dans le même temps, la 90ème Division approche.
- Le 1er Bataillon attaque par l’est, à Angevillers, donnant l’assaut consécutivement au bombardement des pentes méridionales de l’objectif. Au crépuscule, la formation s’établit non loin de son objectif final, après avoir affronté une résistance farouche.
- Le 2ème Bataillon, pour sa part, se rapproche de Volkrange, car il est chargé de prendre Thionville.
- Le 3ème, finalement, s’empare des hauteurs à l’est de Volkrange.
La prise de la ville
Le matin du 12 septembre 1944, Thionville tombe aux mains de la 90ème Division.
Le 1er Bataillon achève de nettoyer les hauteurs au nord-ouest de la ville.
Poursuivant son attaque, le 2ème réussit, au crépuscule, à encercler les environs sud et ouest du pont. Néanmoins, comme à Stalingrad, la progression de la troupe est ralentie par des combats de rue, prenant lieu de maison en maison.
De son côté, le 3ème, dans l’attente de renfort pour lancer un assaut sur Terville, protège le flanc du droit du 2ème Bataillon.
Vers 18 heures, les premiers chars et fantassins américains parviennent Place de la République. À l’entrée de la Rue de Paris, les Allemands se retranchent, engendrant une fusillade intense.
Le 14 septembre, l’occupation de Thionville par les Américains est achevée.
Le débarquement
Le général Bill Weaver enjoint à ses hommes de traverser la Moselle, au coeur de la ville, puis de débarquer à 100 mètres environ du pont principal routier. Prévu pour 3000 militaires, le débarquement, compte tenu des pertes énormes envisagées, est reporté.
Les Allemands tirent sur l’église Saint-Maximin. À 15 heures, les conseillers municipaux se réunissent dans le bâtiment de la police municipale, qui officie temporairement en tant que mairie. Présidé par M. Lucien Guille, le conseil prend en charge le ravitaillement, l’office municipale d’habitation, la gérance des biens, la prévoyance sociale, les questions sanitaires, les services publics et les finances. Une police municipale, composée de volontaires et dirigée par M. Spuhler, se charge de limiter les pillages. Ainsi, le ravitaillement, malgré les fusillades, est assuré.
Le 16 septembre 1944, la population, par le biais d’avis officiels, est invitée à remettre en état la ville. Elle est également informée de la présence de la police, venue de Hayange reprendre ses quartiers avenue Poincaré. Récalcitrants à l’idée de suivre les Allemands dans leur repli, des soldats autrichiens se rendent aux autorités.
Entre deux feux
Pendant deux mois, Thionville se mue en nomansland. Surtout la nuit, Américains et nazis se pourchassent. Les Thionvillois vivent dans les caves, ne sortent que pour le ravitaillement. La ville vit entre les batteries américaines et les mortiers allemands. En France, elle est la seule ville où la monnaie courante est encore le mark. En réponse aux tirs américains, les Allemands bombardent la ville, causant de nombreuses victimes parmi les civils.
Le mardi 19, un obus, tombé près du temple protestant, tue Georges Marchal, président de la commission municipale.
L’offensive alliée
Finalement, afin de mettre un terme au danger omniprésent dans les rues de Thionville et tenter de débusquer les Allemands installés sur la rive opposée, les Américains évacuent partiellement la ville le 5 octobre. Les quartiers voisins de la Moselle, le chantier de bois Léonard-Belinger, les rues Castelnau, de Paris, la Place du Marché, la Rue de Luxembourg, la Place Hellot (maintenant le Square du 11 novembre) et l’Avenue Pétain (maintenant l’Avenue du Général de Gaulle) sont concernés.
Le 9 novembre, sous la pluie aurorale, des groupes de combattants alliés franchissent la Moselle, alors en crue, sur un vaste front au nord de Thionville. Leur offensive se porte entre Koenigsmacker et Basse-Ham, mais se trouve entravée par les tirs nourris en provenance du Fort de Koeningsmacker, de la colline de St Roch et du village de Metrich.
La reconnaissance
Le 10 novembre, le général Walker se trouve dans l’incapacité d’ériger un pont à cause de la crue de la Moselle.
Le lieutenant-colonel Autrey Maroun est donc appelé au quartier général de la 95th Infantry Division. Le colonel Harvey Golightly lui ordonne de faire une reconnaissance à Thionville, afin de découvrir un gué sur la Moselle au profit de la 10th Army Division.
Le 10 novembre à 15h15, après consultation avec le général Twaddle, Autrey Maroun part en reconnaissance avec son S-3. Il ne connaît rien du secteur. Pendant ce temps, le génie et un bataillon en faction à Batilly sont contactés. Ce dernier va devoir marcher trente kilomètres dans la nuit, en terre inconnue.
À 3h30, les fantassins arrivent à destination. Une demi-heure plus tard, Maroun prévient les chefs des compagnies qu’il ne dispose pas du temps nécessaire à une reconnaissance approfondie du terrain et qu’il faudra placer sa confiance dans le génie. Positionnés dans le secteur, les sapeurs procurent aux hommes des bateaux.
Finalement, les Alliés jettent leur dévolu sur un site de franchissement dans la partie sud de Thionville. L’itinéraire prévu doit mener le bataillon sur une île dont la surface est quasi-intégralement occupée par la gare et les entrepôts. Un canal précède Fort Yutz. L’ouvrage qu’est Fort Yutz, considéré comme monument historique, n’est doté d’aucune pièce d’artillerie. Son rempart, ses créneaux et son fossé ne protègent pas ses défenseurs équipés comme des fantassins normaux.
L’assaut
La compagnie E du lieutenant James Prendergast est finalement choisie pour franchir la première la Moselle à la date du 11 novembre. La compagnie F doit lui emboîter le pas. Trois bateaux sont lancés sur la rivière. Les deux premiers ne se font pas détecter. En revanche, le troisième est pris pour cible par des Allemands ayant investi une redoute. Des canots se retournent sur la rivière. En réponse aux Alliés qui chargent l’ouvrage, les mitrailleuses et les mortiers du Reich se mettent en route.
En dépit de la violence des tirs de barrage, 150 hommes appartenant à la compagnie E gagnent la berge. Dans le même temps, un contingent traverse la Moselle à la hauteur de Perl. Néanmoins, l’effet de surprise est perdu. Qui plus est, le prix humain à payer est déjà cher. Au crépuscule, les soldats à rejoindre la rive Est sont rares.
Le débusquage des Allemands sur l’île dure une journée entière. Alors que les Alliés nettoient le périmètre, le génie recherche un secteur propice à la construction d’un pont. Dans la matinée, Walker demande à Maroun que le bataillon établisse une tête de pont suffisamment profonde pour que les tirs allemands ne contrarient par les opérations du génie. Cette tâche ne peut aboutir que si les hauteurs autour de Haute-Yutz sont sécurisées.
Dans la pénombre vespérale, le reste de la compagnie F est transféré, malgré le faible nombre de bateaux. Puis, en début de matinée, les compagnies G et H suivent le mouvement. Parallèlement, la compagnie F localise deux ponts sur le canal, de chaque côté de Fort Yutz. Un plan dans le but de prendre ces écluses est élaboré.
À 7h, les premiers tirs d’artillerie alliés retentissent, et ce, pendant une demi-heure. Ensuite, la 2ème section prend à revers les Allemands affectés au pont sud, occasionnant onze morts dans leurs rangs. À 8h, les Alliés pénétrèrent dans l’enceinte de Fort Yutz. L’attaque du pont nord perd de son efficacité en raison de la résistance de casemates ennemies. Contraints de stopper leur progression sur le pont, sous un feu nourri, les attaquants sont arrêtés une seconde fois par une palissade en acier.
Suite à la mort de vingt hommes, l’officier chargé de la direction de l’assaut au nord impose une halte. Ainsi, le secteur sud est le seul à être employable, même s’il y règne une grande confusion. Des combats y prennent tant place à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les Allemands opposent une résistance farouche aux Alliés, mais, après la destruction de la palissade grâce à des explosifs, et donc à la progression de l’assaut nord, ils sont défaits.
Au soir, la majeure partie de Fort Yutz est contrôlée. La chute de la fortification est prévue au lendemain.
La reprise de l’assaut
Alors que les Allemands mènent des contre-attaques contre la 90th Infantry Division, Patton insiste auprès de Walker afin que le pont de la 10th Army Division soit construit. Peu importe les pertes, Walker enjoint donc au génie de débuter les travaux.
La 95th Infantry Division, dans l’après-midi, émet l’ » Operational Instruction N°5 « . Cela pousse le 2ème bataillon à prendre successivement Fort Yutz, Basse-Yutz et le fort d’Illange. Ces victoires font partie de la première étape du plan aspirant à rejoindre un bataillon dans la tête de pont d’Uckange, à neuf kilomètres au sud.
Dans la nuit du 12 novembre, la rivière est franchie par une colonne de ravitaillement. Les blessés, en revanche, sont ramenés sur la rive ouest. Le 13 novembre, la compagnie F, épaulée par deux sections de la compagnie G, éradique les dernières poches de résistance allemandes dans la matinée. Tandis que la tête de pont est élargie, compte tenu de la poursuite des tirs adverses, le génie poursuit la construction du pont.
Maroun fait alors parvenir un ordre. » Après une préparation d’artillerie de 6h30 à 6h45, la compagnie G se portera à l’assaut de Haute-Yutz, qu’elle occupera pour 8h30… Les compagnies E et F entreront dans Haute-Yutz juste après la compagnie G, puis se porteront sur leur ligne de départ (lisière sud-ouest de la vile) pour lancer un assaut sur la colline à 300 mètres au sud-ouest de Haute-Yutz. On opèrera un double enveloppement avec la compagnie E attaquant par l’est et la compagnie F par le nord en empruntant la route… Dès l’acquisition de l’objectif, les compagnies se posteront sur la défensive pour se prémunir des contre-attaques ennemies et se tiendront prêtes à poursuivre leur offensive sur ordre du bataillon. «
L’axe de la route nationale en direction de Haute-Yutz est donc pris d’assaut par la compagnie. Malgré la résistance ennemie d’une ampleur impressionnante, la troupe occupe la ville en accord avec l’ordre du lieutenant-colonel Maroun. Vers 9h40, les deux compagnies de seconde vague attaquent la colline et y font onze prisonniers. Puis, elles se tiennent prêtes, une fois réorganisés, à attaquer le fort. À cet instant précis, Maroun dépêche le lieutenant James Billings à Fort Yutz, lequel arbore un drapeau blanc. Le commandant du fort reçoit le lieutenant, accompagné d’un interprète. Cependant, il refuse les termes de la capitulation.
Il faut donc se résoudre à une prise de l’ouvrage par la force des armes.
Le but est que les Allemands ne disposent d’aucun poste d’observation sur le site de franchissement. Des obus tirés par le corps d’armée allié sont destinés à abaisser le moral des défenseurs.
À partir de Haute-Yutz, la nationale est empruntée par les compagnies E et F. Cette dernière fait son entrée dans le Bois d’Illange, au sein duquel elle met hors d’état de nuire des mitrailleuses. Concernant la compagnie E, elle se trouve vite menacée par six mortiers de 120 mm placés devant le fort. Forcés de gagner l’abri des bois, les hommes sont pris pour cibles par l’artillerie. Leur tentative d’atteindre la nationale est encore tenue en échec par les mitrailleuses. Après la mort d’une trentaine d’hommes, elle est mise en réserve.
De son côté, la compagnie F progresse au nord du fort, sous la mitraille. Sachant qu’aucun camion n’est parvenu à franchir la Moselle, les Alliés ne possèdent ni torpille, ni équipement du génie à même de faciliter l’opération. Le réseau de fil de fer barbelé est troué à deux endroits, permettant à deux sections de faire leur entrée dans l’enceinte. Trois des six mortiers sont capturés. Anéantie, la compagnie E est remplacée par la compagnie G, laquelle, pour sa part, parvient à entrer dans le fort.
En fin d’après-midi, la construction d’un pont est parachevé… mais pas à l’endroit voulu. Néanmoins, la passerelle permet le passage du QG du bataillon ainsi que des services de santé, qui s’installent près de Fort Yutz. Du reste, deux pelotons de tank-destroyers et plusieurs canons anti-chars franchissent la Moselle. À la tombée de la nuit, le résultat est incroyable. Quatre sections sont disponibles pour l’objectif, d’autant plus que l’unité n’a pas cessé de combattre depuis quatre jours et ne disposait jusqu’à là d’aucune expérience du combat.
Le nettoyage
Dans la nuit, des explosifs et des équipements du génie sont acheminés par les échelons de service de la compagnie H. Cinq poches de résistance sont repérées. Au matin, elles sont attaquées par le truchement des charges explosives. Le capitaine Adair se charge de la besogne. À terme, la manœuvre porte ses fruits, même si tous les Allemands n’ont pas cessé de combattre.
La conclusion
À 10h40, Maroun, lui-même blessé, voit se présenter devant lui 67 survivants ennemis. 74 morts, côté allemand, sont dénombrés. En dépit de ses blessures, le lieutenant-colonel refuse de se faire évacuer.
En mars 1945, le bataillon obtient la plus haute décoration décernable aux États-Unis : la » Distinguished Unit Citation « . On écrit : » Pendant cinq jours d’action, le 2ème bataillon du 378th Inf. Regt. engagé dans sa première expérience de combat, en opération autonome pendant toute la durée, força un passage sur la Moselle en crue, progressa plus de 5 kilomètres face à un ennemi doté d’une farouche détermination, tua environ 300 Allemands, fit 215 prisonniers, captura deux importants forts et repoussa une puissante formation allemande. Pendant ce temps, le bataillon perdit plus de 200 hommes. Cette terrible détermination, ce grand courage personnel et cet extraordinaire talent firent que les hommes du 2ème bataillon du 378th Inf. Regt. gagnèrent cette tête de pont à Thionville qui permit une parfaite exécution du plan mis au point par la XXe corps d’armée US et réalisa l’occupation de Metz. Il sont un exemple pour tous nos hommes.
Bilan de la Seconde Guerre Mondiale à Thionville :
La précision des chiffres fournis ne peut être pleinement assurée.
Pertes humaines :
Environ 109 Thionvillois blessés
Environ 223 habitants tués
- 1 déporté du travail
- 5 déportés
- 11 maquisards
- 13 expulsés
- 33 soldats
- 34 enrôlés de force
- 41 civils morts sous les bombes
- 57 déportés et internés politiques
Environ 330 habitants déportés
Environ 618 habitants réfugiés et évadés
Environ 716 habitants expulsés
3 habitants fusillés par l’ennemi
4 habitants emmenés comme otages
Destructions :
Début des bombardements : 10 mai 1940
Fin des bombardements : 11 novembre 1944
7 bombardements endurés par Thionville
50 immeubles détruits
200 immeubles endommagés
Sinistrés :
2 évacuations
13 000 personnes en partie sinistrées
Épuration :
Inculpations :
8 membres du NSDAP
11 Blockleiter (Chefs de blocs d’immeubles) et Zellenleiter
14 fascistes italiens
24 membres du NSKK
34 SA
Exécutions :
2 collaborateurs sommairement exécutés
Bürckel est mort (Le Messin du : 07/10/44) :
La Radio de Londres nous annonce la mort, à la suite d’une pneumonie, du fameux Bürckel, Gauleiter de la Moselle et de la Sarre. Parler de Joseph Bürckel, c’est retracer le calvaire de la Moselle. Nous n’y manquerons pas dans un prochain numéro. Le peuple doit savoir de quelle façon ignominieuse la » race des Seigneurs « , dans nos trois départements opprimés, à tyrannisé et assassiné des patriotes qui se sont refusés à se plier aux volontés des politiques d’un vainqueur brutale et fourbe, des patriotes que, ni les bonnes paroles, ni les menaces, ni les terreurs n’ont pu subjuguer. Les méthodes employés par Bürckel en Moselle ont été portées à un rare degré de perfection teutonne. Il possédait ces éminentes qualités nazies, comme en témoigne son passé, comme en font foi aussi les châteaux, les parcs et chasses qu’il a pu, avec les derniers de l’État et après l’expulsion de leurs légitimes propriétaires, s’offrir aux environs de Metz et de Strasbourg.
Le rétablissement de la légalité républicaine en Moselle et en Alsace :
Depuis le 1er mars 1943, du fait de leur annexion, l’Alsace et la Moselle sont soumises aux lois et aux ordonnances allemandes. C’est pourquoi elles font toutes deux l’objet d’une ordonnance datée du 15 septembre 1944, appliquée au fil de la libération du territoire. L’ordonnance dit :
- Article 1er – Le rétablissement de la légalité républicaine dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est régi par les articles 1 à 6 de l’ordonnance relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental et par les dispositions de la présente ordonnance.
- Art. 2. – Tous les textes édictés en toute matière par la puissance occupation dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, quelles que soient leur forme et leur dénomination, sont et demeurent nuls et non avenus, sous réserve des mesures transitoires prévues à l’article 5 ci-dessous.
- Art. 3. – La législation en vigueur dans les hauts départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, à la date du 16 juin 1940 est restée seule applicable et est provisoirement maintenue en vigueur.
La situation atypique de Thionville :
Comme le dit le » Journal Libre » du vendredi 27 novembre 1944, Thionville est coupée en deux par la ligne de front. Et la situation en est d’autant plus exceptionnelle que 8000 habitants vivent entre les batteries américaines ainsi que les mortiers allemandes. La situation à Thionville est extraordinaire du fait que, à cette époque, elle est la seule ville de France à avoir pour monnaie courante le mark. Scindée en deux par la Moselle, la ville voit, sur sa rive gauche, autour de sa mairie et de sa sous-préfecture, ses maisons aux toits éventrés. Ces dommages sont liés aux tirs allemands, pour leur part établis sur la rive droite, autour du faubourg de Basse-Yutz et de la gare. Les échanges de projectiles sont permanents, menaçant de blesser les Thionvillois ayant opté pour poursuivre leur vie dans la ville. On peut comprendre la peur des habitants, quand les V1 des Allemands, tirés depuis leur base dans le secteur de Mondorf, s’écrasent dans le canton de Bouzonville.
Le Pont des Alliés :
Le génie militaire français, entre le 10 et le 15 juin 1940, fait sauter deux archers du pont de 1846. Sitôt entrés à Thionville, les Allemands débutent la construction d’une passerelle en bois entre les deux rives. Dans le même temps, ils entament l’élévation d’un nouveau pont à l’emplacement de l’ancien pont-couvert. Sa mise en service a lieu en 1941. Au cours de la libération de la ville par les troupes alliées, les Allemands font sauter, le mardi 12 septembre 1944, les arches centrales du pont de 1941. Entre le 9 et le 19 novembre 1944, les Américains posent une charpente métallique entre la rive gauche et le tronçon du pont détruit, le matériel déposé préalablement sur la Place du Marché. Les travaux de reconstruction du pont de 1941 débutent au moins de novembre 1945 pour se terminer le 1er octobre 1946.
Le 1er septembre 1944, parti des environs d’Etain, une équipe de 30 hommes du 3ème escadron de cavalerie de reconnaissance (du GCRR) commandé par le lieutenant James D. Jackson prend la route de Thionville avec 3 automitrailleuses (1) de type M8 et 6 Jeeps armées. (Ci-dessous, photo d’une patrouille)
Ils vont traverser Etain, Fleville, Lixière, Mancieulles, Trieux, Fontoy, Hayange, Florange, Terville puis Thionville. Le parcours se passe bien jusqu’à Hayange où les américains rencontrent 3 chars Panzer PZKPFWIII.
Ils vont en détruire un, les deux autres rompront le combat. Il semble qu’à Terville, un accrochage ait eu lieu entre l’escadron de reconnaissance et deux soldats allemands à la traîne.
Ceux-ci ouvrirent le feu sur les américains et furent tués par la riposte américaine. Deux résistants, des FFI thionvillois, Robert Wax dit « Gabriel » et Albert Ordener guident les américains dans Thionville.
L’escadron de reconnaissance arriva à Thionville vers 16h, deux automitrailleuses roulent en tête, suivies par les six Jeeps, la dernière automitrailleuse ferme la marche. Il tombe quelques obus de mortier, enfin l’escadron arrive devant le pont sur la Moselle, actuellement le pont des Alliés. Là, des tirs allemands se déchainent venant du quartier de la gare, accrochant sérieusement les américains qui descendent de leurs véhicules pour se protéger derrière et risposter. Six soldats furent blessés dont le lieutenant Jackson en traversant le pont pour couper les câbles des charges explosives misent là pour détruire ce pont.
Le sergent Baker sera grièvement blessé en allant secourir le lieutenant, il décèdera pendant le trajet de retour vers Etain.
Après ce combat, l’escadron américain prend la route du retour et à Terville deux résistants vont leur indiquer une autre route passant par le bois de l’Etoile pour rejoindre Etain, ce qui leur évitera de rencontrer les deux chars « Panzer » restés en embuscade vers Florange ou Hayange. Les deux guides FFI restés à Thionville furent dénoncés par une voisine et arrêtés. Robert Wax fut reconnu coupable d’avoir un fusil-mitrailleur caché dans sa cave, jugé sommairement au petit séminaire de Metz, il fut fusillé vers 20h30, le 3 ou le 6 septembre 1944, dans la cour du même petit séminaire. Albert Ordener chez qui la fouille ne donna rien, n’avoua pas, il fut condamné à la prison.
Le lieutenant James D. Jackson (9) fut distingué de la « Distinguished Service Cross » pour son action, il est décédé aux Etats-Unis en juillet 2001. »
Remarques:
Lors du 60ème anniversaire de la libération de Thionville, une stèle fut érigée devant la mairie de Thionville, sur le parking longeant la Moselle et inaugurée le 11 novembre 2004 par le maire de Thionville, pour commémorer cet acte de bravoure.
Il est juste dommage qu’il faille aller voir derrière la stèle pour y trouver les noms des victimes alors que la plaque se trouvant devant la stèle mentionne la date de l’inauguration et la qualité des personnes ayant participées à cette inauguration. L’inverse eut été, il me semble plus approprié !
2 – Un capitaine et un soldat qui furent inhumés au cimetière de Terville. Des années plus tard les corps seront rapatriés dans une nécropole militaire allemande. (Information d’un habitant de Terville.)
3 – Ils avaient rejoint les américains à Thionville et non à Etain ou à Hayange. (Source M. JC Wax de Gavisse)
4 – Il avait 25 ans, marié et père d’un enfant, coiffeur et résistant. Il habitait au 30, rue de la Paix à Thionville. Son nom devait être donné à l’école d’Elange, mais au final, c’est une rue de Thionville qui porte son nom.
5 – Avec une autre Thionvillois, M. Hirt, ancien légionnaire d’origine Suisse qui était boucher à Thionville. Trois autres personnes furent fusillés avec eux dont les noms ne sont pas connus.
6 -Tous les articles traitant de ce fait donne le 3 septembre comme date de l’exécution. Toutefois un rapport fait par Albert Ordener dit que le jugement et l’exécution ont eu lieu le 5 et 6 septembre 1944.
7 – Il était boulanger, conseiller municipal et résistant.
8 – Pourtant des notes laissent à penser qu’il avait aussi une arme cachée dans son four à pain !
9 – Le lieutenant Jackson, soigné, retrouva son unité en décembre 1944 dans la Sarre. Il acheva la guerre en Autriche et rentré chez lui en été 1945, il y fut démobilisé.
Le sergent Baker, blessé à Thionville, décèdera pendant le trajet de retour vers Etain.
Thionville : Leur père avait évité que le pont des Alliés saute durant la Seconde Guerre mondiale
Alors que le pont des Alliés se refait une santé, l’histoire nous rappelle qu’il a bien failli disparaître en 1944. Nous avons retrouvé les fils d’Albert Ordener, descendants de celui qui a ouvert le chemin aux Américains.
Certes, il ne reste que des bribes de souvenirs de l’époque où leur père a été arrêté à la maison, en 1944. Pourtant, Ferdinand Ordener, 81 ans, et son frère Raymond, 77 ans, n’ont pas totalement oublié à quoi ressemblait alors le pont des Alliés et ce qu’il est devenu aujourd’hui : un vaste chantier au long cours programmé pour consolider l’ouvrage qui a failli disparaître du paysage durant la guerre.
Leur père, Albert Ordener, était un boulanger discret, FFI thionvillois, résistant de l’ombre qui jamais ne parla à sa famille de son rôle de messager – de boîtes à lettre comme on disait –, « distribuait du pain aux Polonais de l’usine Karlshütte », et certainement aussi à ceux qui apportaient leur pièce à l’édifice pour contrer l’ennemi et le faire tomber. Des hommes et des femmes qui ont, bien plus tard, été récompensés pour leur bravoure. Albert Ordener sera nommé chevalier de la Légion d’honneur, et a reçu la médaille militaire. Surtout, l’Histoire retiendra que lui et un camarade, Robert Wax, ont ouvert le chemin au 3e escadron de cavalerie de reconnaissance commandé par le lieutenant Jackson. Six soldats US seront blessés dans l’opération qui visait à couper les câbles des charges explosives destinées à faire sauter le pont des Alliés.
« Ce matin-là, c’était comme une bourrasque »
Des années ont passé. Pour nous, l’aîné des deux fils rouvre la page du chapitre où leur père, dénoncé par une voisine, fut chassé de chez lui par les Allemands. « Je me rappelle que ce matin-là, c’était comme une bourrasque. Les portes claquaient. Les SS l’ont menotté. Comme elle pleurait, maman. Ils ont fouillé la maison en quête d’armes. Des armes cachées dans le four de la boulangerie, et qu’ils n’ont jamais trouvées. »
Hier, grâce aux propriétaires de la boulangerie Moniot, Ferdinand et Raymond ont pu revoir ce fameux four à bois, toujours en activité, où leur père, victime d’un troisième infarctus en 1981, avait eu l’idée de dissimuler ses armes, disposées là en pièces détachées.
Un moment chargé d’émotions, fait de flash-back parfois heureux du temps où les deux frères gambadaient en culottes courtes.
« Son métier l’a sauvé »
Tout l’opposé de ce qu’a vécu à cette période leur papa, « qui jamais ne se plaignait ». Rapatrié à Queuleu après son arrestation pour avoir guidé les troupes américaines, il sera envoyé de force à Sarrebruck, où ses compétences professionnelles seront mises à contribution. « Son métier l’a sauvé », retiennent ses fils.
Pour autant, son nom figurait sur la liste des personnes qui devaient être fusillées. « La veille, il s’est enfui de là, il s’est sauvé en suivant la voie ferrée qui menait à Carling, là où il avait aussi de la famille. » Albert a survécu. Pas Robert Wax, qui tomba sous les balles allemandes.
Aussi loin que sa mémoire lui distille des images d’un lointain passé, Ferdinand se remémore cette journée où « vers midi, à Elange, les SS remballaient leur matériel. L’un d’entre eux m’a appelé pour me donner un bonbon. C’était vraiment pas très bon. Le soir, les Américains arrivaient. Là, c’est un chewing-gum que j’ai eu. Je l’ai goûté, puis avalé (rires). » Une anecdote pour un petit bonhomme, une délivrance ce jour-là pour Th
QUELQUES PHOTOS DE
LA LIBERATION DE THIONVILLE
Coupure d’un journal d’époque montrant le pont sur la Moselle à Thionville protégé par une batterie anti-aérienne.
SOURCES WIKITHIONVILLE, ASSOCIATION ASCOMEMO, REPUBLICAIN LORRAIN et Mr PASCAL BERTRAND